Les enfants des années 90 n’ont pas pu passer à côté de Babe, le cochon devenu berger. Mais à l’image de son porc engagé dans un cursus professionnel déconcertant aux côtés de James Cromwell, le film coécrit par Chris Noonan et George Miller ne semblait pas du tout destiné à s’imposer .
Succès à la fois critique et commercial, Babe marque l’année 1995 de son sabot. Le long-métrage rapporte 254 millions de dollars (pour un budget hors marketing d’une trentaine de millions) en plus de remporter un Golden Globe et sept nominations aux Oscars. Avec ses 36,7 millions “à domicile”, il décroche le statut de second film le plus rentable de tous les temps en Australie, derrière l’intouchable Crocodile Dundee. Un jeu vidéo est même lancé sur PlayStation 2 en 2006, plus de dix ans après sa sortie.
Pourtant, tout n’était pas gagné pour l’apprenti berger, dont la marche vers le succès n’avait rien d’une évidence. Producteur en plus de l’avoir coécrit, George Miller (Mad Max, Les Sorcières d’Eastwick) croyait suffisamment au projet pour consacrer plusieurs années à son prédéveloppement, et sans doute lui doit-on la pointe de cruauté inattendue qui transparaît derrière le conte… quitte à piétiner les plates-bandes du réalisateur.
Chris Nolan, Chris Noonan ou les deux ?
Tout est bon dans le cochon
Vous préféreriez faire don de votre corps à Noël pour permettre à une famille de se rassembler autour d’un délicieux festin, ou devenir berger et patauger dans la boue au quotidien ? Le jeune Babe, lui, a choisi la seconde option sans hésiter. C’est du moins ce que narre The Sheep Pig (aussi connu sous le nom de Babe: The Gallant Pig), un roman de Dick King-Smith paru en 1983 et primé par le Guardian.
Ce point de départ incongru fournit un excellent combustible pour un film familial animalier, dans la foulée des Sauvez Willy (dont le second opus sortira la même année que Babe). Du côté de l’animation, Disney, qui traverse son second âge d’or, a largement démontré le pouvoir évocateur des animaux parlants, comme le prouve encore le triomphe du Roi Lion en 1994.
Le travail d’adaptation semble balisé : l’histoire charrie des thèmes, classiques pour le genre, de dépassement de soi et chamboulement de l’ordre établi par le pouvoir suprême de la gentillesse. Il suffit même de reprendre sa narration de conte et sa structure chapitrée, quitte à en faire lire les titres par des souris (parce que pourquoi pas) afin de ne pas pénaliser les plus jeunes.
If I had words to make a ham from you
Mais pour le studio Universal, ça reste un projet mineur, un “film avec un cochon” potentiellement un brin honteux. Le long-métrage sur lequel ils misent énormément, c’est Apollo 13 de Ron Howard, avec son sujet et son casting autrement plus prestigieux. Ironie de l’histoire, il sera coiffé au poteau pour l’Oscar des meilleurs effets visuels par… Babe.