La clause G, marotte de la ministre de l’Habitation?

Le 30 septembre dernier, Le Devoir publiait une entrevue avec la ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau. Nous y apprenions que la ministre persiste à vouloir retirer le droit à la cession de bail, et ce, malgré la grogne populaire et les plaidoyers lors des audiences publiques. Elle argumente qu’un autre mécanisme existant a le potentiel de réguler les augmentations de loyer, soit la clause G. Or, il est clair que cette clause ne peut être un outil suffisant pour contrôler les loyers.

La « clause G »

La « clause G » a force obligatoire par l’article 1896 du Code civil du Québec : « Le locateur doit, lors de la conclusion du bail, remettre au nouveau locataire un avis indiquant le loyer le plus bas payé au cours des 12 mois précédant le début du bail. » Cette clause est incluse à la troisième page des formulaires de bail afin de faciliter le travail des locateurs. Si le loyer est moins élevé que celui demandé par le locateur, il est possible pour le nouveau locataire de demander une fixation de loyer au Tribunal administratif du logement (TAL). Cette demande doit toutefois être faite dans les 10 jours suivant la signature du bail. Si le locateur fait une fausse déclaration (ce qui constitue une fraude) ou laisse carrément la section vide, un délai de 2 mois s’opère.

Ces contraintes et procédures causent bien des maux de tête aux locataires et diluent presque entièrement la portée de l’article 1896. En effet, dans les cas où la section est vide ou remplie erronément, le locataire doit avoir en main les preuves de l’ancien montant du loyer pour argumenter devant le TAL. Or, pour ce faire, le locataire doit compter sur le fait que l’ancien locataire possède toujours une copie du bail, ce qui est loin d’être toujours le cas. Sinon, le locataire doit être créatif et trouver une façon de s’adresser à l’ancien locataire, puisque ses coordonnées ne sont pas systématiquement offertes. Enfin, il est déraisonnable de penser que la majorité de ces locataires se transforment en enquêteurs pour obtenir le montant d’un loyer.

Qui plus est, la ministre Duranceau ne peut tenir pour acquis que la clause G est connue. En effet, l’article du journal Le Devoir citait un sondage de Vivre en ville révélant que 45 % des locataires interrogés ignorent l’existence de la clause G. Comment les locataires peuvent-ils se défendre s’ils ne connaissent pas les outils à leur portée ?

La « fixation »

Alors, me direz-vous, pourquoi ne pas désengorger le système judiciaire et favoriser la bonne entente avec le locateur ? Eh bien, si la saine négociation avec son locateur est plus que souhaitable, il est toutefois illusoire de penser que le locataire se trouve dans une situation de pouvoir à son avantage : dans notre conjoncture locative, un propriétaire peut très facilement trouver un autre locataire qui accepte la hausse. Cette dernière n’en demeure pas moins abusive.

Enfin, la ministre Duranceau, de son propre aveu, ignore comment renforcer le respect de la clause G et avance que les locataires font une « fixation » sur la cession de bail. Pour ma part, je suis d’avis que les locataires font une « fixation » sur un mécanisme légitime, reconnu par la jurisprudence (ex. : Grégorio c. Bédard) et permettant un véritable contrôle des loyers. Peut-on en dire autant de la clause G ?

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