Électrifier le transport collectif, mais à quel prix ?

Au moment où les sociétés de transport du Québec pourraient réduire leur offre de services, des experts remettent en question les délais serrés qu’impose le gouvernement du Québec pour électrifier la flotte des autobus urbains qui sillonnent les villes de la province. Un projet coûteux dont les bénéfices environnementaux seront mitigés, préviennent-ils.

Dans un article publié cet été dans la revue scientifique Transportation Research Part D: Transport and Environment, quatre chercheurs de l’Université Concordia et un autre de Polytechnique Montréal ont tenté de mesurer l’impact qu’aurait en 2030 l’atteinte des cibles d’électrification des autobus des sociétés de transport en commun de Montréal, Toronto, Edmonton et Halifax sur les émissions de gaz à effet de serre de ces villes.

Dans chacune d’elles, les autorités gouvernementales ont mis en place des cibles ambitieuses en matière d’électrification des autobus de leurs sociétés de transport en commun. Halifax compte par exemple électrifier plus de la moitié de ses autobus d’ici 2028, tandis que Montréal, Toronto et Edmonton visent un parc d’autobus entièrement électriques d’ici 2040. Dès 2025, la Société de transport de Montréal (STM), lorsqu’elle aura à remplacer un véhicule, devra acquérir uniquement des autobus électriques afin de respecter l’objectif fixé par le gouvernement du Québec d’un parc comportant 55 % d’autobus urbains électriques en 2030.

« La raison pour laquelle on a mené cette recherche, c’est que l’électrification dans le secteur des transports est considérée comme une des voies les plus importantes à prendre pour réduire les GES dans ce secteur », explique l’autrice principale de cette recherche, la doctorante Xuelin Tian. En tenant compte à la fois de la source d’énergie utilisée pour produire de l’électricité dans chacune de ces villes et des différentes cibles d’électrification mises en avant par celles-ci, les chercheurs ont pu évaluer la diminution à laquelle s’attendre pour 2030 quant à la quantité de gaz à effet de serre (GES) émis par les parcs d’autobus urbains. Cette diminution par rapport à 2019 devrait atteindre 18,7 % pour le parc d’autobus de Toronto et 30,1 % à Montréal, évaluent les chercheurs.

Course contre la montre

« Les sociétés de transport sont dans l’électrification par-dessus la tête », constate d’ailleurs le directeur général de l’Association du transport urbain du Québec (ATUQ), Marc-André Varin. Les nouveaux autobus électriques arrivent toutefois au compte-gouttes dans la province. « Pour le moment, ce sont de petites quantités ; on est dans des projets de tests techniques », précise M. Varin, qui rappelle que les autobus électriques demeurent une « nouvelle technologie ».

Jusqu’à maintenant, plus d’une cinquantaine d’autobus électriques ont été déployés dans les parcs des sociétés de transport en commun de la province, « ce qui représente un taux d’électrification de 1,4 % à l’échelle du Québec », indique le ministère des Transports du Québec (MTQ), qui « garde le cap » sur sa cible de 2030.

« Avec la projection que j’ai en ce moment, on sera à 42 % [d’autobus électriques] en 2030. Si on veut se rendre à 55 %, il faudra accélérer les projets d’infrastructure », affirme pour sa part le directeur général de l’ATUQ.

Une facture élevée

En plus d’acquérir de nouveaux autobus électriques, les sociétés de transport doivent rénover et construire de nouveaux garages équipés pour recharger et entretenir ces véhicules. Pour couvrir ces frais, le gouvernement Legault a débloqué en 2021 la somme de cinq milliards pour atteindre sa cible de 2030 en matière d’électrification des autobus. La facture finale pourrait toutefois atteindre 7,2 milliards, entrevoit la chercheuse de Polytechnique Montréal Brigitte Bouchard-Milord. Cette dernière s’est basée sur les détails d’un contrat de 2,1 milliards remporté par l’entreprise Nova Bus en mai 2023 pour la construction d’au plus 1229 autobus électriques afin d’en arriver à cette estimation.

Cette somme « considérable », relève la chercheuse, représente près de l’ensemble des quelque 8 milliards de dollars prévus au Fonds d’électrification et de changements climatiques depuis 2013. Or, l’électrification de 55 % du parc d’autobus urbains du Québec ne permettra de réduire que de 0,3 % l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre (GES) de la province, a constaté Mme Milord au terme d’une recherche que la Chaire Mobilité de Polytechnique Montréal a réalisée pour le compte de l’ATUQ. La contribution de cette mesure dans la cible de Québec de réduire de 37,5 % ses émissions de gaz d’ici 2030 sera donc marginale, conclut Mme Bouchard-Milord.

Changements climatiques

Afin de lutter efficacement contre les changements climatiques, le gouvernement Legault aurait avantage à investir davantage dans l’offre et la fréquence du transport en commun plutôt que dans l’électrification de celui-ci, analyse Catherine Morency, professeure spécialisée en mobilité urbaine à Polytechnique Montréal.

« Si on multiplie le service, on aura beaucoup plus de gains environnementaux, parce qu’à partir du moment où on met plus de gens dans le réseau d’autobus, on réduit les émissions de gaz à effet de serre », en diminuant le recours à l’auto solo, relève Mme Morency. À l’inverse, « couper dans le service » risque de réduire l’achalandage du transport en commun et par ricochet d’augmenter la congestion routière, prévient l’experte. « Si on sort tout le monde du transport en commun parce que le service devient mauvais, ce sera une catastrophe. »

Si on multiplie le service, on aura beaucoup plus de gains environnementaux

Dans les dernières semaines, plusieurs sociétés de transport, dont la STM, ont ditcraindre de devoir réduire leur offre de services en raison du manque de financement offert par Québec pour les aider à éponger leur déficit. Un contexte particulier qui impose de remettre en question les dépenses importantes du gouvernement du Québec pour électrifier les autobus des sociétés de transport de la province, constate Florence Junca-Adenot, professeure à l’UQAM et spécialiste du transport public. « Ça ne sert à rien d’avoir des bus électriques si on coupe dans le service et que les bus sont vides », lance l’experte.

Le responsable du transport au Conseil régional de l’environnement de Montréal, Blaise Rémillard, estime pour sa part que le financement du transport collectif et son électrification doivent être vus comme des enjeux complémentaires, puisque les autobus électriques permettent de réduire les frais de fonctionnement par rapport aux traditionnels autobus au diesel. « On arrive avec peu de réduction des gaz à effet de serre [en électrifiant les bus], mais avec des économies à long terme », poursuit M. Rémillard.

« Il faut faire les deux », estime la directrice générale de la STM, Marie-Claude Léonard, qui refuse d’opposer le financement du transport en commun à son électrification. « Il ne faut pas financer l’électrification au détriment de l’offre de services et on ne peut pas non plus financer l’offre de services au détriment de l’électrification », a ajouté Mme Léonard, rencontrée en marge d’un événement médiatique à Montréal le 30 octobre. En 2024, cependant, la STM ne s’attend pas à avoir les moyens de bonifier son offre de services, a-t-elle concédé.

Le MTQ rappelle pour sa part qu’il s’était donné comme objectif, en 2018, d’augmenter annuellement de 5 % l’offre de transport en commun dans la province. « En temps normal, le Ministère estime que cette stratégie d’investir en parallèle dans l’électrification du parc d’autobus et dans l’augmentation de l’offre de services aurait permis de réduire davantage les émissions de gaz à effet de serre », fait valoir le MTQ. Or, la pandémie a « freiné » l’atteinte de ce dernier objectif, affirme le Ministère.

Avec Jeanne Corriveau

   

Ce contenu est réalisé en collaboration avec l’Université Concordia.

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