Avec près de 3 milliards de dollars américains amassés au box-office, la saga Hunger Games s’est avérée, c’est le moins qu’on puisse dire, rentable. Les quatre films ont cimenté le statut de star de Jennifer Lawrence et fait exploser les ventes des romans originaux de Suzanne Collins. Plus de dix ans après la sortie du premier volet, ramener en salle ce vaste public est l’un des nombreux défis auquel fait face The Hunger Games: The Ballad of Songbirds & Snakes (Hunger Games. La ballade du serpent et de l’oiseau chanteur). Francis Lawrence, réalisateur du film ainsi que des trois précédents, s’en est ouvert au Devoir en exclusivité.
Pour mémoire, dans le monde dystopique de Hunger Games, les nantis vivent dans une cité protégée par un régime totalitaire qui les avantage, tandis que le reste de l’humanité survit tant bien que mal dans des districts surveillés. Chaque année, des « Jeux de la faim », où des représentants de chaque district s’affrontent jusqu’à la mort, captivent la population.
Dans cet antépisode-ci, on assiste à la transformation desdits jeux, et surtout, à l’ascension du futur despote Coriolanus Snow.
« Quand j’ai terminé le film The Hunger Games: Mockingjay – Part 2 [Hunger Games. La révolte, dernière partie], il n’était pas question, du côté de Suzanne, d’écrire un nouveau roman campé dans cet univers-là. Elle voulait explorer d’autres horizons après dix années passées à Panem [la nation imaginaire au coeur de la série] », explique Francis Lawrence, réalisateur en outre de Red Sparrow (Le moineau rouge) et de Constantine (une suite est en cours de développement avec Keanu Reeves, confirme le cinéaste).
« Puis, en 2019, Suzanne nous a pris par surprise, Nina [Jacobson, la productrice] et moi en nous annonçant qu’elle en était à mettre la touche finale à un nouveau roman lié à la saga, mais dans lequel elle “allait ailleurs”. Nous avons lu le manuscrit juste avant la pandémie et avons passé le plus clair de celle-ci à développer l’adaptation. »
Place à l’antihéros
L’un des aspects les plus intéressants du film, et du roman, est le renversement complet effectué en matière de protagoniste. En effet, dans les quatre Hunger Games d’antan, on suivait Katniss Everdeen dans son parcours de grandeur et de noblesse.
Dans The Ballad of Songbirds & Snakes, on accompagne plutôt Coriolanus Snow sur le chemin de la fourberie et de la duplicité. D’une héroïne, on passe, en d’autres mots, à un antihéros.
« C’est sans doute l’aspect qui m’a le plus excité par rapport au projet », confie Francis Lawrence.
« Avant de lire le manuscrit, tout ce que je savais, c’est que l’action se déroulerait 64 ans avant les événements de la première saga. Quand j’ai découvert qu’il s’agissait du récit des origines du vil Coriolanus Snow [immortalisé par Donald Sutherland de 2012 à 2015], j’ai été conquis, entre autres parce que ça représentait un réel pari. »
Un pari potentiellement risqué, mais dont il faut se réjouir. De fait, Hollywood abhorre d’habitude tout ce qui ressemble à un risque, tablant plutôt sur ce qui a déjà fonctionné.
« La difficulté consistait à créer un personnage dont on sait qu’il deviendra mauvais, et à le présenter d’une façon qui fasse en sorte qu’on veuille en savoir davantage sur lui, qu’on veuille le suivre, et même qu’on éprouve de l’empathie envers lui. Cela, tout en plantant des indices de ce qu’il deviendra. Rendre crédibles et intéressantes ses tribulations vers le côté obscur… »
Sensibilité et raffinement
Après avoir misé sur une Jennifer Lawrence qui n’avait encore jamais porté sur ses épaules un film à grand déploiement, la production tente encore sa chance avec un relatif nouveau venu en guise de figure de proue. Sa chevelure naturellement brune désormais d’un blond distinctement aryen dans le film, Tom Blyth incarne Coriolanus Snow avec toute l’ambiguïté et le charisme requis.
« Nous avons rencontré Tom très tard dans le processus d’auditions, et il nous a jetés par terre », révèle Francis Lawrence.
«Nous avons été complètement séduits et captivés par ce qu’il amenait. J’avoue que je n’étais pour ma part pas familier avec son travail sur la série Billy the Kid, donc pour moi, la surprise était totale. Et puis, en l’observant, avec ses grands yeux bleus, avec ses traits, je pouvais facilement l’imaginer en une version plus jeune de Donald Sutherland. Il a étudié à Juilliard [à l’instar de sa partenaire Viola Davis, qui joue ici une sorte de “Docteure terreur” en chef]. Il possède une maîtrise du jeu incroyable. Tom a apporté un mélange de sensibilité et de raffinement assez unique au rôle de Snow. »
Dans le film, Coriolanus Snow doit agir comme mentor auprès d’une des conscrites des Jeux : Lucy Gray, une jeune femme dont la détermination n’a d’égale que la puissance vocale. Rachel Zegler incarne cette concurrente-chanteuse avec autant de présence que de voix.
« Rachel, je savais par West Side Story qu’elle était une chanteuse et une actrice incroyable. Elle était notre premier choix à tous. »
Identité distincte
En amont du tournage, l’une des préoccupations principales de Francis Lawrence était que The Ballad of Songbirds & Snakes s’inscrive harmonieusement dans la saga, tout en affichant une identité distincte. Beau paradoxe.
« J’étais soucieux d’offrir quelque chose de neuf, sur tous les plans. Mais évidemment, il fallait des rappels visuels de ce que ce monde deviendra : l’architecture inspirée de Berlin au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale a été l’une des principales influences… »
Sinon, dans tous les départements artistiques, le mot d’ordre fut, pour reprendre l’expression de Suzanne Collins, « aller ailleurs ». Pari tenu.
Le film The Hunger Games: The Ballad of Songbirds & Snakes prend l’affiche le 17 novembre.