50 ans de Ballets jazz Montréal : Lettre d’amour à la danse

Ballets jazz Montréal poursuit les célébrations pour son 50e anniversaire et présente, pour la première fois en salle à Montréal, le programme triple Essence. Une soirée éclectique composée de trois chorégraphes féminines qui veulent mettre en avant les danseurs.

« En 50 ans, certaines choses n’ont pas changé, plusieurs éléments font vraiment partie de l’ADN de Ballets jazz Montréal, par exemple le fait d’accomplir beaucoup de choses avec peu de personnes », estime Alexandra Damiani, directrice de la compagnie depuis 2021.

En effet, selon elle, la petite équipe de Ballets jazz Montréal (BJM), qui représente 24 personnes, est à la base de la plupart des projets de la compagnie. Un élan et une énergie qu’on voyait déjà en 1972.

« Geneviève Salbaing [créatrice des Ballets jazz de Montréal, l’ancien nom de la compagnie] était super-connectée et intrépide. Quand les premières pièces furent créées pour la toute nouvelle compagnie, elle a appelé Maurice Béjart pour qu’il invite la troupe à faire partie d’un festival en Europe ! Elle fonçait, et ça, j’adore, et je pense qu’on est encore dans cette force vitale là ! » ajoute Mme Damiani.

À travers cette anecdote, on constate aussi que BJM a toujours été une compagnie de tournée, une compagnie qui fait danser ses interprètes sur la scène internationale. Une habitude que la nouvelle directrice compte bien poursuivre, tout en s’adaptant aux réalités actuelles. « Oui, voyager, mais prendre le temps de contrebalancer nos voyages et trouver un véritable équilibre là-dedans », dit-elle.

Depuis ses débuts, BJM fait partie des rares compagnies québécoises qui embauchent une dizaine de danseurs à temps plein, à l’année. Là encore, c’est une caractéristique importante, selon Mme Damiani, qui tient à choyer ses artistes, place qu’elle occupait il y a 20 ans. « Je sentais déjà à l’époque que ma personnalité était la bienvenue, que chacun avait sa place et était apprécié pour ce qu’il est. Personne n’est brimé pour rentrer dans un moule », affirme-t-elle.

D’un autre côté, Ballets jazz Montréal n’est plus ce qu’il a déjà été. En effet, au départ, Geneviève Salbaing et Eva Von Gencsy, passionnées par la musique jazz, bousculaient les codes en proposant des écoles où était enseigné un nouveau style de danse, sur de la musique jazz. Leur succès a ensuite permis l’ouverture d’une compagnie qui mettait de l’avant ce nouveau style.

« Déjà, quand Louis Robitaille a pris la direction artistique, il y a 25 ans, il a voulu ancrer les Ballets jazz dans l’actualité, en apportant un côté contemporain, de la musique de l’époque, des percussions, qui sont en rapport avec le jazz, mais ça s’est éloigné quand même », raconte la directrice artistique.

Cependant, selon elle, l’énergie des danseurs reste la même. « Ils sont dynamiques, sensuels, généreux, ils n’ont pas peur de faire plaisir, de faire ressentir quelque chose au public pour partager leur passion, et ça, c’est depuis le début », affirme-t-elle. Pour Mme Damiani, la polyvalence et la grande technique des danseurs de Ballets jazz Montréal leur permettent, encore aujourd’hui, de s’adapter à tout.

Rendre hommage aux interprètes

Lorsqu’Alexandra Damiani entre en poste, BJM vient tout juste de lancer une grande création, destinée à l’international, Vanishing mélodies. Un peu prise de court, la nouvelle directrice artistique décide de mettre la main à la pâte et de proposer, alors que ce n’était pas prévu, un programme pour célébrer les 50 ans de la compagnie. « Je le pensais en complément de Vanishing mélodies et aussi pour célébrer mon arrivée. J’avais envie de proposer une lettre d’amour à la danse, de mettre en valeur la technique, la beauté et l’altruisme des interprètes », raconte-t-elle.

Le temps et le budget n’étant pas très conséquents, Alexandra Damiani décide d’y aller « avec le coeur » pour choisir les chorégraphes de cette soirée imprévue. Elle pense alors tout de suite à Crystal Pite, qu’elle a rencontré quand elle dansait elle-même pour Ballets jazz Montréal et avec qui elle a travaillé durant sa carrière à New York.

À mes yeux, cette pièce va montrer toutes les facettes de Ballets jazz Montréal, le niveau technique, l’intelligence et la sensibilité

« C’est Crystal elle-même qui a soumis l’idée de remonter Ten Duets on a Theme of Rescue, une pièce qu’on avait travaillée ensemble à New York. J’étais directrice de répétition pour cette pièce à l’époque, alors, dès qu’on s’est mises d’accord, je suis allée en studio avec les danseurs pour la leur transmettre », dit celle dont la carrière a débuté il y a près de 30 ans.

Pour la directrice, cette courte pièce, de 14 minutes, est « du grand Crystal, de la broderie pour les danseurs ». « À mes yeux, cette pièce va montrer toutes les facettes de Ballets jazz Montréal, le niveau technique, l’intelligence et la sensibilité », dit-elle. Ici, le sauvetage, l’interdépendance, le besoin de l’autre font partie des thèmes abordés. « Les images vont vraiment droit au coeur. Crystal joue aussi avec le temps, les arrêts, les ralentis, la puissance d’un simple moment », poursuit-elle.

Dans un deuxième temps, Alexandra Damiani a pensé au travail d’Aszure Barton et à sa pièce Les chambres des Jacques, créée sur mesure pour les danseurs de la compagnie en 2006. « Elle a tout de suite embarqué quand je lui ai proposé de mettre au goût du jour cette pièce très rock’n’roll qui parle des dépendances, des fantasmes, du bordel et de l’essence des humains. Des chambres ou des endroits interdits qu’on cache, j’adore ! » dit-elle.

Enfin, pour compléter son programme, Alexandra Damiani a fait appel à une des jeunes danseuses de la compagnie, Ausia Jones. « J’ai entendu parler d’elle avant même qu’elle termine l’école en Californie et après, j’ai rapidement vu son talent. J’avais envie de lui donner une chance, de faire une place à la relève, aux jeunes », dit-elle.

Avec We Can’t Forget About What’s His Name, la jeune chorégraphe fait place à la musique house, à l’univers du clubbing, dans une esthétique totalement non binaire. « Beaucoup de jeunes restent influencés par leurs maîtres, leurs professeurs, mais Ausia se démarque vraiment, elle a déjà son propre langage, elle maîtrise », pense-t-elle.

Ce n’est qu’après avoir terminé sa programmation que la directrice artistique s’est aperçue qu’il s’agissait des oeuvres de trois femmes. « J’y suis allée avec le coeur, tout simplement. Après, ça en dit long sur moi, c’est certain, mais je n’ai pas fait ça consciemment ! » dit-elle, amusée.

Le programme Essence promet donc une soirée très diversifiée pour les danseurs et les spectateurs. Une richesse, selon Mme Damiani. « Avec Ausia, on est dans la fougue, dans la jeunesse. Avec Crystal, la maturité, la délicatesse et l’art de la danse sont mis de l’avant. Enfin, avec Aszure, c’est le côté performatif, théâtral, qui se dégage. Pour moi, c’est ça, Ballets jazz Montréal », conclut-elle.

Essence

Ballets jazz Montréal, chorégraphies d’Ausia Jones, de Crystal Pite et d’Aszure Barton. Au théâtre Maisonneuve de la Place des Arts du 27 au 30 septembre et au Centre culturel de l’Université de Sherbrooke le 3 octobre.

À voir en vidéo

You May Also Like

More From Author