Avec la loi immigration, qui sera expulsé ? Qui ne pourra plus entrer en France ?

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Avec la loi immigration, qui sera expulsé ? Qui ne pourra plus entrer en France ?

Le projet de loi immigration de Gérald Darmanin est examiné au Sénat. Le texte vise à faciliter les expulsions de certains immigrés et à améliorer l’intégration d’autres étrangers, mais certains articles font débat. Qui pourrait rester en France si le texte est voté ?

Après de nombreux reports, le projet de loi immigration est enfin arrivé au Sénat. Le parcours législatif est cependant loin d’être fini, car le texte ne parvient pas à réunir une majorité franche. Espérant faire adopter son projet de loi, Gérald Darmanin a simplifié le trait de son texte indiquant qu’il s’agit “d’être gentil avec les gentils, et méchant avec les méchants”. Comprenez : faciliter les expulsions des immigrés délinquants et développer un “volet intégration” pour les immigrés qui travaillent.

Le projet de loi immigration penche sérieusement vers la droite avec des mesures répressives ou limitant la délivrance de titres de séjour, mais il dispose d’une garantie pour satisfaire l’aile gauche de la majorité : l’article 3. Un point qui est tout de même de trop pour la droite. Qui sont les étrangers qui pourraient être expulsés, empêchés d’entrer ou au contraire régularisés avec le projet de loi immigration ? Explications

Des procédures d’expulsions facilitées

Procéder à des expulsions plus facilement : c’est une des principales ambitions du projet de loi présenté par Gérald Darmanin. Le ministre propose de pousser en dehors du pays les immigrés délinquants, notamment ceux ayant été condamnés pour des délits ou des crimes punis de 10 ans d’emprisonnement, voire de 5 ans en cas de récidive.

D’autres étrangers, qui n’auraient pas commis de méfaits, mais représentant une “menace grave pour l’ordre public ou la sûreté de l’Etat” pourraient être menacés d’expulsion et expulsés plus facilement. Cela passerait notamment par une réduction des protections comme l’abolition de la protection de l’éloignement qui interdit pour l’heure d’expulser un individu entré sur le sol français avant l’âge de 13 ans. Un cas qui rappelle celui de l’assaillant de l’attentat d’Arras, fiché S pour radicalisation, qui n’avait pu être expulsé car arrivé en France dans sa petite enfance. Toujours en lien avec l’attentat d’Arras, le ministre de l’Intérieur souhaite que les étrangers qui “adhèrent à une idéologie djihadiste radicale” se voient retirer leur titre de séjour et puissent donc être expulsés après l’adoption de son projet de loi.

Les mesures d’expulsions pourraient aussi être facilitées par des délivrances d’obligations de quitter le territoire français (OQTF) plus récurrentes à l’encontre des demandeurs d’asile. Le projet de loi prévoit qu’une OQTF soit prononcée dès le premier rejet d’une demande d’asile et avant que des recours aient pu être formulés. Ces OQTF, une fois délivrées, obligent l’individu à quitter la France par ses propres moyens sous un délai de 30 jours avant que l’expulsion ne soit, théoriquement, exécutée.

Des entrées limitées en France

Si le projet de loi immigration pense aux expulsions de certains étrangers, il prévoit aussi de durcir les critères permettant la délivrance de titres de séjours et donc de limiter la part d’immigrés régularisés en France. Cette limitation passerait par une réduction par trois des recours possibles pour les demandeurs d’asile qui verraient leur demande rejetée : ils ne pourraient utiliser que 4 recours contre 12 actuellement.

La commission des lois du Sénat s’est permise quelques ajouts sur ce volet du projet de loi immigration : le durcissement des critères nécessaires au regroupement familial, avec notamment un renforcement des conditions de séjour et de ressources du demandeur, et l’instauration de “quotas en matière migratoire”. Cette dernière mesure offrirait au Parlement un droit de regard pour déterminer “le nombre d’étrangers admis à s’installer durablement en France” par année.

Mais des immigrés régularisés par le travail

Avec autant de mesures destinées à limiter le nombre d’immigrés régularisés en France ou à expulser les étrangers en situation irrégulière, le ministre de l’Intérieur s’adresse à la droite mais s’éloigne de l’aile gauche de la majorité présidentielle. Pour s’attirer les votes de celle-ci, il a pensé l’article 3 du projet de loi qui permettrait de délivrer un titre de séjours aux immigrés en situation irrégulière mais travaillant dans des “métiers en tension”, – la liste des professions doit être actualisée mais compterait la restauration, le nettoyage, le BTP ou l’agriculture.

Ces titres de séjour seraient valables un an et renouvelables tant que les conditions seraient remplies. Selon Gérald Darmanin, cette mesure entrainerait la délivrance de 7 000 à 8 000 titres, soit plus ou moins l’équivalent de ce que permet la circulaire Valls sur la régularisation d’un étranger par le travail. Les étrangers diplômés et travaillant dans le domaine de la santé pourraient également recevoir un titre de séjour “talent – professions médicales et de la pharmacie” pour répondre aux besoins de recrutement de personnes qualifiées dans ce secteur.

Or, la droite s’oppose fermement à cet article et les grosses têtes du parti tels que Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, ont assuré que la droite ne votera pas le projet de loi si cet article 3 est maintenu. Mais en cas de retrait du texte, c’est une partie de la majorité qui promet de ne plus soutenir le texte dépouillé de cette mesure de régularisation des immigrés. La solution d’extraire l’article 3 et d’en faire une circulaire ou un décret semble satisfaire la droite mais peut-elle suffire pour garder les voix de toute la majorité ? C’est un dilemme sur lequel Gérald Darmanin doit satisfaire toutes les parties pour éviter un passage en force de son projet de loi avec le 49.3, une manœuvre qui risquerait d’entrainer une motion de censure des Républicains capable de renverser le gouvernement.

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