Plus d’un mois après le début de la guerre entre Israël et le Hamas, un seul des 24 hôpitaux du nord de la bande de Gaza est encore opérationnel, rapporte l’ONU, tandis que les communications ont totalement été coupées jeudi, faute de carburant.
La situation humanitaire de Gaza est actuellement “au bord de l’effondrement”, affirmait encore mercredi le patron de l’ONU pour les réfugiés palestiniens, Philippe Lazzarini. Ce jeudi 16 novembre, l’inquiétude est palpable alors que le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) relaie que désormais plus qu’un seul des 24 hôpitaux du nord de l’enclave palestinienne, l’hôpital Al-Ahli, est encore “opérationnel” et admet des patients”. Pour autant, l’établissement ressemble davantage à “un simple poste de secours” qu’à un véritable hôpital déplore l’un des chirurgiens de l’établissement sur X (ex-Twitter). “Des milliers de blessés n’ont pas accès aux soins”, s’alarme-t-il, estimant que faute d’établissement fonctionnel, “beaucoup d’entre eux mourront de [leurs] blessures, si ce n’est la plupart”. Plus tôt dans la journée, la situation semble s’être dégradée encore pour cet hôpital. Le Croissant-Rouge palestinien a notamment rapporté une “violente attaque” de chars israélien sur l’hôpital Al-Ahli, ainsi que son siège. Et le Croissant-Rouge de préciser : “Les équipes de secours sont incapables de bouger et donc de se rendre auprès des blessés.”
Dans son bilan, l’OCHA rapporte que “18 hôpitaux ont été fermés et évacués depuis le début des hostilités, dont trois – Al-Nasr, Al-Rantissi et Al-Qods – ces trois derniers jours”. L’hôpital indonésien a également dû arrêter de fonctionner jeudi, a fait savoir son directeur à Al-Jazeera, et ce, alors qu’une cinquantaine de patients nécessitant une opération urgente attendaient à l’accueil. Outre l’hôpital Al-Ahli, cinq établissements fonctionneraient encore de façon “très limitée”, mais n’accueilleraient plus de nouveaux patients, selon l’ONU. Pour sa part, l’hôpital Al-Shifa a été victime d’un véritable raid israélien dans la nuit du mardi 14 au mercredi 15 novembre, Tsahal étant persuadé que l’établissement abritait une base militaire du Hamas. “Ils ont détruit le service de radiologie et bombardé le service des grands brûlés et des dialyses”, déplorait ce jeudi le ministère de la Santé du Hamas, pointant l’absence d’eau potable et d’électricité et estimant que “des milliers de femmes, d’enfants, de malades et de blessés sont en danger de mort”.
En parallèle, malgré l’envoi de carburant organisé mercredi, “environ 70% de la population de Gaza” ne devrait plus avoir “accès à l’eau potable”, a-t-il prévenu sur Twitter. Si de nouveaux camions peuvent rentrer sans restriction, il faudra des semaines, voire des mois pour espérer que la situation humanitaire des Gazaouis s’améliore vraiment. Plus de 1,5 million de Palestiniens sur les 2,3 que compte l’enclave ont été déplacés et au nord comme au sud, les réfugiés manquent d’eau, des vivres et de médicaments. Et l’aide apportée par les convois humanitaires depuis le poste-frontière de Rafah ne suffit pas, celle-ci entre pourtant plus facilement dans le territoire.
Il y a aussi un grand besoin de carburant pour faire fonctionner les hôpitaux, les services de télécommunications ou pour que les actions humanitaires puissent se poursuivre. Israël, qui tient le siège de Gaza, interdit l’acheminement de carburant, mais pour la première fois depuis le 7 octobre l’Etat hébreu a autorisé la livraison de 23 000 litres de carburant destinés à “faire fonctionner les camions pour la distribution de l’aide humanitaire”. Une quantité “pas du tout suffisante”, déplore l’ONU qui regrette aussi l’usage limité du carburant alors que celui-ci pourrait servir “à faire fonctionner l’approvisionnement en eau ou les hôpitaux”.
Un raid justifié dans l’hôpital ?
Le raid par l’armée israélienne dans l’hôpital Al-Shifa de Gaza a “horrifié” l’ONU. Les soldats et les chars de Tsahal ont pénétré à l’intérieur de l’établissement médical dans la nuit du 14 au 15 novembre, “dans une zone spécifique de l’hôpital” pour mener une attaque “précise et ciblée” contre le Hamas selon le porte-parole de l’armée. Lequel a assuré qu’il n’y avait “aucune volonté” de faire des victimes parmi les civils.
Mercredi soir, Tsahal a tenu à faire savoir que son raid avait porté ses fruits, affirmant avoir trouvé “des munitions, des armes et des équipements militaires” qui appartiendraient au Hamas à l’intérieur de l’hôpital Al-Shifa, “la preuve [qu’il] servait à des fins militaires et terroristes contrairement aux lois internationale”. Une annonce à laquelle le ministère de la Santé de Gaza, chapeauté par le Hamas, n’a pas manqué de réagir. D’après lui, Tsahal “n’a trouvé ni armes ni équipement” militaire dans l’établissement hospitalier. “Nous n’excluons pas que l’armée [israélienne] ait apporté des armes et les ait placées”, a pour sa part déclaré un dirigeant du Hamas dont Al-Jazeera s’est fait l’écho.
Tsahal maintient que le Hamas utilise le complexe médical comme une base militaire ou un “quartier général logistique et opérationnel” en se servant des civils comme d’un “bouclier humain”. Des affirmations qui lui servent d’arguments pour justifier son attaque. À noter que par le passé, l’utilisation détournée d’infrastructures médicales par le groupe islamiste palestinien a déjà été rapportée par Amnesty International, notamment dans un document de 2015. Le Hamas nie toutes les accusations de l’armée israélienne, dément l’existence d’un centre d’opération militaire dans l’hôpital et accuse l’Etat hébreu de s’en prendre aux civils.
L’usage de drones dénoncés par les Gazaouis
L’attaque de l’hôpital Al-Shifa, contraire au droit international qui impose d’épargner les structures civiles et médicales, est difficile à défendre, même pour les alliés d’Israël. Les Etats-Unis qui estiment également que le Hamas se sert de l’hôpital Al-Shifa comme d’une base militaire assurent qu’ils “n’ont pas donné de feu vert aux opérations autour de l’hôpital Al-Shifa” et qu’ils ont “toujours été très clairs […] sur l’importance de minimiser les pertes civiles. Ces déclarations du porte-parole du Conseil de sécurité nationale permettent aux Etats-Unis de se dédouaner sans vraiment condamner l’attaque israélienne. Du côté français, Emmanuel Macron a dit condamner “avec la plus grande fermeté” les bombardements d’infrastructures civiles, dont l’hôpital, lors d’un déplacement en Suisse. Plus tôt ce mercredi, le ministère des Affaires étrangères a rappelé les règles du droit international et estimé que la population palestinienne n’a “pas à payer pour les crimes du Hamas”.
Par ailleurs, les batailles menées, qui n’ont rien de conventionnel, intègrent aussi des armes jusque-là non déployées à ce niveau d’intensité. Plusieurs témoins et sources concordantes indiquent sur les réseaux sociaux avoir vu des drones volant à basse altitude et capables de tirer à balles réelles. Des médecins de l’hôpital Al-Ahli Arabi indiquent “avons traité plus de vingt patients touchés au torse ou au cou par des drones israéliens quadcopter volant à basse altitude”.
L’ONU qui s’indigne de la situation en Israël dénonce à nouveau un “carnage” après l’attaque de l’hôpital Al-Shifa, mais d’autres sont plus virulents à l’égard d’Israël. Le ministère palestinien des Affaires étrangères dénonce des agissements qui [violent de façon flagrante] le droit international. Et le président turc Recep Tayyip Erdogan, qui a rompu tout contact avec le Premier ministre israélien, a même qualifié Israël d'”Etat terroriste” après le raid dans l’hôpital.
La libération des otages en négociations
Le sort des otages retenus par le Hamas reste au cœur des discussions. Israël a d’ailleurs évoqué la présence éventuelle d’otages dans les sous-sols de l’hôpital Al-Shifa. “Nous avons certains éléments mais je ne peux pas les révéler” a déclaré le porte-parole francophone de Tsahal, Olivier Rafowicz, sur le plateau de BFMTV, le 15 novembre. Des “indices” du passage d’otages par les sous-sols d’un autre hôpital de la bande de Gaza ont déjà été mentionnés par Tsahal dans une vidéo publiée le 14 novembre sur X (ancien Twitter). Le Hamas a dénoncé une “mauvaise mise en scène”.
Les négociations sont toujours en cours, mais un accord tardent à venir. Mardi 14 novembre en soirée, les familles des otages ont réclamé à ce que le pouvoir israélien “approuve un accord [le] soir” même. “Nous savons qu’une décision peut être prise ce soir”, ont-elles indiqué dans un communiqué alors qu’elles ont entamé une marche de cinq jours entre Tel-Aviv et Jérusalem pour faire pression sur les dirigeants.
Les familles des otages pressent le gouvernement israélien de “ne pas bloquer un accord” alors que l’Etat hébreu a été accusé de “tergiverser” dans les négociations par la branche armée du Hamas. Israël “a réclamé la libération de 100 otages, nous avons informé la médiation que nous pouvions libérer les otages si nous obtenions cinq jours de trêve (c’est-à-dire un cessez-le-feu et le passage de l’aide vers tous les gens de notre peuple partout dans la bande de Gaza), mais l’ennemi tergiverse”, a déclaré le porte-parole des brigades du Hamas, Abou Obeida. D’autres conditions seraient évoquées dans les discussions notamment la libération d’une dizaine d’otages en échange de celle de “200 enfants et 75 femmes” incarcérés par Israël.
Le Premier ministre israélien indiquait pourtant dans une interview accordée à la NBC dans la nuit du 12 au 13 novembre qu’il “pourrait y avoir” un accord sur la libération des otages. Le chef du gouvernement a toutefois refusé d’en donner les détails estimant que “moins [il] en parle, plus [il] augmenter[a] les chances que cela se concrétise”. L’armée israélienne estime que 239 personnes sont retenues par le Hamas depuis l’attaque du 7 octobre.
Le bilan de la guerre
Le bilan de la guerre qui se déroule à Gaza est difficile à établir, les chiffres livrés par le Hamas ne pouvant être vérifiés de manière indépendante et donc distingués de la propagande. Selon le dernier bilan du ministère de la Santé du Hamas communiqué mercredi 15 novembre, 11 500 personnes ont été tuées dans la bande de Gaza, dont plus de 4 710 enfants, depuis le début du conflit le 7 octobre. Le mouvement palestinien a également fait état de plus de 29 800 blessés, précisant que des dizaines de corps joncheraient actuellement les rues du nord de la bande de Gaza et ne pourraient, selon lui, pas être récupérés ni recensés par les secours, ceux-ci étant pris pour cible par l’armée israélienne lorsqu’ils tenteraient de s’en approcher. Questionné sur ce bilan, le porte-parole du Pentagone a admis que, concernant les victimes civiles à Gaza, “il faut compter en milliers”.
Du côté israélien, le bilan de l’attaque du Hamas du 7 octobre a en revanche été revu à la baisse, vendredi 10 novembre, passant de 1 400 à 1 200 morts. Selon le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, après identification des corps, il semblerait que nombre d’entre eux appartenaient à des hommes du Hamas. Avant cela, l’armée israélienne avait par ailleurs précisé que 46 soldats étaient morts depuis l’attaque du 7 octobre dernier, selon son dernier bilan.
Parmi les victimes, il faut aussi compter les otages retenus par le Hamas et dont le nombre serait compris en 200 et 250. Ils sont 239 selon l’armée israélienne. Selon une estimation du Times of Israël, environ 180 otages seraient retenus par le Hamas, 40 par le Jihad islamique palestinien et une vingtaine par plusieurs organisations locales.
Quarante Français morts en Israël
Quarante Français ont été tués en Israël lors des attaques du Hamas le 7 octobre, d’après le bilan communiqué par la Première ministre, Élisabeth Borne, lundi 6 novembre. Elle compte également huit ressortissants portés disparus. “Il est désormais confirmé que certains d’entre eux sont otages du Hamas”, a indiqué le gouvernement le 6 novembre.
Paris assure tout mettre en œuvre pour sauver les otages et rapatrier les ressortissants qui le souhaitent. Le Quai d’Orsay a annoncé le 14 novembre qu’au total, 112 Français ont pu être à ce jour évacués de la bande de Gaza. “Ce bilan marque la fin d’une première phase de nos opérations d’évacuation, qui a permis à la quasi-totalité de nos compatriotes souhaitant quitter Gaza de le faire”, a fait savoir la porte-parole du ministère dans un communiqué, précisant que ces personnes avaient pu être évacuées par le post-frontière de Rafah qui mène à l’Égypte.
LE Contexte
La guerre entre Israël et le Hamas a commencé le 7 octobre 2023 avec une frappe surprise et massive lancée par le groupe islamiste palestinien Hamas sur l’État hébreu. De nombreux combattants ont mené des incursions près de la frontière de la bande de Gaza tandis que des frappes aériennes ont été lancées. Ces attaques à caractère terroriste ont donné lieu à des scènes d’horreur et des massacres dans plusieurs kibboutz juifs d’Israël.
Israël a ordonné la riposte dans les heures qui ont suivi l’attaque avant d’imposer le siège de Gaza le lundi 9 octobre. La même journée, l’armée israélienne a annoncé avoir repris le contrôle de la frontière avec la bande de Gaza. Depuis, elle a lancé une attaque terrestre sur le territoire palestinien.