Le Canada envoie « un message fort pour garantir la sûreté, la sécurité et la confiance dans l’utilisation de l’IA à l’échelle mondiale », assure le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, après avoir signé, mercredi au Royaume-Uni, la déclaration de Bletchley pour un développement sûr de l’intelligence artificielle (IA), à l’occasion d’un sommet international sur l’essor fulgurant de cette technologie.
Le Canada, la Chine, les États-Unis, l’Union européenne (UE) et une vingtaine d’autres pays se sont engagés à collaborer pour mieux comprendre les risques et les occasions que crée l’IA. Cette déclaration n’est pas une base sur laquelle une législation mondiale sur l’IA sera créée, mais elle se veut en quelque sorte une voie à suivre pour les États qui, comme le Canada ou le Québec, comptent le faire prochainement.
« Au Canada, nous avons lancé en 2017 la première stratégie nationale en matière d’IA, créé le code de conduite volontaire en matière d’IA pour les systèmes d’IA avancés, et nous allons de l’avant avec l’une des premières lois sur l’IA au monde », a ajouté le ministre François-Philippe Champagne. « Nous sommes impatients de poursuivre notre travail avec des pays partageant les mêmes idées, afin de passer en toute confiance de la peur à l’opportunité en matière d’IA. »
Au Canada, nous avons lancé en 2017 la première stratégie nationale en matière d’IA, créé le code de conduite volontaire en matière d’IA pour les systèmes d’IA avancés, et nous allons de l’avant avec l’une des premières lois sur l’IA au monde.
La déclaration du ministre résonnera probablement jusqu’au Québec, où aura justement lieu jeudi un forum public sur la question de l’encadrement de l’IA, de façon générale, et de l’IA générative de façon plus précise.
Le Québec, comme le Canada d’ailleurs, tente de trouver pour sa législation l’équilibre entre la robustesse qui préviendrait les dérapages ou les effets négatifs d’une utilisation maladroite ou malicieuse d’une IA avancée et la souplesse qui permettrait aux entreprises et aux chercheurs de continuer à innover. Le Conseil de l’innovation du Québec devrait déposer au gouvernement provincial ses recommandations relatives à un encadrement de l’IA basées entre autres sur ce qui émanera du forum de jeudi.
À Ottawa, le projet de loi sur l’intelligence artificielle et les données continue d’être coincé dans le processus de relecture du gouvernement fédéral. On ne sait pas exactement quand il finira par être adopté.
« Menaces existentielles »
Dirigeants politiques, experts de l’IA et géants de la technologie sont réunis pour ce sommet de deux jours organisé à l’initiative du Royaume-Uni, qui veut prendre la tête d’une coopération mondiale sur cette technologie.
En parallèle, la vice-présidente américaine, Kamala Harris, qui donnait un discours à l’ambassade des États-Unis à Londres, a fait une mise en garde contre les « menaces existentielles » de l’IA, qui pourraient « mettre en péril l’existence même de l’humanité », et à plus court terme, des démocraties.
Kamala Harris, qui sera présente à Bletchley Park jeudi, a également annoncé la création d’un institut sur la sécurité de l’intelligence artificielle à Washington, comme le Royaume-Uni.
Les IA génératives, capables de produire du texte, des sons ou des images sur simple requête en une poignée de secondes, ont fait des progrès exponentiels ces dernières années, et les prochaines générations de ces modèles feront leur apparition d’ici l’été.
Ces technologies suscitent d’immenses espoirs pour la médecine ou l’éducation, mais pourraient aussi déstabiliser les sociétés, permettre la fabrication d’armes ou échapper à la maîtrise des humains, a prévenu le gouvernement britannique.
À quelques mois d’élections cruciales comme la présidentielle américaine et les législatives britanniques, l’IA générative fait craindre un déferlement de faux contenus en ligne, avec des montages perfectionnés (« deepfake ») de plus en plus crédibles.
« Huis clos »
Jeudi, de hauts responsables politiques sont attendus pour la deuxième journée du sommet.
Parmi eux, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, et la première ministre italienne, Giorgia Meloni — seule cheffe d’État ou de gouvernement du G7 à faire le déplacement.
Le Royaume-Uni espère les convaincre de créer un groupe d’experts sur l’IA selon le modèle du GIEC pour le climat.
Dans une lettre ouverte publiée mardi, plusieurs des « pères fondateurs » de cette technologie, comme le Montréalais Yoshua Bengio et Geoffrey Hinton, plaident pour « l’élaboration et la ratification d’un traité international sur l’IA » qui viendrait réduire les risques « potentiellement catastrophiques que les systèmes avancés font peser sur l’humanité ».
Tout le défi est d’arriver à définir des garde-fous sans entraver l’innovation pour les laboratoires d’IA et les géants de la technologie. L’UE et les États-Unis, contrairement au Royaume-Uni, ont choisi la voie de la réglementation.
La semaine dernière, plusieurs entreprises, comme OpenAI (ChatGPT), Meta (Facebook) et DeepMind (Google), ont accepté de rendre publiques certaines de leurs règles de sécurité sur l’IA à la demande du Royaume-Uni.
Dans une lettre ouverte adressée à Rishi Sunak, une centaine d’organisations, d’experts et de militants de différents pays ont déploré que ce sommet se tienne à « huis clos », dominé par les géants de la technologie et offrant un accès limité à la société civile.
Avec l’Agence France-Presse