La construction d’un pont sur le Saguenay devrait aussi nécessiter de creuser des tunnels pour accéder à la nouvelle infrastructure, ce qui pourrait faire bondir la facture. Mais les partisans de la réalisation de ce lien routier espèrent que cet aspect ne fera pas reculer le gouvernement du Québec, qui devrait recevoir en 2024 les études nécessaires pour prendre une décision.
Le projet de pont visant à relier la Côte-Nord à la région de Charlevoix fait toujours l’objet d’études techniques et économiques dont la conclusion, prévue pour 2023, a finalement été repoussée à l’an prochain, précise par courriel le ministère des Transports et de la Mobilité durable (MTMD).
Ces études abordent notamment les problèmes d’accès au pont, selon ce qui se dégage des échanges de courriels entre les employés du ministère impliqués dans le dossier et obtenus par Le Devoir en vertu de la Loi d’accès à l’information. Ces courriels des derniers mois, qui ont été en partie caviardés, évoquent ainsi la question des « tracés » de la route à construire, mais aussi un « rapport des tunnels » qui pourraient bien être nécessaires pour accéder au futur pont.
Il faut dire que ce nouveau lien routier serait vraisemblablement construit dans une région montagneuse nommée « Cap de la Boule » et située en amont de Tadoussac, tout près du passage de lignes de transport d’électricité d’Hydro-Québec. Dans ce contexte, il est fort possible que la réalisation du projet implique de creuser un ou des tunnels sur le tracé des nouvelles routes à construire pour rejoindre le pont. Ces tunnels sont rarissimes au Québec, et il en existe actuellement un seul sur le tracé de la route 138.
Coûts à venir
Dans une précision écrite en réponse à nos questions, le MTMD confirme qu’il analyse cet aspect dans le cadre des études commandées par le gouvernement Legault pour décider si Québec ira de l’avant, ou non, avec le projet.
« Compte tenu de la topographie des lieux et de la hauteur projetée d’un pont au-dessus de la rivière Saguenay, le recours à des tunnels pourrait s’avérer nécessaire afin d’optimiser le tracé routier. Il s’agirait de sections de tunnels qui pourraient être requis pour les nouvelles routes qui mèneront à un éventuel pont », explique le ministère.
Le MTMD ajoute qu’« il est actuellement trop tôt pour se prononcer sur le nombre de tunnels qui pourraient être nécessaires ». Aucune évaluation des coûts n’est donc disponible pour le moment.
Le point de passage le plus plausible du futur pont, soit celui du Cap de la Boule, a fait l’objet de différentes analyses au fil des ans. Selon deux scénarios étudiés à la demande du ministère, le but était de construire des tunnels de 5,7 à 6,5 km. Ceux-ci seraient ainsi nécessaires sur chaque rive de la rivière Saguenay.
Dans une étude datant de 2015 et commandée par la Société du pont sur le Saguenay, qui fait la promotion du projet, il est toutefois question d’un pont d’environ un kilomètre de longueur et d’un seul tunnel mesurant 600 mètres.
Guillaume Tremblay, porte-parole de la Coalition Union 138, qui regroupe des intervenants de Charlevoix et de la Côte-Nord, espère que les études en cours permettront d’avoir un portrait précis de la situation, y compris de la question des tunnels d’accès au pont. Il reconnaît d’ailleurs que cet aspect pourrait faire augmenter les coûts, mais il espère que cela ne serait pas une justification pour abandonner le projet.
Selon lui, il ne fait aucun doute que le projet de lien routier est techniquement possible, mais aussi qu’il est nécessaire pour assurer le développement à long terme de la Côte-Nord. Il souligne que la construction de ce pont serait bénéfique pour les entreprises actives dans l’exploitation et la transformation des ressources, mais aussi pour faciliter les déplacements des touristes.
M. Tremblay ajoute que le retrait des traversiers faisant la navette entre Baie-Sainte-Catherine et Tadoussac réduirait la pollution sonore, dans une zone importante de l’habitat essentiel du béluga du Saint-Laurent. Ces navires, rappelle-t-il, effectuent environ 40 000 traversées chaque année dans cette zone située dans le parc marin du Saguenay — Saint-Laurent.
Achalandage
Les échanges de courriels entre les employés du MTMD obtenus par Le Devoir permettent aussi de constater que le ministère a réalisé l’été dernier une évaluation « des temps réels de traversée » en forte période achalandage, soit entre la fête nationale et la fête du Travail.
« Le temps réel d’une traversée est un problème mentionné à répétition par certaines parties prenantes (Société du Pont et Coalition Union 138) lors de nos rencontres du Comité de liaison du projet. C’est pourquoi nous désirons obtenir un portrait réel de la situation et pouvoir enfin clore le débat », peut-on lire dans un courriel daté de mai 2023.
Dans un autre courriel daté de juillet 2023, on évoque « une vingtaine de journées avec fort achalandage » au cours de la période estivale. Selon des données de la Société des traversiers du Québec, le nombre de traversées impliquant de laisser à quai des véhicules serait minime. Pour la période 2021-2022, par exemple, des véhicules ont été laissés à quai lors de 678 des 34 029 traversées.
Le porte-parole de la Société du pont sur le Saguenay, Marc Gilbert, affirme, pour sa part, que la mise en service de traversiers de plus grande capacité au cours des dernières années n’a pas amélioré la situation et que l’absence d’un lien routier est tout simplement « dramatique » pour l’économie régionale.
À Tadoussac, on s’inquiète toutefois des conséquences économiques qui découleraient d’un éventuel retrait des traversiers. Le maire Richard Therrien rappelle ainsi que la Société des traversiers est un employeur important pour sa municipalité, notamment en dehors de la période touristique estivale.
Il ajoute que le passage obligé par la route 138, qui longe le village, attire aussi des visiteurs de courte durée. Il dit cependant faire « confiance » au gouvernement pour prendre la meilleure décision, à la lumière des résultats des études en cours
Avec Dave Noël