y’en a marre-vel
En 2019, le film Captain Marvel avait au moins une particularité : c’était le premier film du MCU centré sur une super-héroïne, après une dizaine d’années, vingt films et plusieurs tentatives abandonnées (elle devait apparaître à la toute fin d’Avengers 2). Aidé par Avengers : Infinity War et Endgame, et probablement par le phénomène Wonder Woman sorti en 2017, le film co-réalisé par Anna Boden et Ryan Fleck est devenu le 10ème plus gros succès du MCU, faisant de Carol Danvers le seul personnage à avoir grimpé si haut dès son premier film solo.
Trois ans après, la suite The Marvels a ses propres défis. Déjà, le blockbuster arrive dans un contexte compliqué pour Marvel Studios, entre les retombées de la pandémie et les grèves à Hollywood (la date de sortie a changé quatre fois), les débats sur les effets visuels notamment chez Disney, et le désastre au box-office d’Ant-Man 3 début 2023.
Ensuite, c’est le premier film du MCU qui se repose autant sur les séries Disney+. Oui, Doctor Strange 2 reprenait après WandaVision, mais Wanda existait déjà au cinéma, contrairement à Monica Rambeau et Miss Marvel (Monica enfant dans Captain Marvel, ça ne compte pas). Alors que Disney commence à changer de stratégie sur Disney+, pour éviter que le trop-plein de séries ne “dilue la marque Marvel” selon les mots du boss Bob Iger, The Marvels semblait donc coincé au milieu des tirs.
Pourtant, dans un monde où Thor 4 a ses défenseurs, tout est possible. Même une presque bonne surprise puisque la suite de Captain Marvel est finalement un produit moyen du MCU, qui retrouve une sorte d’équilibre modeste après les extrêmes Ant-Man 3 et Les Gardiens de la galaxie 3. En somme : on a vu bien pire. Mais est-ce suffisant ?
Le pouvoir des trois nous libèrera
captain marvel 2 (mais à 3)
Puisque Captain Marvel 2 est devenu The Marvels, transformant la deuxième histoire solo de Carol Danvers en aventure à trois, le film a un atout : pouvoir jouer avec cette dynamique inédite. Carol, Kamala et Monica ne sont pas simplement un ersatz d’Avengers ou un hommage à cette scène de féminisme en toc à la fin d’Avengers : Endgame. Liées malgré elles par leurs pouvoirs et une énième babiole magique, elles échangent de place si elles utilisent leur pouvoir en même temps. C’est tout simple, mais ça permet de redynamiser les sempiternelles scènes de baston du MCU.
Ce body swap intempestif permet de déplacer l’attention, et c’est une bien bonne idée dans un MCU qui use et abuse des scènes de castagne obligatoires et inintéressantes. L’enjeu n’est plus l’impact en lui-même mais le petit chaos comique qui en résulte, avec des personnages qui se retrouvent dans de facheuses positions. De quoi donner quelques amusantes idées de chorégraphies et diversions, notamment dans la première partie du film.
Bien sûr, tout ça est soumis aux règles du MCU, avec un découpage parfois (très) approximatif et une mise en scène parfois plate, et écrasée par des plans génériques. Et le principe même du trio est sous-exploité, tant dans les interactions entre elles que dans les combats de fin. Au moins, il y a une certaine énergie et envie, et niveau effets visuels, c’est mieux / moins pire que pas mal de blockbusters récents. Mais est-ce suffisant ?
CAPTAIN MARVEL EGO
The Marvels reste le film de Carol Danvers, parfois pour le pire puisque les deux autres héroïnes n’ont pas beaucoup de place pour exister. Surtout Monica, la fille de Maria Rambeau, qui connaît l’héroïne depuis son enfance. Kamala s’en sort un peu mieux grâce à l’énergie d’Iman Vellani, qui a le mérite de jouer sur une tonalité différente. Au milieu d’un casting qui s’accorde jusqu’à se confondre, elle dénote, et c’est tout ce dont un tel film a besoin.
Pour le meilleur, il y a le personnage de Captain Marvel ou du moins la manière dont il est approché dans le scénario de Nia DaCosta, Megan McDonnell (WandaVision) et Elissa Karasik (Loki). Dotée de pouvoirs incommensurables et potentiellement d’un ego aussi énorme, Carol était jusque là un bloc de force, de son film solo où elle semblait inarrêtable à la fin, jusqu’à son passage éclair dans Avengers : Endgame.
Dans The Marvels, elle paye le prix de ses actions un peu trop naïves, puisque sa décision à la fin de Captain Marvel a créé une situation pire encore. Elle récolte aussi ce qu’elle a semé, à la fois en regardant son passé (Monica, déçue) et son avenir (Kamala, qui rencontre son idole). Le parcours héroïque classique est jonché d’obstacles et surtout d’échecs, qui dessinent discrètement les dysfonctionnements de cette héroïne défaillante.
Tout ça est bien évidemment discret puisque c’est accessoire dans le cahier des charges d’un tel blockbuster, et c’est parfois écrit à la truelle (la scène dans le champ, plate comme une feuille A4). Mais ces petites miettes sont bienvenues, et permettent de dessiner un peu plus ce personnage casse-gueule, dont les pouvoirs sont d’ailleurs toujours aussi mal gérés et définis.
Et pour autant, est-ce suffisant ?
“Your ego is writing checks your body can’t cash”
merci ant-man 3 et thor 4 ?
Néanmoins, tout ça n’est finalement qu’une goutte d’eau dans l’océan de The Marvels, qui arbore les couleurs primaires du MCU : beaucoup de premier degré, beaucoup de blagues, et souvent des problèmes à allier les deux. La scène d’intro, parfaitement fade et qui renvoie aux heures sombres de Thor 2, envoie un mauvais signal. Mais étonnamment, c’est peut-être là que la réalisatrice Nia DaCosta et le producteur Kevin Feige évitent finalement quelques uns des pires pièges.
Grâce à une simplicité parfois déconcertante, le film relance plusieurs fois le moteur malgré un scénario extrêmement rudimentaire, que personne n’essaye de gonfler pour rien (d’où la durée : 1h45). Avec une parenthèse musicale mi-gênante mi-hallucinée, une orgie de chats mi-mignons mi-grotesques, et quelques voyages cosmiques qui s’étalent à l’écran (contrairement au premier Captain Marvel tristement ancré sur Terre), The Marvels embrasse pleinement sa légèreté pop.
Bien sûr, rien de tout ça ne viendra salir le décor 100% Marvel. L’aventure est encore une fois composée comme un tableau Excel à 220 millions de dollars (au moins). L’antagoniste incarnée par Zawe Ashton est magnifiquement superficielle et oubliable, le climax se transforme en gigantesque feu d’artifice CGI, les scènes d’action recyclent des motifs décidément increvables (des tourbillons et des ciels arrachés), la moitié des décors et costumes ressemble à la moitié d’anciens décors et costumes du MCU.
Brie Larson n’a quasiment rien à jouer, et on commence sérieusement à s’inquiéter pour Samuel L. Jackson qui a enchaîné la série-navet Secret Invasion et le stage de babysitter dans The Marvels, lesquels sont instantanément arrivés dans le top 5 des pires utilisations de Nick Fury. Et les deux scènes post-générique, 100% dédiées à la préparation de deux gros projets teasés depuis des années, arrivent comme les derniers clous de ce cercueil multicolore.
Alors que se passe t-il ? Est-ce que The Marvels gagne de maigres points d’indulgence parce qu’il arrive après Ant-Man 3 et Thor 4 ? Doit-on et veut-on se contenter d’une petite ration si inoffensive ? Le film mérite t-il plus d’énergie ? Est-ce que vous avez juste regardé la note de 2,5/5 en considérant que c’est ça la finalité de la critique et donc, des débats ? Tant de questions, mais pas d’inquiétude. On se revoit dans quelques mois pour continuer la conversation avec le prochain plat du MCU.