ça VoUGHT le coup
Après les trois premiers épisodes de Gen V, on se demandait où cette histoire de forêt secrète et d’expérimentations scientifiques à la Josef Mengele pourrait bien aller, et surtout si elle n’était pas juste un bête prétexte pour gonfler les enjeux et ajouter un peu de gravité aux histoires de fesses des étudiants. Dès le quatrième épisode, la forêt et tout ce qu’elle renferme de plus noir musclent effectivement le scénario, qui voit rapidement plus loin que les simples tranches de vies scolaires débridées ou le recrutement sans pitié chez les Sept (ce qui était le pitch de départ).
Mais cette trame n’a heureusement rien d’annexe, ni vocation à combler un quelconque vide avant d’être mise sous le tapis pour laisser la saison 4 de The Boys reprendre son cours. Contrairement à The Boys : Diabolical qui était surtout pensée et vendue comme une pastille humoristique pour faire patienter le public avant la reprise, le but ici est clairement d’entremêler les épisodes de Gen V à ceux de The Boys, dont la prochaine saison devrait donc logiquement s’appuyer sur les événements qui viennent d’avoir lieu.
L’univers hérité des comics de Garth Ennis et Darick Robertson est bel et bien en train de s’étendre, et a désormais d’autres promesses à tenir, en particulier les “ambitieux” plans génocidaires qui ont commencé à se dessiner dans les derniers épisodes. Même si Gen V ne bénéficie pas d’effets spéciaux ou d’une réalisation d’aussi bonne facture que dans The Boys, ce n’est donc pas le sous-produit opportuniste redouté, mais une extension intéressante – peut-être même plus intéressante que la série principale.
Une poursuite intelligente de leur dynamique
LES NOUVEAUX Héros
En se plaçant du point de vue de Supers et non d’humains normaux comme Hughie et Butcher (pour qui “normal” n’est cependant pas le meilleur qualificatif), Gen V prend initialement le contre-pied de The Boys, avant de s’en rapprocher de façon plus inattendue. Durant la majorité des épisodes, les jeunes Supers de l’académie sont dépeints comme des adolescents paumés qui, à force d’être maltraités et manipulés, sont devenus la pire version d’eux-mêmes et veulent donc rétablir l’ordre et la justice.
Mais avant, petite session bitching
Ce choix de départ était un miroir tendu à The Boys qui, elle, part du postulat que les super-héros sont tous des pourris corrompus dont il faut révéler les crimes, et n’a jamais tenté d’humaniser ses antagonistes comme le Protecteur, même en revenant sur son enfance martyre. Mais c’est là où Gen V est plus complémentaire qu’a priori, puisque les méthodes impitoyables et l’idéologie radicale de la bande de Butcher se confrontent à celles des Supers en quête de vengeance.
Comme Butcher a perverti et formaté Hughie en jouant sur sa haine envers A-Train, Gen V traite de la radicalisation des Supers comme des humains qui se persécutent et traumatisent mutuellement. Les épisodes galvanisent ainsi la haine et la violence dans chaque camp jusqu’au point de non-retour, celui atteint il y a peu par Butcher dans The Boys. De fait, les deux derniers épisodes se résument à un cocktail Molotov d’émotions contradictoires – tristesse, amour, haine, honte, déception, culpabilité – qui finit par exploser de la façon la plus dramatique et cruelle possible.
Etre gore, mais pas pour le simple plaisir de l’être
the prom
Pour autant, si les enjeux gagnent en ampleur, Gen V n’oublie pas d’être une teen série, et tant mieux. Le genre, qui a l’habitude de décortiquer les sentiments de ses protagonistes, est idéal pour comprendre comment et pourquoi ces personnages sont amenés à commettre le pire. Entre les histoires d’amour contrariées ou naissantes, les infidélités, les triangles amoureux, les vidéos TikTok et autres problématiques adolescentes, la série s’intéresse sincèrement et en profondeur à ses personnages et leur psychologie pour le moins complexe.
Et fait assez rare pour le souligner : aucun ne prend le pas sur l’autre, pas même Marie (jouée par la formidable Jaz Sinclair) pourtant présentée comme le centre névralgique du récit.
L’écriture a habilement joué avec les pouvoirs des personnages et ce qu’ils racontent de chacun d’entre eux, pour coller aux réalités et difficultés qui germent à l’adolescence et pouvoir les traiter sous un prisme fantastique: les troubles alimentaires, les scarifications, l’identité de genre et autres traumatismes infantiles. De fait, la dimension très satirique de l’univers est bien moins prégnante que dans The Boys, si ce n’est dans les premiers épisodes qui dressent un parallèle explicite entre le système universitaire américain et l’ultra-compétitivité entre les étudiants.
Cette approche plus intimiste et paradoxalement moins outrancière et sale gosse – exception faite pour la masturbation de bite géante ou l’explosion d’un pénis de violeur (cheh) – est un choix malin pour rester au plus proche des élèves et ne pas les diluer dans un trop grand bain. C’est pourquoi la brève incursion dans un meeting politique mêlant les slogans Black Lives Matter et Make America Great Again est une des scènes les plus artificielles et lourdes de la saison, qui semble plus une facilité scénaristique qu’un audacieux parti-pris.
En espérant donc que le récit restera par la suite aussi intimiste et subtil (qui l’eût cru ?), laissant la satire grasse, politicarde et parfois basse du front à The Boys.
Gen V est disponible en intégralité sur Amazon depuis le 3 novembre 2023 en France