Après le tourbillon pop de son premier disque solo, Eli Rose propose « Hypersensible »

Des fois, les métamorphoses vont plus loin que ce qu’on anticipait, et le beau changement prévu peut nous faire perdre pied ou nous couper le souffle. C’est un peu l’histoire de la chanteuse Eli Rose, qui, en 2019, avait mis le paquet avec un premier disque solo cochant tous les codes de la pop, à des milles de son premier projet chansonnier, Eli et Papillon.

Le grand tourbillon qui a suivi et son arrêt net en raison de la pandémie auront écorché la Montréalaise, qui revient sur disque avec Hypersensible, porté par une approche et des ambitions recentrées, plus proches de sa nature et de ses réels désirs.

Dans son coton ouaté jaune, Eli Rose revient d’emblée sur l’aventure de son premier disque, lancé en 2019, qui porte son nom et sur lequel la nouvelle étiquette Maison Barclay misait beaucoup. Il était pour la chanteuse l’occasion de se réinventer. De la chanson « joviale », elle est passée à la pop d’été accrocheuse et cousine du rap, se créant même une identité vestimentaire « sporty » — avec souliers blancs, pantalons Adidas et chandails Fila.

Et ç’a marché pour elle, portée entre autres par le succès Carrousel. Au compteur : quelque 26 millions d’écoutes totales sur les plateformes musicales et plusieurs premières parties de gros noms comme Angèle ou Jaïn. Ç’a marché, donc, mais… trop pour elle.

« J’ai voulu me prêter au jeu, puis un peu me créer, comme Miley Cyrus quand elle est sortie [du personnage] de Hannah Montana, dit Eli Rose en rigolant. C’est sûr que moi, c’est pas le même niveau, mais c’était comme mon moment Wrecking Ball : c’était maintenant ou jamais si je voulais faire ce virage à 180 degrés. Sauf que je me suis vite rendu compte que c’était trop. J’étais trop dans un extrême. »

Avec le recul, la musicienne estime qu’elle n’avait pas les reins assez solides pour ces montagnes russes et ces immenses défis. En plus, elle se sentait à côté de ses pompes (blanches). « Ce n’est pas qui je suis fondamentalement, explique celle dont le vrai nom est Élise Larouche. Tu sais, j’aime passer du temps à la maison, j’aime jardiner, je m’habille avec le même jeans tous les jours. Quand je vais chercher mon fils à la garderie, je ne me maquille pas… »

Ce sont là beaucoup de mots sur le passé, mais ils sont essentiels aux yeux d’Eli Rose pour comprendre où elle campe sur Hypersensible. Après toutes ces émotions et la chape de plomb de la pandémie, celle qui a reçu le Félix de Révélation de l’année en 2020 est finalement sortie de sa torpeur. Cette compilation de chansons, « c’est un retour aux choses plus simples, à qui je suis. En fait, c’est comme une quête personnelle en différents volets. C’est un album où j’ai pigé dans tout mon trop-plein émotionnel ».

Pour ce faire, Eli Rose a notamment eu l’aide de l’autrice Gaëlle, une pro des mots et des chansons. En une soirée et un petit café, les deux créatrices ont couché dans un document le squelette de l’album. « Elle m’a dit : “Si tu ne te sens pas bien, on va l’écrire pour que tu te sentes bien.” Ç’a été une thérapie, cet album-là. »

Elle parle un peu d’amour — dont d’une ancienne histoire pas encore cicatrisée sur CDN —, de son amour du temps passé sur 1994, de réseaux sociaux sur Paradis — divulgâcheur : elle déteste ça — et pas mal de remises en question, entre autres sur le monde de la musique. « Sa majesté la reine /N’était pas préparée / À tant sortir de l’ombre / Jongler dans le monde », chante-t-elle sur As de coeur. « C’est pas tant contre mon label, contre cette industrie-là, c’est plus contre le personnage que j’ai créé. Mais avec le recul, aujourd’hui, je ne suis pas dans une cage dorée, comme je le raconte, parce que là, j’ai repris le contrôle. »

Hypersensible est musicalement dans un autre spectre que celui de son prédécesseur. C’est encore pop, mais moins trempé dans la crème solaire et moins destiné à tout casser. Eli Rose a davantage fait d’« explorations », notamment avec le réalisateur Connor Seidel (Half Moon Run) et Nk. F, une star du studio qui travaille avec les gros noms du rap français, dont PNL.

L’album est plus… assis ? « C’est vraiment ça. Il y a des chansons qui sont plus comme de longues vagues, dit-elle. Ça ne veut pas dire que je ne ferai jamais de morceaux bonbons, mais j’ai pas fait l’album en me disant “je veux absolument qu’il passe à la radio”. C’est la première fois que j’ai pas pensé à ça. Je veux juste faire des chansons que j’aime. »

Ici, donc, le geste compte plus que le résultat, et ça change la donne. Ses ambitions sont à l’avenant, aussi : simplement rencontrer son public dans un contexte agréable. « J’ai cinq dates en février, puis j’aimerais ça par exemple ne pas attraper de virus de garderie, s’amuse-t-elle. Tu sais, vivre cinq bons shows, le fun. Juste ça, je vais être reconnaissante. Et puis bon, je ne serai jamais Angèle, je ne serai jamais Taylor Swift, mais je suis fière de cet album-là. Puis, je vais le mener le plus loin qu’il peut aller. C’est ça que je me dis. »

Hypersensible

Eli Rose, Maison Barclay/Universal Canada

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