Emmanuelle Béart, ou le cinéma par hasard, puis par amour

Rencontrer Emmanuelle Béart, c’est se trouver en présence d’une artiste chaleureuse, communicative, et qui ne semble pas du tout consciente de son statut de star. Elle n’en est pas moins une icône du cinéma français. Or, ce qui l’anime n’a rien à voir avec les paillettes ou la célébrité. Développer une relation privilégiée avec des cinéastes qui l’inspirent et voyager à travers chaque film : c’est ce qui l’a toujours fait vibrer, comme elle nous le confie lors de son passage au festival Cinemania, où elle copréside le jury Visages de la francophonie avec Philippe Falardeau. Entretien portrait.

« Être sur un jury, c’est toujours pour moi l’occasion d’une espèce de tour du monde cinématographique », explique Emmanuelle Béart.

« Les films témoignent des réalités des endroits où ils ont été tournés. Et ça, ça me remue ; ça me bouleverse. C’est un exercice qui est intéressant artistiquement, intellectuellement, et émotionnellement. »

L’art, l’intellect et l’émotion sont pour le compte sollicités dans plusieurs des films phares de l’actrice : Les enfants du désordre, de Yannick Bellon, J’embrasse pas, d’André Téchiné, La Belle Noiseuse, de Jacques Rivette, L’enfer, de Claude Chabrol, Un coeur en hiver et Nelly et Monsieur Arnaud, de Claude Sautet (« Il est parti trop tôt », s’émeut-elle encore), Les destinées sentimentales, d’Olivier Assayas, Nathalie…, d’Anne Fontaine…

« Je suis une éternelle amoureuse des films d’auteur », admet volontiers Emmanuelle Béart, qui ajoute nourrir une passion pour le documentaire.

« Quand je vois un film, j’ai besoin de sentir que j’ai le coeur qui bat. J’ai besoin d’être emportée. Je reviens au voyage… C’est ça : pour moi, le cinéma, c’est l’appel du voyage. J’adore me déplacer et aller à la rencontre de cultures différentes de la mienne, et j’adore quand ça survient par l’entremise d’un film. »

Du même souffle, l’actrice avoue n’avoir pas été une cinéphile précoce, loin de là.

« Je n’ai pas été élevée dans le cinéma. J’ai grandi dans le Midi de la France, dans une petite ville où il n’y avait ni cinéma ni théâtre. »

Pour mémoire, son père, le chanteur Guy Béart, quitta le foyer quand elle était toute petite. Par la suite, elle vécut avec sa mère, l’ex-mannequin et actrice Geneviève Galéa, dans les environs de Saint-Tropez, avec ses quatre demi-frères et demi-soeurs.

« Je me suis passionnée pour le cirque, parce que c’était tout ce qu’il y avait. J’ai des souvenirs de spectacles immenses, alors qu’ils devaient en réalité être tout petits et pas terribles… Avec mes yeux d’enfant, c’était magique. »

Premiers émois

Ses premiers émois de cinéma, Emmanuelle Béart les vécut en l’occurrence à… Montréal. En effet, venue passer quelques semaines dans la métropole québécoise en 1980, elle décida d’y rester plus longtemps.

« J’avais 17 ans, je suis arrivée à Montréal, et je m’en souviendrai toute ma vie : je suis allée voir Kramer vs Kramer [Kramer contre Kramer, de Robert Benton]. Je suis sortie du cinéma en proie à un chagrin immense, mais habitée par la certitude d’avoir vécu quelque chose de très important sur le plan humain. Toujours à Montréal, Elephant Man [L’homme éléphant, de David Lynch] m’a fait un effet similaire. Mes premières émotions cinématographiques, elles sont enracinées ici. »

Rentrée en France en 1983, elle commença à tourner en étant d’abord sollicitée pour sa beauté. Puis, vint le phénomène critique et populaire Manon des Sources, de Claude Berri, en 1986, où elle interprète la « sauvageonne » imaginée par Marcel Pagnol. Consécration immédiate. Pourtant, la principale intéressée ne le vécut pas ainsi.

« Je me suis mise à aimer le cinéma à force d’en faire avec des gens passionnants. Mais ce n’est devenu merveilleux que graduellement, en travaillant. J’étais une telle néophyte ! Quand je suis débarquée sur Manon des Sources, je n’avais rien vu. Sur ce film, je n’ai pas compris ce qui arrivait et ce qui m’arrivait. Ce n’est que sur Les enfants du désordre, de Yannick Bellon [sorti en 1989], que j’ai eu l’impression de comprendre le cinéma, de comprendre ce que j’y faisais. »

Ce film, qui conte la tentative de réinsertion sociale d’une jeune ex-détenue, marqua l’actrice.

« Soudain, j’incarnais une personne que je connaissais, car c’était inspiré de la vie d’une vraie femme. Et là, d’un coup, j’ai pris conscience que tout ce temps, j’avais besoin de comprendre en quoi je pouvais être utile. J’étais à la fois très timide et très violente à l’époque : je n’étais pas du tout « civilisée ». Avant ce film, je savais que je faisais du cinéma par choix, mais je ne savais pas pourquoi j’avais fait ce choix. J’ai commencé le cinéma par hasard, et j’ai continué par amour. »

Personnel et intuitif

Jamais carriériste, Emmanuelle Béart prit toutefois d’emblée le métier très au sérieux. Peut-être trop. Elle évoque à titre d’exemple la superproduction historique Une femme française, parue en 1995.

« Il n’y avait pas de plaisir du jeu. J’incarnais la mère du réalisateur, Régis Wargnier. J’avais une responsabilité. Oui, c’est ça : pendant longtemps, je ressentais le besoin d’être utile et responsable. Le plaisir du jeu, c’est venu beaucoup plus tard. »

Parvenir à s’abandonner au « plaisir du jeu », cela passa par un autre film charnière : Huit femmes, de François Ozon. Dans ce meurtre et mystère comico-musical, Emmanuelle Béart incarne la bonne de la maisonnée, amante du maître de céans assassiné.

« C’est tard, dans ma filmographie. Il y a toute la dimension ludique du film, évidemment, mais à la base, c’était un type d’emplois qu’on ne m’offrait pas. On me cantonnait plutôt au drame. Et dans Huit femmes, j’avais tout à coup ce plaisir à jouer, à danser, à chanter, à donner la réplique à toutes ses actrices fabuleuses… »

De préciser la comédienne : elle sait sur-le-champ qu’elle est en train de vivre « un truc spécial, ou déterminant ».

« Et je le sais tout autant quand la magie n’est pas au rendez-vous, ce qui peut s’avérer douloureux. Je devine l’importance qu’aura un film, qu’aura une rencontre avec un metteur en scène. J’ai toujours fait mes choix en fonction de ce que promet cette rencontre avec un ou une cinéaste. Ça a toujours été plus crucial pour moi que le scénario. Est-ce que j’ai envie de lui ou d’elle dans ma vie ? Est-ce que j’ai envie de passer du temps avec cette personne ? Il y a de grands cinéastes pour lesquels ma réponse intérieure, c’était « non », et je n’ai pas fait leurs films. Je n’avais pas envie de faire ce voyage-là avec eux. C’est très personnel et intuitif. »

Pas de temps à perdre

C’est cette même approche de son art — personnelle, intuitive — qui poussa Emmanuelle Béart à délaisser le cinéma, sans l’abandonner complètement, afin de se consacrer pour la première fois au théâtre : un réel défi, et un réel dépaysement pour cette « actrice-voyageuse ».

« Au théâtre, on est grand ou on ne l’est pas, selon les soirs. Il se passera quelque chose d’extraordinaire, ou pas… C’est immédiat, éphémère, mais d’une telle intensité… J’ai vécu sur scène des moments de transcendance qui m’étaient jusque-là inconnus. »

Ces dernières années, les planches continuent de la combler. Au cinéma, elle se fait trop rare.

« Il faut qu’il y ait cette promesse de rencontre avec les cinéastes. Je n’ai plus de temps à perdre. J’ai eu 60 ans. Quand je regarde le chemin parcouru, je me dis que ça n’a duré que deux secondes. C’est fou. Et donc, quand je m’investis, je veux que ça compte. »

Il faut dire qu’après avoir tourné un documentaire, Un silence si bruyant, où elle donne la parole à des victimes d’inceste, Emmanuelle Béart a envie de réaliser davantage. Peut-être cette voie lui réserve-t-elle ses prochains moments de transcendance. C’est la grâce qu’on lui souhaite.

Un grand entretien avec Emmanuelle Béart aura lieu à Cinemania ce samedi 11 novembre.

À voir en vidéo

You May Also Like

More From Author

How to get free coins in Parship the dat How Fir How I get Free Jetpack Joyride coins - 9 FREE ROMEO - Gay Dating coins 99999 How How war robots hack unlimited keys Tak Rescue Cut - Rope Puzzle Unlimited Free Ps5 Pay F Brawl Stars app Free coins - Brawl Stars Goo Nba google play redeem code today 100 free r Nba Fre Fre Truck games - build a house Free coins 2 HOW TO GET FREE Sonic Dash - Endless Run Supreme Duelist Stickman 2023 How to get How Get Psn Why HOW TO GET FREE 1km - Make a Friend arou Cas FS dating - dates and chat Free coins Gl Ggr Fre Bin How to get free coins in AfroIntroductio Upd Bin App F Ama Seg Ant How I get Free Bingo Aloha-Bingo tour at FREE NINTENDO 3DS THEME CODES Coi google play rewards get free google play Goo Free Blooklet - Brain teasers games coin Mon G Ama nba 2k23 locker codes september 2023 Gin Roulette Chat Video Omegle Ome free coin Nba Episode - Choose Your Story free coins 2 Hac Fre unused free paypal generator no human ve Mat Bes Fre How I get Free Dating and chat - Maybe Y Goo Tik 2 B M Rec Do Bubble Shooter Free coins 2023 iOS/iPhon Mon Qr Mon Modern Combat 5 mobile FPS free coins 20 Muslima Arab & Muslim Dating Free Unlimi Beach Buggy Racing free coins . Beach Bu How To REDEEM 150K coins For FREE In 1km TODAY S COIN MASTER FREE SPINS COINS LIN Mon Plants vs Zombies™ 2 2023 How to get fre How To Get Dr. Parking 4 ++ coins on iOS Pla Rea Parking Jam 3D free coins how to get fre