La mort de l’acteur Matthew Perry, qui jouait le rôle de Chandler dans la mythique série Friends, a suscité une pluie d’hommages de Hollywood au Canada. L’ampleur des réactions témoigne de l’attachement indéfectible du public à la comédie de situation (sitcom) qui suivait un groupe de jeunes professionnels colocataires à Manhattan, et dont le modèle a inspiré des productions d’ici.
Rappelons que l’acteur américano-canadien de 54 ans a été retrouvé inconscient par son assistant, samedi, dans son jacuzzi à son domicile de Los Angeles. Le décès a ensuite été confirmé par la police. Un enquêteur a déclaré que la cause de la mort ne serait probablement pas déterminée avant un certain temps, mais qu’il n’y avait aucune indication d’un acte criminel.
« Le décès de Matthew Perry est triste et bouleversant. Je n’oublierai jamais nos jeux dans la cour d’école, et je sais que les gens du monde entier n’oublieront pas la joie que tu leur as apportée », a réagi Justin Trudeau sur X. Les deux hommes ont fréquenté la même école primaire d’Ottawa, et Perry était le fils de Suzanne Langford, qui fut l’attachée de presse de Pierre Elliott Trudeau.
Le décès de Matthew Perry est triste et bouleversant. Je n’oublierai jamais nos jeux dans la cour d’école, et je sais que les gens du monde entier n’oublieront pas la joie que tu leur as apportée. Merci pour tous les rires, Matthew. Tu étais aimé, et tu seras regretté.
— Justin Trudeau (@JustinTrudeau) October 29, 2023
Maggie Wheeler, l’excentrique Janice dans Friends, a été l’une des premières à partager son désarroi sur Instagram : « Quelle perte. Tu manqueras au monde, Matthew Perry. La joie que tu as apportée durant ta trop courte vie perdurera. Je me sens si chanceuse d’avoir pu partager tous ces moments avec toi ». Des dizaines d’autres anciens collègues lui ont ensuite emboîté le pas.
« Une série qui a fait date »
Pierre Barrette, spécialiste des études télévisuelles et professeur à l’UQAM, n’est pas surpris que la mort de l’acteur engendre de telles réactions. « Friends est une série qui a fait date. C’est impossible d’étudier la télévision sans se pencher sur son héritage. »
« Friends incarne le zeitgeist des années 1990, observe M. Barrette. Ça correspond à une époque de transition dans la culture américaine, où la famille nucléaire devient la famille d’adoption. Les personnages représentent le fantasme d’une véritable famille constituée d’amis proches, qui s’aiment et qui restent ensemble. La série a touché des millions de personnes partout dans le monde. »
Le personnage de Matthew Perry, Chandler Bing, reconnu pour son humour sarcastique, est le colocataire de Joey (Matt Leblanc) et meilleur ami de Ross (David Schwimmer). Chandler et Joey vivent dans un appartement en face de celui de leur amie Monica (Courteney Cox) — qui est aussi la soeur de Ross — et de Rachel (Jennifer Aniston), où habitait autrefois leur amie Phoebe (Lisa Kudrow). La série raconte leurs amours, ainsi que leurs succès et leurs échecs professionnels, au fil des dix saisons.
Friends a connu un succès planétaire et a fait « des profits mirobolants », souligne le professeur Barrette, grâce à son modèle unique de « syndication ». Cela consiste à vendre les droits de diffusion de la série à plusieurs diffuseurs à la fois, à la manière d’une agence de presse. La série a notamment été diffusée sur Netflix, et est maintenant offerte sur Crave.
« C’est l’une des séries les plus payantes de l’histoire de la télévision américaine, explique M. Barrette. Les acteurs gagnent encore plusieurs millions de dollars par année en redevances. » L’épisode final de la série a d’ailleurs été regardé par plus de 52 millions de téléspectateurs aux États-Unis, faisant de lui l’épisode le plus regardé des années 2000, selon le Chicago Tribune.
« Des émules au Québec »
« Il y a certainement eu des émules de la série au Québec, ajoute le professeur. Plusieurs Québécois avaient accès aux chaînes américaines qui diffusaient la série. Ils ont eu un rapport d’influence plus immédiat avec elle que les Français, par exemple, qui regardaient des versions doublées en décalage. »
Le professeur cite notamment La vie, la vie et Tout sur moi, deux séries d’ici qui ont connu un fort succès et qui représentaient le quotidien d’amis, de jeunes professionnels montréalais.
Le genre de la comédie de situation a aussi marqué l’histoire de la télévision québécoise, et ce, dès les années 1960 et 70 avec Quelle famille !, puis dans les années 1990 avec La petite vie. « Les Québécois se retrouvent dans l’exagération et la comédie qu’on associe au genre. Aujourd’hui, Les beaux malaises reprend tout à fait les codes de la sitcom américaine comme Friends. »
Selon M. Barrette, à notre époque « nostalgique des années 1990 », et en « contexte postpandémique où les jeunes sont avides de contacts sociaux », Friends a « tout pour renouveler son public, ici comme ailleurs. »