Des frais de stationnement à l’hôpital dénoncés

Pierre Touchette, 71 ans, subit trois fois par semaine des traitements d’hémodialyse à l’hôpital Pierre-Le Gardeur, à Terrebonne. Jusqu’au printemps dernier, le résident de Repentigny ne payait aucuns frais pour stationner sa voiture au centre hospitalier. Mais depuis avril, le CISSS de Lanaudière lui demande 48,50 $ par mois. « C’est abusif ! dit-il. Ça me coûte déjà 30 $ en essence par semaine pour mon transport à l’hôpital. »

Le retraité dénonce l’imposition brutale de ces nouveaux frais en pleine période d’inflation élevée. D’autant que Pierre Touchette estime qu’il coûte moins cher au Trésor public en se rendant sur place en voiture plutôt qu’en utilisant le transport adapté auquel il aurait droit. Pour lui, la dialyse est une question de survie. « Si je n’en fais pas pendant deux semaines, je suis mort. Ça s’arrête là. »

Le Comité des usagers du sud de Lanaudière conteste la décision du CISSS régional de facturer des frais de stationnement aux patients en hémodialyse et en oncologie ainsi qu’aux parents de nouveau-nés hospitalisés en néonatologie. Dans le passé, ces clientèles bénéficiaient d’un stationnement gratuit. « Ce sont des gens très vulnérables, et au niveau financier, ils ne roulent pas sur l’or — justement parfois à cause de leur maladie, indique la présidente du comité, Louise Henrichon. Nous, ce qu’on demande, c’est la gratuité. »

Ce sont des gens très vulnérables, et au niveau financier, ils ne roulent pas sur l’or — justement, parfois, à cause de leur maladie. Nous, ce qu’on demande, c’est la gratuité.

Le Conseil pour la protection des malades appuie les revendications du comité. Il s’est d’ailleurs adressé au commissaire aux plaintes du CISSS de Lanaudière et au Protecteur du citoyen du Québec au nom des citoyens de la région. « Ce qui est un peu insultant, c’est que quand on regarde les états financiers 2022-2023 du CISSS de Lanaudière, on voit que l’établissement a un surplus annuel généré par les activités de stationnement d’environ 3,4 millions, dit le p.-d.g. de l’organisme, Me Paul G. Brunet. C’est un peu cheap de charger des frais de stationnement à ces patients. »

Des frais conformes à une directive ministérielle

Le CISSS de Lanaudière rétorque qu’il doit « respecter la directive du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) relative aux activités de stationnement, à laquelle tous les établissements sont assujettis ».

En vigueur depuis juin 2020, cette directive assure aux patients et aux visiteurs la gratuité pour les deux premières heures de stationnement et fixe un tarif journalier maximal (entre 7 $ et 10,75 $, selon les régions). Elle prévoit aussi un tarif réduit à 50 % pour les « usagers fréquents » qui doivent se présenter dans une installation « au minimum 10 fois par mois pour y recevoir des soins comme des traitements de chimiothérapie, de dialyse, etc. ».

Selon la grille tarifaire du MSSS, le CISSS de Lanaudière peut imposer aux « usagers fréquents » des frais mensuels de 48,50 $ (50 % de 97 $). Le MSSS précise toutefois, dans un courriel au Devoir, que les tarifs inscrits dans la directive sont « des maximums ». « Un établissement peut avoir des coûts moindres », écrit-on.

Les tarifs réduits et les clientèles qui y ont droit varient selon les régions, a constaté Le Devoir.

 

Le CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal, par exemple, accorde « un tarif préférentiel de 32 $ par mois » aux patients en oncologie et en hémodialyse, mais pas aux parents dont les enfants sont en néonatologie. Au CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal, on indique que « les frais pour les visiteurs fréquents de l’Hôpital général du Lakeshore sont actuellement moins élevés que les tarifs gouvernementaux », mais qu’« ils seront harmonisés sous peu, conformément aux tarifs de la grille ».

À l’hôpital du Suroît, à Salaberry-de-Valleyfield, les patients en oncologie et en hémodialyse bénéficient d’une « tarification de 1 $ par passage », selon le CISSS de la Montérégie-Ouest. À l’hôpital Anna-Laberge, à Châteauguay, le coût du permis mensuel de stationnement pour les gens en hémodialyse s’élève à 13,33 $.

« Moins problématiques » qu’avant

Le directeur général de la Fondation québécoise du cancer, Marco Décelles, convient que dans un monde idéal, les patients en oncologie, dont la chimiothérapie dure de nombreuses heures, auraient accès à un stationnement sans verser un sou. « Tous les hôpitaux qui veulent et qui peuvent l’offrir de façon gratuite, ça va dans la position qu’on défend à la Fondation québécoise du cancer : est-ce qu’on peut se concentrer sur la maladie et non ajouter un fardeau financier aux personnes gravement malades ? »

Il reste que, selon lui, les frais de stationnement sont « beaucoup moins problématiques » qu’avant leur plafonnement en 2020. « Dans certains hôpitaux des grands centres urbains, on avait des tarifications de 24 $ ou 26 $ par jour », rappelle-t-il. Les deux premières heures gratuites représentent aussi une avancée, selon lui, notamment pour les patients en radiothérapie, dont « les traitements durent une trentaine de minutes ».

Les patients en hémodialyse peuvent quant à eux avoir accès à un programme d’aide financière du MSSS qui rembourse les frais liés aux déplacements, comme le kilométrage et le stationnement. « Mais ce n’est pas remboursé d’emblée. Très peu de gens sont au courant [parmi nos usagers] », déplore Louise Henrichon. Selon le CISSS de Lanaudière, 116 personnes en hémodialyse bénéficient actuellement de ce programme.

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