Avant Vol au‐dessus d’un nid de coucou et Amadeus, Milos Forman a réalisé Hair, un film rebelle qui vous réconciliera à coup sûr avec les comédies musicales.
Le genre de la comédie musicale a tendance à effrayer, et nombreux y sont irrémédiablement allergiques. Aussi, quant on est soi-même fan de West Side Story, Chantons sous la pluie ou du Rocky Horror Picture Show, il est frustrant d’avoir à garder son enthousiasme pour soi. On tente en vain de convaincre ses amis avec des œuvres que l’on adore. On tente La Mélodie du Bonheur ou My Fair Lady, mais rien n’y fait. Dès que le film se met en pause pour laisser place au chant, beaucoup décrochent aussitôt.
Néanmoins, tout n’est pas perdu. Comme il existe des livres qui font aimer la lecture, il existe des films qui peuvent faire apprécier la comédie musicale. Et on pense à un film en particulier. Une audacieuse adaptation d’un spectacle de Broadway qui respire la fin des années 70 et le désenchantement. Un coup de génie de l’immense Milos Forman qui signait ici son troisième long-métrage américain. Il s’agit de Hair, comédie musicale aussi marginale que splendide.
Quand la musique gâche la fête
Le sens de l’adaptation
Lorsque Milos Forman est chargé de réaliser l’adaptation cinématographique de Hair (laissée à l’abandon par George Lucas), il doit relever un défi de taille. Le spectacle musical original fut un énorme succès en 1968, mais est devenu entre-temps un phénomène évanescent. Que ce soit sur la forme comme sur le fond, Hair est ancré dans une époque très précise et traite de sujets qui ne sont déjà plus d’actualité au moment où le film se conçoit.
Le mouvement hippie et la guerre du Viêt-nam appartiennent au passé. Et le cri du cœur générationnel du spectacle, exprimé par ses chansons et sa mise en scène provocatrice, n’a guère beaucoup de sens à la veille des années 80. Et pourtant, Milos Forman va réussir un tour de force. Il va raconter à nouveau l’histoire de Claude Bukowski (soldat américain qui se lie d’amitié avec des hippies pendant sa permission à New York), en l’adaptant brillamment.
Bukowski est un témoin extérieur, mais sympathisant du mouvement hippie, à l’instar de Milos Forman
Pour s’approprier le récit de Hair, sa musique et son euphorie, Milos Forman ne tentera pas l’impossible. Il sait bien qu’il ne peut pas mettre en scène l’apothéose d’un mouvement qu’il n’a pas connu (il a vécu en Tchécoslovaquie jusqu’en 1968) et dont il ne reste plus grand-chose. Il pourrait tout juste faire un clip géant pour les célèbres chansons du spectacle, mais elles n’auraient plus un grand impact sur le spectateur. À la place, il va décider de puiser dans ce qu’il connaît bien et faire de cette adaptation une œuvre personnelle.