Dans le débat sur les droits de scolarité, mélanger bon sens et démagogie ne marche pas

L’annonce du gouvernement du Québec concernant les changements dans la structure des droits de scolarité, majorés pour les étudiants de l’extérieur du Québec et les étudiants étrangers, ainsi que dans leur répartition, a suscité un débat considérable. À mon avis, le débat reflète les profondes incohérences qui caractérisent l’initiative et ses racines démagogiques.

Un aspect clé de la nouvelle initiative gouvernementale concerne la manière dont les droits de scolarité majorés sont gérés. La nouvelle loi propose de revenir à un cadre qui existait avant 2018, où les droits de scolarité majorés n’étaient pas conservés par chaque université receveuse, mais allaient plutôt dans un fonds commun qui pouvait ensuite être réparti entre les universités. Je pense que les droits de scolarité majorés des étudiants de l’extérieur du Québec représentent une ressource importante pour notre système universitaire, mais cette ressource devrait être répartie équitablement entre les établissements, ce qui n’est pas actuellement le cas.

Je suis donc d’accord avec cette partie de l’initiative gouvernementale.

Quelle vision ?

Ce qu’il est important de comprendre, c’est que le changement dans le mode de répartition des droits de scolarité n’avait pas nécessairement à être associé à un changement dans la structure des droits et aurait pu être mis en oeuvre en fonction des frais actuels. Cependant, avec ce changement, le gouvernement a également décidé de doubler les droits des étudiants de l’extérieur du Québec. C’est là que les choses deviennent plus compliquées, car la justification et l’ampleur de cette augmentation ne sont pas du tout claires.

D’une part, la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, a déclaré que c’était essentiellement une décision financière, car les droits facturés actuellement aux étudiants de l’extérieur du Québec ne couvrent pas les coûts réels, et, par conséquent, la province subventionne l’éducation de ces étudiants au détriment de notre système universitaire et des étudiants locaux. On peut supposer que la décision comprenait une analyse du bilan entre l’augmentation des droits et la diminution potentielle des inscriptions, et qu’il a été conclu que l’augmentation proposée entraînerait toujours un gain net pour le système.

Dans ce sens, Mme Déry a déclaré publiquement avoir bon espoir que les étudiants de l’extérieur continueront à choisir en grand nombre le Québec. L’ensemble du système universitaire québécois bénéficierait de ce scénario, même si cela signifie que certains établissements devront faire des ajustements, mais cela reste entièrement spéculatif.

D’autre part, François Legault a justifié publiquement la forte augmentation de ces droits de scolarité en déclarant que les étudiants étrangers et canadiens, en particulier ceux venant d’autres provinces, représentent une menace pour la langue française au Québec et sont en partie responsables de son déclin, et que réduire le nombre de ces étudiants en augmentant les droits de scolarité représente une stratégie valable pour protéger la langue française.

Cela implique que la décision de doubler ces droits était basée sur l’objectif de dissuader ces étudiants de venir au Québec plutôt que sur l’intention d’améliorer la situation financière des universités québécoises.

Nous présumons que M. Legault n’aurait pas fait ces déclarations si le gouvernement n’avait pas eu de projections selon lesquelles les inscriptions d’étudiants de l’extérieur du Québec diminueraient de façon radicale en raison de la hausse proposée des droits de scolarité. Ce scénario serait donc associé à une baisse importante des revenus de scolarité, parmi plusieurs autres conséquences négatives qui ont été déjà soulignées, susceptibles de nuire non seulement aux universités anglophones, qui accueillent davantage de ces étudiants, mais à l’ensemble du système universitaire québécois.

Il est difficile de voir comment ces deux stratégies et visions peuvent être mutuellement compatibles. Et qui devons-nous croire, Mme Déry ou M. Legault ?

Quel objectif ?

Quoi qu’il en soit, il est temps que le gouvernement clarifie sa position. S’il souhaite gérer la hausse des droits de scolarité afin de maximiser les ressources disponibles aux universités québécoises et d’améliorer leur répartition, il devra expliquer clairement comment cet objectif sera atteint et quels en seront les gains potentiels.

En même temps, le gouvernement doit assurer à la communauté qu’une telle initiative ne remplace pas la responsabilité qui lui incombe de combler le sous-financement chronique dont souffre le système universitaire québécois par rapport à celui du reste du Canada, sous-financement qui est structurel, et qui ne sera pas résolu avec l’illusion des droits majorés ; nous ne devrions pas nous laisser distraire de ce fait.

En outre, si le gouvernement ne veut pas que la province subventionne une partie des coûts éducatifs des étudiants de l’extérieur du Québec et des étudiants étrangers, il devrait expliquer pourquoi nous continuons à subventionner l’éducation de milliers d’étudiants français et belges, qui ont peu ou pas de connexion avec notre pays ou notre culture et qui paient les mêmes droits de scolarité que les résidents du Québec. La plupart de ces étudiants repartent sans laisser grand-chose derrière eux, et ils peuplent de manière disproportionnée les universités francophones, qui sont, selon le gouvernement, déjà désavantagées en termes de ressources. Mais ce fait ne semble préoccuper ni M. Legault ni Mme Déry. La situation est-elle justifiée parce qu’ils nous aident tellement à améliorer notre accent ?

Et finalement, si l’objectif ultime est de réduire considérablement le nombre d’étudiants d’autres provinces et étrangers (sauf peut-être ceux qui sont francophones) qui viennent au Québec, quelles que soient les conséquences négatives non seulement pour les universités anglophones, mais pour l’ensemble du système universitaire du Québec, le gouvernement doit assumer les conséquences de sa rhétorique qui vise manifestement à satisfaire ses besoins partisans et à attirer des électeurs potentiels.

Il y a eu des commentaires publics affirmant que des groupes de pression malveillants et les suspects habituels anglophiles ont déformé cette nouvelle initiative gouvernementale en générant une fausse dichotomie et un conflit entre francophones et anglophones.

 

En réalité, l’ambivalence, la confusion et l’opposition ont été générées par le gouvernement québécois lui-même, avec une initiative qui comprend, certes, certains éléments sensés et positifs, mais combinés à des incohérences flagrantes, le tout marqué par une forte odeur de démagogie. Notre système universitaire mérite et nécessite plus que d’être manipulé de cette manière au profit d’intérêts partisans et myopes.

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