Réalisateur prolifique défendu par les uns, détesté par les autres, Robert Rodriguez a pourtant une filmographie très riche entre Machete Kills, Desperado, Sin City, Alita : Battle Angel ou encore les Spy Kids. C’est l’heure de la baston.
Il y a peu de sujets qui font l’unanimité à la rédaction, mais la filmographie de ce bon vieux Robert Rodriguez a déjà provoqué de véritables crises diplomatiques. Pour les uns, elle se compose soit d’indécrottables navets, soit de vastes arnaques, soit des réussites de ses collègues. Pour les autres, le bougre est un honnête artisan de la série B grindhouse coupable de quelques sorties de route assumées.
La réalité, c’est que tous ses plus gros succès d’estime sont relativisables. A l’occasion de la sortie de Spy Kids: Armageddon sur Netflix, on revient sur ses réalisations les plus appréciées, les unes après les autres. Robert Rodriguez a-t-il déjà fait un bon film ?
Sortie : 1993 – Durée : 1h21
El Mariachi est le premier long-métrage de Robert Rodriguez et c’est grâce à lui qu’il s’est taillé une réputation de dégourdi de la lentille. Ses détracteurs les plus virulents doivent bien avouer qu’il s’agit d’un sacré tour de force. Le film est quasiment autoproduit, en bonne partie grâce à des essais de médicaments expérimentaux rémunérés. Un job de cobaye qui a fait monter le budget jusqu’à la somme mirobolante de 7 000 dollars.
Le cinéaste en herbe s’est passé de techniciens, le gros du travail sur le plateau étant abattu par les quelques acteurs hors-champs et par lui-même, crédité en tant que réalisateur, scénariste, producteur, chef opérateur, monteur, monteur son, monteur musique, responsable des effets spéciaux, caméraman et photographe de plateau, soit sur la quasi-intégralité des postes. Il aura fallu 14 laborieux jours pour torcher ce tournage au système E improvisé en partie, durant lequel l’artiste a indéniablement fait preuve de l’inventivité nécessaire à la tâche.
Et le résultat a marché au-delà de tout espoir, puisque remarqué en festival puis acclamé par la critique américaine, il a fini par sortir en salles et y récolter un bon 2 millions de dollars au box-office domestique. La carrière de Rodriguez était lancée, sa réputation de petit génie de la série B établie et son porte-monnaie rempli. Deux ans plus tard, il s’offrait carrément les services d’Antonio Banderas et Steve Buscemi pour la fausse suite.
Des flingues et des mauvais acteurs
Sauf que… Si on passe outre l’exploit initial, El Mariachi est quand même un Z tout juste capable de cacher ses aberrations les plus énormes, au point qu’il n’est pas interdit de prêter au réalisateur un sacré bol à cette période. Le doublage en postproduction enterre encore un peu plus le jeu plus qu’amateur d’une bonne partie du maigre casting. Et ce n’est pas la narration qui l’a fait se démarquer outre mesure, le scénario se contentant de jouer la montre passé le quiproquo initial.
Reste ce qui a probablement séduit les spectateurs de l’époque et garanti encore à l’ensemble un certain charme : des effets de style grossiers, quelques bons running gags, des improvisations approximatives amusantes et une bonne volonté communicative. Typiquement le genre d’objet qui stagne au rang de curiosité une fois son auteur passé dans la cour des grands.
Sortie : 1995 – Durée : 1h44
Ne jamais regarder l’explosion
La cour des grands, c’est donc cette pseudo-suite intitulée Desperado, qui reprend l’ambiance mexico-bis d’El Mariachi, avec un budget digne de ce nom, cette fois. 7 millions de dollars, c’est alors pour Robert Rodriguez l’équivalant d’un chèque en blanc et il va se faire plaisir, engageant un Banderas en pleine ascension (il jouera dans Le Masque de Zorro 3 ans plus tard), quelques seconds couteaux aiguisés (c’est le début de sa collaboration avec Danny Trejo) et se permettant même de révéler Salma Hayek.
Il y balance aussi en vrac toutes ses envies et ses influences, entrechoquant les codes du cinéma d’exploitation américano-mexicain à coups de fusillades improbables. Rythmé par la musique entrainante du célèbre groupe Los Lobos, il s’autorise tout ce qu’El Mariachi s’interdisait dans un joyeux bordel, pas toujours de bon goût, mais franchement jouissif. Déjà à l’époque, le cinéaste incarne pour beaucoup l’alter ego débridé et gentiment commercial de son ami Quentin Tarantino, lequel se fend d’ailleurs d’un petit caméo annonçant Une Nuit en Enfer.
Sauf que… Bien que cette inoffensive série B fasse généralement l’unanimité en sa faveur, elle contient peut-être déjà quelques tics que le metteur en scène pastichera malgré lui par la suite de sa carrière, comme des chorégraphies bien bordéliques et une volonté d’iconisation un peu lourdingue. En fait, ça se gâte dès la suite directe, par conséquent le dernier volet de la trilogie : Il était une fois au Mexique – Desperado 2, tourné après le premier virage kid-friendly de sa filmographie.
Déjà le réalisateur est un peu trop conscient de l’aspect régressif de son univers, troque la sincérité de ses débuts pour une histoire d’espionnage américain pas hyper passionnante et surtout un humour autoréférencé envahissant. Déjà, il met en boite une comédie qui ne s’assume qu’à moitié. C’est à croire que les gros budgets (presque 30 millions de dollars !) et les castings cinquante étoiles (Antonio Banderas, Salma Hayek, Johnny Depp, Mickey Rourke, Eva Mendes, Danny Trejo, Willem Dafoe, Enrique Iglesias) le mènent sur la voie de l’autoparodie feignante…
Sortie : 1996 – Durée : 1h48
C’est peut-être le plus culte (au sens premier du terme) des films du réalisateur. L’originalité d’Une Nuit en enfer et certaines de ses séquences clé en ont fait un véritable objet de vénération pour certains amateurs de grosses séries B qui tâchent. Bien entendu, c’est principalement grâce à son twist central – attention spoilers, donc – transformant soudainement le film de cavale en grosse partouze gore vampirique. Effet de sidération garanti si personne ne vous a prévenu. L’autre fétiche, c’est le cas de le dire, c’est la scène de danse de Salma Hayek, assurant la transition.
Mais ce qui continue à rendre aussi attachant ce bon gros délire, c’est que contrairement à certaines oeuvres futures du metteur en scène, il traite les deux genres qu’il hybride avec soin. Le thriller de la première partie, marqué par une prise d’otage tendue, ne manque ni de suspens ni de piquant. Quant au rififi du Titty Twister, il est rempli à ras bord de jets de faux sang, de maquillages grotesques et bien entendu d’effets gore de qualité. Un régal pour qui adule Tom Savini et son latex.
Sauf que… Ce culte vient probablement bien moins de Rodriguez que de son compère de toujours, Quentin Tarantino. C’est lui qui, au début des années 1990, a planché sur le scénario à partir d’un traitement imaginé par le make-up artist Robert Kurtzman. Ultra-violence caoutchouteuse, twist radical et suçage de pied, tels sont les ingrédients de la recette Une Nuit en Enfer. Le réalisateur de Desperado n’a fait que débloquer la situation (personne ne voulait concrétiser le scénario) et infuser un peu de son univers grindhouse dans la mixture.
La réalisation en soi n’a rien d’extraordinaire et d’ailleurs, le film est rentré dans ses frais sans éclat, gagnant ses galons de cult movie au fil des années… et des suites DTV moisies. Rodriguez, seul cette fois, est revenu au Titty Twister dans les années 2010, avec une série spin off diffusée sur sa chaîne El Rey. Malheureusement, elle est loin d’atteindre la popularité de son modèle.
Sortie : 1999 – Durée :1h41
The Faculty est un des meilleurs films de Robert Rodriguez parce que c’est un pur concentré de plaisir, qui fonctionne encore à merveille 20 ans après. Dans la vague post-Scream, au milieu des Urban Legend et autres Mortelle Saint-Valentin, ce remix de L’Invasion des profanateurs de sépulture et de sébum mélangeait avec malice les codes du teen movie (la hiérarchie sociale du lycée, les affres de la puberté) et ceux du film d’invasion alien (parano et transformations). Le tout sans jamais se prendre trop au sérieux puisqu’on parle quand même d’un film grand public où c’est la drogue qui sauve le monde, en permettant de révéler qui est alien. Rien que pour ça, c’est culte.
The Faculty, c’est aussi de ces films-marqueurs de leur époque. Elijah Wood, Josh Hartnett, Clea DuVall, Jordana Brewster, Famke Janssen, Salma Hayek, Usher, sans oublier les petits rôles qui font appel à la cinéphilie (Robert Patrick, Piper Laurie)… Ne manquaient que Neve Campbell, Ryan Phillippe et Sarah Michelle Gellar, et c’était toute la décennie des années 90 à l’écran.
On ne parle jamais assez de Clea DuVall
Sauf que… The Faculty est d’abord un pur produit de l’usine Miramax, la boîte de prod des Weinstein. C’est eux qui ont ressorti des tiroirs un scénario de David Wechter et Bruce Kimmel, à propos d’une invasion alien dans un lycée, pour l’envoyer à Kevin Williamson, le scénariste de Scream (une de leurs productions) et Souviens-toi… l’été dernier. Ils ont pour ainsi dire appliqué la formule Scream : faire un film ultra-référencé, avec des personnages qui citent eux-mêmes ces références. Et au cas où la filiation n’était pas claire, ils ont embauché le même compositeur, Marco Beltrami.
Les Weinstein ont choisi Robert Rodriguez parce qu’ils venaient de distribuer Une nuit en enfer, écrit et produit par leur superstar Tarantino, et qui avait cartonné en salles. Le réalisateur de El Mariachi et Desperado ne sortait donc pas de nulle part.
De là à dire que Rodriguez n’a été qu’un technicien qualifié et la dernière roue du carrosse The Faculty, et que c’est avant tout un film de Kevin Williamson et de prodcucteurs… il n’y a qu’un pas. Mais on continuera à aimer le film, donc on s’en fout.
Sortie : Entre 2001 et 2023 – Durée : De 1h24 à 1h48
Les madeleines de Proust, c’est bon
Après ses films d’horreur et d’action, Robert Rodriguez a eu envie de revenir pour la première fois depuis son court-métrage Bedhead à un registre plus enfantin (avant qu’il récidive avec Shorts, Les Aventures de Shark Boy et Lava Girl et C’est nous les héros). Même si Totally Spies, Alex Rider ou Cody Banks existent et ont tous plus ou moins leur lot de fans, Spy Kids est devenu LA référence indétrônable en matière d’espionnage juvénile (en même temps, tout est dans le titre).
Pour l’occasion, Rodriguez a rappelé Antonio Banderas après Desperado et Four Room, ainsi que son cousin Danny Trejo qui joue Machete avant Machete, en plus de la formidable Carla Gugino. Même si on peut difficilement considérer Spy Kids comme le chef-d’oeuvre de Rodriguez (à moins de vraiment le détester), le film peut compter sur l’implication de son casting mais surtout son concept amusant de sauvetage de parents et d’inversion des dynamiques d’autorité pour réaliser le fantasme ultime des enfants, à savoir “faire comme les grands“.
De plus, Robert Rodriguez a crée un univers bigarré aux des gadgets improbables, et au ton cartoonesque, sans recherche de vraisemblance, ce qui permet d’être plus indulgent quant aux effets spéciaux pour le moins… agressifs. C’est du kitsch régressif, divertissant et inventif qui a séduit toute une génération et permis à Robert Rodriguez de connaître son premier vrai succès commercial. Et avec 147 millions de dollars au box-office mondial pour un budget d’environ 35 millions de dollars, le film a évidemment laissé place à une franchise qui compte jusqu’ici quatre films et une série d’animation.
L’autre suite de trop après Spy Kids 3 et avant Spy Kids 5
Sauf que… Forcément, ce concept simple, mais malin et ludique a eu du mal à s’étendre au-delà du premier film. Spy Kids 2 : Espions en herbe a poussé le délire et l’excentricité visuelle encore plus loin, flirtant déjà dangereusement avec l’indigestion involontaire : une section d’enfants-espions à l’OSS et une île où un scientifique fou miniaturise les animaux et créent des espèces hybrides et géantes.
Bien que ce soit l’opus qui a le mieux fonctionné au box-office, Spy Kids 3 : Mission 3D a ensuite atteint le fond du panier (les parents abandonnés et Sylvester Stallone en méchant pour preuves) avant que Spy Kids 4: Tout le temps du monde le perce pour tomber encore plus bas. Ce dernier volet arrivé plusieurs années après le troisième film a carrément changé de casting. Les enfants des trois premiers n’en étant plus, le film s’intéresse donc à une autre famille d’espions de l’OSS avec Jessica Alba et Joel McHale. Et le Spy Kids: Armageddon a confirmé que toute la saga ne devait plus jamais inspirer confiance, surtout après la purge C’est nous les héros…
Sortie : 2005 – Durée : 2h04
Encore plus véner’ que John McLane
Robert Rodriguez a déclaré plusieurs fois que Sin City n’est pas une adaptation, mais plus une transposition des comics de Frank Miller à l’écran, et il a entièrement raison. Quelques éléments du scénario ont été modifiés, comme des dialogues ou des scènes de nudité, mais pour le reste, le film recopie son modèle dans les moindres détails, des pansements de Marv à la cicatrice d’Hartigan en passant par les contours autour des personnages, reproduit grâce aux jeux d’éclairage.
En choisissant de tourner entièrement sur fond vert, Rodriguez s’affranchit de toutes les limites, budgétaires, techniques ou stylistiques, et peut fidèlement reproduire l’esthétique outrancière du comic book original qui mélange film noir, manga, érotisme et violence graphique à travers le cadrage, le noir et blanc et les effets numériques. Sin City existe dans son propre monde, codifié, cartoonesque, et le réalisateur exploite totalement cette démesure. Les silhouettes, les sentiments, les capacités des héros, tout est exagéré à outrance dans ce ballet de violence qui flirte avec la série Z, à la frontière entre le cinéma et l’animation, l’hommage et l’innovation.
Des personnages hauts en couleur (même si on dirait pas comme ça)
Sauf que… Sin City étant une retranscription presque plan par plan des comics, le film n’est donc pas seulement le fruit du travail de Robert Rodriguez, mais aussi de Frank Miller, qui a écrit le scénario et participé à la direction des acteurs et actrices. (Robert Rodriguez voulait d’ailleurs le créditer comme co-réalisateur, mais la Directors Guild of America s’y est opposé, alors pour lui rendre hommage, personne n’a été crédité en tant que scénariste et le film est officiellement sorti sous le nom Frank Miller’s Sin City). La réussite du film repose d’ailleurs énormément sur le casting, aussi parfait qu’ahurissant (Bruce Willis, Mickey Rourke, Jessica Alba, Clive Owen, Benicio Del Toro, Rosario Dawson, Michael Madsen, Elijah Wood, Josh Hartnett, Carla Gugino ou encore Michael Clarke Duncan, entre autres)
En plus de Frank Miller, Sin City s’appuie aussi sur l’oeuvre d’un autre homme, Quentin Tarantino. En échange de la bande-son de Kill Bill : Volume 2, que Robert Rodriguez avait signé pour un dollar symbolique, le réalisateur avait promis à son ami de passer derrière la caméra le temps d’une scène et a filmé le trajet en voiture de Dwight avec le cadavre de Jack qui lui parle, mais l’influence de son cinéma se ressent tout au long du film. Le casting, les personnages, l’ambiance, les effusions de sang et la narration déstructurée, que la version director’s cut va même jusqu’à séparer en quatre segments distincts, évoquent tous le style de Tarantino, et ce n’est pas pour rien qu’il est aussi crédité comme co-réalisateur.
Sortie : 2007 – Durée : 1h45
Planète terreur, c’est un peu la définition du fantasme déviant ultime. Un gaz biochimique qui transforme les gens en zombies, une go-go-danseuse qui devient une guerrière option jambe-mitraillette, une infirmière en talons hauts qui se rebiffe contre son mari violent, un petit caïd nommé El Wray… Planète terreur est un concentré de bon bis. C’est donc généreux, grotesque, gore. Et c’est tout ce qu’on pouvait espérer.
L’idée a germé dans l’esprit de Rodriguez durant le tournage de The Faculty, où il avait écrit une ébauche de scénario en voulant embarquer Elijah Wood et Josh Hartnett. Des années après, il l’a ressortie des tiroirs quand Tarantino et lui se sont lancés dans un diptyque Grindhouse, en hommage aux vieilles séries B et Z qu’ils prenaient plaisir à revoir.
A l’écran, c’est un petit modèle d’efficacité, et certainement l’un des films les plus malins de Robert Rodriguez. Les personnages se croisent dans un ballet réjouissant, avec une ambiance et une musique absolument délicieuses. La scène de sexe est zappée pour cause de pellicule brûlée, et on enchaîne direct avec une scène de chaos grâce à une ellipse ridicule (et donc, parfaite). Le niveau de cruauté est formidable aussi, particulièrement du côté de la pauvre Dakota, qui s’explose un poignet dans une scène mémorable, avant que son môme ne s’explose la tête. Planète terreur est mené tambour battant, et c’est tellement bien fichu que ça se revoit sans problème une ou deux fois par an.
Marley Shelton, qui mérite plus de vrais rôles
Sauf que… Tarantino a clairement mis son nez dans Planète terreur, pour le dire gentiment. L’actrice Marley Shelton expliquait à Fangoria à l’époque : “Rodriguez et Tarantino ont vraiment co-réalisé, du moins Planète terreur. Quentin était beaucoup sur le plateau. Il avait des notes et des ajustements sur nos performacnes, et changeait des répliques de temps en temps. Bien sûr, il se référait toujours à Robert sur Planète terreur, et vice-versa sur Boulevard de la mort. Donc c’est vraiment leur bébé à eux deux”.
Tarantino a de son côté bien expliqué qu’ils avaient véritablement collaboré pour créer ensemble Grindhouse, avec une totale confiance mutuelle, tout en précisant que chacun avait géré le montage dans son coin, en solo, avant de consulter l’autre. Ce serait donc un peu facile de dire que Planète terreur est réussi parce que Tarantino était là (et encore plus de prétendre que Boulevard de la mort a autant divisé parce que Rodriguez était de la partie). Mais c’est un parfait argument pour celles et ceux qui refusent de croire que Robert Rodriguez a pu réellement emballer un film si cool et malin.
Sortie : 2010 – Durée : 1h45
Un film qui porte bien son nom
Retour à la grosse série B stupide avec Machete, qui permet à l’éternel second couteau Danny Trejo de trouver une place inespérée en tête d’affiche, volant la vedette à Michelle Rodriguez, Steven Seagal (qu’on soupçonne pas trop au courant de l’image qu’il renvoie), Lindsay Lohan, Jessica Alba et même Robert fucking De Niro. Comment diable le cinéaste a-t-il pu accomplir cet exploit ? Tout simplement en adaptant une fausse bande-annonce réalisée pour le diptyque Grindhouse, où l’acteur fétiche de sa carrière était à l’honneur. Et ce fut un succès puisque le premier volet a remporté plus de 45 millions de dollars à partir d’un budget limité de 10 millions.
Le film est sans surprise assez amusant avec ses blagues vaseuses et ses étripages à la machette. Et l’auteur de ces lignes doit confesser qu’il porte une réelle affection à la suite Machete Kills, qui l’a bien fait rire lors de sa sortie salle. Dans les deux cas, le jeu monolithique de Trejo et le plaisir évident que tire le casting disproportionné de l’expérience l’emportent souvent. Du moins, c’était le cas à l’époque.
Sauf que… Car maintenant que le faux Z cynique a envahi les bacs de DVD et même parfois nos salles, l’entreprise de Rodriguez, qui n’est une fois encore pas seul à la barre puisque le monteur Ethan Maniquis s’occupe aussi de la réalisation, apparait pour ce qu’elle est : un vague pastiche de série B qui se perd tellement dans ses références, ses clins d’oeil et ses gags qu’il finit par oublier la qualité première du cinéma auquel il voudrait rendre hommage, un premier degré à toute épreuve.
Au moins, la suite assume complètement d’être une gigantesque comédie qui ne s’appuie plus sur grand-chose, si ce n’est sur le style Rodriguez, qui a remplacé ironiquement dans l’imaginaire populaire les bisseries dont il s’inspire. Pour la faire courte, les spectateurs ont fini par oublier les séries B d’antan au profit de leurs parodies. Et Machete n’y est pas pour rien.
Sortie : 2019 – Durée : 2h02
Alita, c’est très bien : fight me
Ah, Alita… Tous les jours les lecteurs d’Ecran Large se désolent sous les nombreux articles à son sujet que la suite ne soit toujours pas officiellement dans les tuyaux. Et tous les jours, on leur répond qu’on compatit. Bien que Cameron ait semé à nouveau l’espoir récemment, il faut bien avouer que le film a été plus un succès populaire qu’économique. Et pour cause : c’est un blockbuster de science-fiction ambitieux, inspiré et parfois même franchement jubilatoire (la scène du Motorball).
Bien entendu, le scénario et la direction artistique sont loin de suivre à la lettre l’excellent manga de Yukito Kishiro. Mais la plupart des choix d’adaptation sont plutôt judicieux et même les idées les plus casse-gueule finissent par fonctionner. C’est le cas par exemple du design de Gally, impressionnant techniquement, avec ses grands yeux. Contre toute attente, l’objectif est moins de copier le style japonais que de souligner l’émotion avec laquelle elle découvre ce monde… en même temps que le spectateur.
Alita : Battle Angel est un film certes imparfait, mais avec du coeur. Et il restera un peu, aux côtés de Mortal Engines par exemple, une anomalie à une époque ou les studios hollywoodiens sont en train de transformer leurs grosses franchises tirées de comic-books américains en poules aux oeufs d’or brut.
Sauf que… Alita est avant tout l’oeuvre de James Cameron. Au début des années 2000, ça devait être sa prochaine superproduction, du moins jusqu’à ce qu’il se passionne pour un certain “Project 880”, avec des aliens bleus indigènes sur une planète dangereuse… Une fois entré dans la spirale Avatar, le cinéaste ne s’en est jamais sorti, s’investissant corps et âme dans les 58 suites prévues jusque 3569. La raison ? En 2012, il expliquait à MTV que sa saga milliardaire était plus susceptible d’éveiller les consciences sur notre rapport à la nature que cette histoire de robots cyberpunk. En d’autres termes, c’est bien à cause de la crise climatique qu’on ne verra jamais Cameron adapter Gunnm. Salauds de pollueurs…
C’est donc Rodriguez qui fut engagé pour prendre la suite. Celui-ci a hérité de la lourde tâche de condenser 600 pages de notes. Il avait toutes les clés en main : Cameron et ses collaborateurs avaient effectué le gros du travail d’adaptation, de design et même les recherches techniques nécessaires au rendu du personnage principal en 3D. Et cela se voit. Le résultat porte le seau du réalisateur de Titanic, jusque dans son triple climax caractéristique. Bien sûr, sans Rodriguez, il ne serait peut-être pas aussi réussi. Mais difficile de lui attribuer tout le mérite.
Sortie : 2023 – Durée : 1H33
“Avez-vous vu cette personne, elle a commis plusieurs crimes de type Machete, Desperado ou Spy Kids ?”
Hypnotic est tout simplement l’un des Robert Rodriguez les plus galvanisants. Si l’on passe son passage par le gros blockbuster hollywoodien Alita qui était une belle réussite (malgré ses défauts et sa paternité ambigue), le cinéaste n’avait pas livré un film aussi généreux depuis des lustres. Certains citeront Machete, d’autres Sin City, mais avec son ambiance de série B jouant avec les codes du thriller et de la science-fiction, on a plutôt envie de le comparer à la très solide série B qu’était The Faculty (sortie il y a 25 ans, c’est dire).
Car si son petit bijou d’invasion alien pastichait délicieusement le slasher à la Scream et le thriller parano des Profanateurs de sépultures, Hypnotic s’applique, lui, à revisiter le thriller hitchcockien en espérant le moderniser avec une touche nolanienne, grâce à son concept SF titillant les scénarios du réalisateur de Tenet et Inception. Le résultat n’est jamais à la hauteur des références (bien sûr), mais il y a une belle sincérité, une envie de créer du spectacle manifeste et de récompenser les spectateurs.
La scène de braquage introductif avec des personnages sous hypnose (ou presque), un méchant méthodique, un accident farfelu, des morts absurdes et des révélations inattendues annonce la couleur d’un film qui sera terriblement amusant.
Sauf que… Hypnotic crée l’amusement souvent malgré lui. C’est évidemment le problème récurrent du cinéma de Robert Rodriguez : même s’ils reposent sur des idées (souvent) idiotes ou faussement malignes, ses films se prennent bien trop au sérieux. Avec son idée d’hypnotiques, Rodriguez propose un concept alléchant et aux possibilités faramineuses. Problème ? Le cinéaste imagine son film plus futé qu’il ne l’est vraiment (probablement car Hypnotic a été conçu avec tous ses enfants) au point où lui-même semble dépasser par l’univers qu’il souhaite mettre en place.
Très rapidement, Hypnotic part donc totalement en cacahouètes. Multipliant les twists plus vite que son ombre, sombrant dans une histoire totalement incohérente et surenchérissant sur tous les aspects formels (sa musique fracassante, son montage torturé…), le film transforme son grand labyrinthe mental éventuel en petit méli-mélo nanardesque. Au milieu de tout ça, Ben Affleck est en roue libre totale et semble jouer dans une dizaine de films différents en seulement 1h33. Autant dire que le récit accumule les situations ridicules au fil des minutes, provoquant une forme de divertissement inattendu tendance Z. Un étrange plaisir coupable comme on dit.