Appel à une enseignement financier précoce au Québec

Dans un monde de plus en plus complexe sur le plan économique, l’éducation financière est devenue une compétence vitale. Alors que nombre d’entre nous se tournent vers les livres de Pierre-Yves McSween pour s’instruire sur la gestion de nos finances, il est temps de se demander si cet enseignement ne devrait pas commencer plus tôt…

Dans le contexte où novembre marque le mois de l’éducation financière, il est impératif de souligner la nécessité de poursuivre les efforts déjà entrepris dans les écoles du Québec afin de préparer les adolescents à faire face aux défis qui les attendent. Le ministère de l’Éducation du Québec avait reconnu, en 1982, l’importance d’inculquer des compétences financières aux élèves en instaurant un cours d’éducation économique obligatoire au secondaire.

Après avoir été aboli en 2009 lors d’une réforme majeure du système éducatif québécois, il aura fallu attendre septembre 2017 pour que le Québec réalise une avancée significative en instituant un cours d’éducation financière obligatoire pour les élèves de la cinquième secondaire. Bien que le Canada figure actuellement parmi les pays les mieux informés en matière financière, il subsiste encore un important travail à accomplir pour renforcer cet enseignement et garantir un avenir financier solide aux prochaines générations.

L’éducation financière constitue un parcours à long terme, et lorsqu’elle est intégrée dès le plus jeune âge, elle permet d’acquérir les connaissances et les compétences indispensables pour développer un comportement financier responsable. Bien que l’école ne soit pas le seul endroit où préparer les jeunes à devenir des citoyens éclairés, et que la responsabilité des parents dans l’éducation financière de leurs enfants soit indéniable, il ne fait désormais aucun doute que le système éducatif joue un rôle de première importance dans la transmission de ces savoirs.

À l’heure actuelle, certains pays se distinguent par leur engagement en matière d’éducation financière en instaurant des programmes émergents et novateurs. À titre d’illustration, l’initiation à l’éducation financière est amorcée, en Suède, dès l’entrée au primaire et en Finlande, à compter de la première année du secondaire.

Des comportements financiers responsables

Au Québec, bien que l’enseignement de tels savoirs soit rendu obligatoire au programme de la cinquième secondaire depuis 2017, la réussite du cours 102-522 ne constitue pas un critère essentiel pour l’obtention du diplôme d’études secondaires (DES). Axé sur une seule compétence, à savoir « prendre position sur un enjeu financier », le cours Éducation financière du programme de formation de l’école québécoise vise à « orienter les élèves vers des choix financiers responsables ».

S’inscrivant dans la continuité du domaine de l’univers social, la compétence unique du cours est divisée en trois thèmes distincts : consommer des biens et des services ; intégrer le monde du travail ; poursuivre des études. Malgré la robustesse de son contenu, on doit se demander si, à lui seul, ce cours est suffisant pour préparer adéquatement les jeunes à gérer leurs finances personnelles.

Conformément au Programme de formation de l’école québécoise, les élèves sont actuellement exposés aux bases de l’éducation financière pour la première fois en cinquième secondaire, c’est-à-dire vers l’âge de 16-17 ans. Or, une récente enquête réalisée aux États-Unis par l’autorité de réglementation du secteur financier (FINRA) a démontré que les jeunes qui reçoivent une éducation financière précoce présentent une nette réduction de leur propension à faire face à des difficultés financières, et ce, indépendamment de leur contexte socio-économique.

Cinq ans après la mise en place d’un programme d’éducation financière dès l’entrée au secondaire, certains États américains ont même enregistré une amélioration significative de leurs indicateurs de notation de crédit, ainsi qu’une réduction notable de leurs taux d’endettement. Ces observations renforcent la thèse selon laquelle l’introduction précoce de l’éducation financière joue un rôle crucial dans la promotion de comportements financiers responsables.

Les domaines des finances personnelles et de l’économie constituent des aspects inévitables auxquels les jeunes seront confrontés tout au long de leur existence. Par conséquent, il est impératif qu’ils développent rapidement une solide compréhension des fondements de l’éducation financière ainsi que des principes économiques de la société. Ce constat est d’autant plus évident lorsque l’on constate que 87 % des jeunes adultes nord-américains déclarent ne pas avoir une compréhension adéquate de leurs finances personnelles (Forbes, 2022).

Réduire les situations de précarité

Exacerbée par la pandémie, cette statistique met également en évidence le fait qu’une grande partie de la population ne semble pas suffisamment préparée pour faire face à une situation d’urgence financière. Selon la FINRA, un Nord-Américain sur trois éprouverait de la difficulté à amasser la somme de 400 $ pour faire face à une dépense inattendue.

La majorité des jeunes adultes ont recours à l’emprunt pour couvrir leurs besoins, financer leurs études ou acquérir un véhicule, mais peu d’entre eux ont une compréhension précise de la nature de leurs engagements financiers ou de ce que constitue une dette appropriée. C’est pourquoi il est essentiel de doter les jeunes d’une éducation financière solide afin de les habiliter à appréhender de manière plus complète le fonctionnement économique de notre société et de cultiver chez eux un discernement plus éclairé pour réduire les situations de précarité.

Le cours 102-522 représente un défi unique au sein du Programme de formation de l’école québécoise, non seulement pour les élèves, mais également pour les enseignants qui ont la responsabilité d’inculquer des notions nouvelles pour lesquelles le terrain ne semble pas avoir été cultivé.

En 2020, le ministère de l’Éducation a lancé une démarche réflexive qui a mené à l’élaboration du nouveau programme Culture et citoyenneté québécoise, lequel entrera en vigueur dès la rentrée 2024-2025 en remplacement du programme actuel Éthique et culture religieuse. Ce cours vise principalement à intégrer des savoirs nouveaux afin d’élargir le contenu du cursus, tant pour les six années du primaire que pour la 1re, la 2e, la 4e et la 5e secondaire. Bien que cette initiative permette de moderniser le programme en vigueur, il est regrettable de constater qu’aucun aspect relatif à l’éducation financière n’y est abordé.

Près de sept ans après l’adoption du cours d’éducation financière par le ministre de l’Éducation, il est peut-être temps d’évaluer la situation et d’entamer une réflexion sur la question de la place à accorder à de tels savoirs dans les écoles québécoises. Au bout du compte, l’éducation financière, ce n’est pas essayer de faire de tous les élèves des Pierre-Yves McSween, mais bien de les informer, pas à pas, afin qu’ils soient en mesure de prendre de meilleures décisions financières pour leur avenir.

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