Assureurs et banques évitent de plus en plus les zones inondables

Vivre dans une zone inondable entraîne de plus en plus de problèmes pour les résidants.

Par exemple : le Mouvement Desjardins a récemment décidé de cesser de financer l’achat de maisons situées en zone inondable, avec quelques exceptions.

Philippe Gachon, le directeur général du Réseau Inondations InterSectoriel du Québec, croit que la décision de Desjardins n’est que la pointe de l’iceberg. Les municipalités devront relever de nombreux défis alors que les autorités provinciales publieront bientôt une nouvelle cartographie des zones inondables.

« Il y a des gens qui vont découvrir qu’ils vivent dans une zone à risque. Ils ne le savaient peut-être pas auparavant », dit-il.

Si la nouvelle carte permet aux municipalités d’obtenir plus de renseignements sur leur situation, elle risque de jouer un mauvais tour à des résidants en déterminant ceux qui pourront obtenir des assurances.

« Il sera impossible de s’assurer dans certains secteurs, les assurances coûteront trop cher pour une majorité de personnes », souligne M. Gachon, professeur d’hydroclimatologie à l’UQAM.

Assurances gouvernementales plafonnées

Dans un courriel, Desjardins a évoqué de nombreux facteurs pour justifier sa décision : le manque d’assurance inondation, le plafond imposé par le gouvernement sur les indemnités aux victimes, le coût croissant des dégâts causés par les inondations.

« On doit noter que les propriétés situées dans une zone inondable de grand courant (zone 0-20 ans) ne sont habituellement pas assurables, tandis que les assurances gouvernementales protègent une propriété pour un maximum de 400 000 $ à vie », mentionne une porte-parole de Desjardins, Chantal Corbeil, dans un courriel.

Depuis 2019, le gouvernement a signalé ses réticences à indemniser les sinistrés pour des dégâts subis par une propriété année après année. Il a imposé un nouveau plafond pour les indemnités et offre des incitatifs financiers pour convaincre les gens à ne plus vivre dans une zone inondable.

Selon le Bureau d’assurance du Canada, les inondations de 2017 et de 2019 ont respectivement coûté aux compagnies d’assurances 57,9 millions et 279,7 millions. Elles ont aussi coûté près de 390 millions au gouvernement québécois en pertes non assurées.

Au Québec, 340 000 propriétés, soit environ 20 % de la population, sont exposées aux inondations.

« Je ferais comme eux »

Le président de la Fédération des municipalités du Québec, Jacques Demers, rappelle que Desjardins était l’un des derniers prêteurs hypothécaires à financer l’achat de maisons dans une zone inondable. La majorité d’entre eux refusent de prêter des centaines de milliers de dollars pour une propriété dont la valeur tomberait à zéro après une inondation.

« Je ferais comme eux si j’étais à leur place », convient-il.

Depuis les inondations de 2017 et de 2019, la majorité des municipalités ne permettent plus la construction de nouveaux bâtiments dans une zone à haut risque. M. Demers souligne que certaines villes ont adopté des stratégies diverses. Certaines cherchent à protéger les infrastructures, d’autres exercent des pressions pour que les riverains s’éloignent d’un cours d’eau.

Par exemple, à Beauceville, dans la région de Chaudière-Appalaches, les autorités ont décidé de réaménager certaines infrastructures collectives à la suite de la catastrophique inondation de 2019. Pas moins d’une centaine d’édifices avaient été démolis.

Serge Vallée, le directeur général de Beauceville, dit que la ville n’échappe que rarement aux inondations. Elle s’est toujours reconstruite près de la rivière Chaudière en raison de la configuration des terrains aux alentours. Mais après 2019, il est devenu clair que la ville n’avait plus le choix. M. Vallée mentionne que l’hôtel de ville a été inondé quatre fois et menacé par des glissements de terrain.

Le coeur du centre-ville sera relocalisé, ajoute-t-il.

Mais réaménager une ville n’est pas une tâche facile. L’opération a nécessité de nombreuses études et de l’aide financière des autres ordres de gouvernement. Les travaux ont été retardés par la COVID-19, la hausse des taux d’intérêt et l’augmentation des coûts de construction.

Toutefois, M. Vallée demeure optimiste.

« Nous sommes conscients de la déception à la suite de 2019 et de la perte de bâtiments patrimoniaux, mais aujourd’hui, la participation aux consultations publiques est élevée. Les gens sont prêts pour le renouveau. »

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