Des dizaines de milliers de personnes participent dimanche à Paris à une marche « pour la République, contre l’antisémitisme », a constaté l’AFP, après l’explosion du nombre d’actes hostiles aux juifs en France depuis les massacres du Hamas en Israël le 7 octobre et la riposte militaire qui a suivi à Gaza.
« Une France où nos concitoyens juifs ont peur n’est pas la France ». Dans un pays qui compte la première communauté juive d’Europe (environ 500 000 personnes), le chef de l’État, Emmanuel Macron, a donné le ton avant cette marche, tenue à l’appel des présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher.
S’il n’y prend pas part, le président français a affirmé samedi qu’il y serait « par la pensée ».
« Pour la République, contre l’antisémitisme » : c’est derrière cette banderole que les présidents des deux chambres se sont élancés sur le parcours qui relie l’Assemblée au Sénat, aux côtés de la première ministre, Élisabeth Borne, dont le père de confession juive a été déporté, des ex-présidents François Hollande et Nicolas Sarkozy et d’anciens chefs de gouvernement.
« Les polémiques ne doivent pas salir cette initiative inédite », a déclaré Yaël Braun-Pivet, en référence notamment à la présence de responsables de partis d’extrême droite, dont Marine Le Pen du Rassemblement national (RN) et Éric Zemmour de Reconquête.
« Nous sommes exactement là où nous devons être », a rétorqué Marine Le Pen. Un groupe de militants d’une organisation juive de gauche, Golem, a essayé de s’opposer à sa participation, rapidement contenu par la police.
« Je ne pensais pas devoir manifester un jour contre l’antisémitisme », témoigne auprès de l’AFP Johanna, 46 ans, secrétaire médicale en région parisienne.
Selon les autorités, les actes antisémites ont explosé en France — plus de 1000, un record -, depuis le début de la guerre Israël-Hamas.
Une partie de la gauche radicale française a annoncé qu’elle boycotterait l’événement en raison de la présence de l’extrême droite.
À la veille de la marche, Emmanuel Macron a déploré « l’insupportable résurgence d’un antisémitisme débridé » dans une lettre aux Français publiée par le quotidien Le Parisien.
Face à un phénomène « odieux », il a appelé à l’unité de la France « derrière ses valeurs, son universalisme ».
Mais la marche et les manifestations en province — où plus de 70 rassemblements ont été annoncés — sont loin de refléter une union nationale, leur préparation ayant donné lieu à une féroce bataille politique sur la présence de l’extrême droite.
La participation du RN de Marine Le Pen, « un parti politique créé par les héritiers de Vichy », ce n’est « pas de l’unité mais de l’indécence », a jugé le porte-parole du gouvernement Olivier Véran en référence au régime de collaboration avec les nazis du maréchal Pétain.
« Est-ce si difficile de faire une pause devant le sujet qui doit nous réunir ? », a répliqué la cheffe de file des députés RN, Marine Le Pen.
« Fauteurs de haine »
La France insoumise (LFI, gauche radicale) de Jean-Luc Mélenchon, accusé d’ambivalences sur l’antisémitisme, ne participe pas à la manifestation du fait de la présence du RN, même si des Insoumis ont pris part à d’autres initiatives, dimanche.
Le cas par exemple à Strasbourg (est), où certain de ses élus ont marché avec plusieurs milliers de personnes. D’autres rassemblements en province dans la matinée ont réuni 3000 personnes à Lyon, autant à Nice.
Dans la capitale, un dépôt de gerbe organisé par LFI près de l’emplacement de l’ancien Vel d’Hiv -lieu de regroupement de juifs arrêtés par la police française avant leur déportation en 1942 — a été perturbé par des personnes brandissant des pancartes « Touche pas à la mémoire » et criant « collabos ».
L’oeuvre d’« une dizaine d’excités », a réagi la cheffe des députés LFI, Mathilde Panot.
« Plus de 3000 policiers et gendarmes » ainsi que « des unités d’élite mobilisées » sont déployés dans la capitale, selon le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin.
Les partis de gauche Europe Écologie-Les verts, Parti Socialiste et Parti communiste ainsi que des associations de défense des droits humains et des organisations de jeunesse défilent derrière une banderole commune « contre l’antisémitisme et tous les fauteurs de haine et de racisme », pour isoler physiquement l’extrême droite.
De nombreux représentants des cultes sont aussi attendus, mais, dans un pays qui accueille l’une des plus importantes communautés musulmanes d’Europe, plusieurs responsables ou organes musulmans ont décliné l’appel, déplorant qu’il ne comporte « pas un mot sur l’islamophobie » et pointant des « amalgames » entre islam et antisémitisme.