Les chansons des Cowboys Fringants et la voix de leur chanteur, Karl Tremblay, ont résonné bien au-delà de l’Atlantique. L’authenticité et la sincérité palpable des membres du groupe et la qualité « universelle » de leurs ballades ont gagné le coeur de leurs admirateurs de la francophonie hors Québec, qui sont, eux aussi, en deuil.
« Plus qu’un groupe de musique : des amis, des accompagnants de vie », résume Nicolas Majcher, un Français de 37 ans qui vit à Aumetz.
Le décès du chanteur a été rapporté par de nombreux médias étrangers dont France Info, Le Monde, le média belge Le Soir et le quotidien suisse Le Temps, dans des pays où le groupe s’est régulièrement produit, y compris dans des salles mythiques comme l’Olympia de Paris.
« “L’Amérique pleure” et la France aussi… Les Cowboys Fringants servaient la francophonie de chaque côté de l’Atlantique en musique, avec talent et enthousiasme. RIP Karl Tremblay », est-il écrit sur le compte officiel du Consulat général de France à Québec.
“L’Amérique pleure” et la France aussi … Les Cowboys fringants servaient la francophonie de chaque côté de l’Atlantique en musique avec talent et enthousiasme RIP Karl Tremblay #Cowboysfringants https://t.co/leRCFsYpvK
— La France à Québec ???????? ???????? (@FranceQC) November 15, 2023
Même si les chansons du groupe réchauffent le coeur des Québécois en leur rappelant des lieux qui leur sont chers, elles n’y sont pas limitées et abordent des thèmes qui touchent tout le monde, estime Auberi Maitrot-Mathieu, directrice de la radio RCF Vendée, en France, pour expliquer la popularité outre-mer du groupe de Repentigny. Le côté « réconfortant des chansons », qui lui rappelle ses années d’études au Québec, a été la bande sonore de sa vie.
La journaliste de 36 ans donne la chanson Banlieue en exemple. « On aurait pu perdre un copain comme ça. On n’a pas gagné de “games” de hockey, mais on a gagné des “games” de foot », dit-elle, expliquant le caractère « universel » de leurs chansons.
La formation folk rock s’est aussi produite en Europe dans de grands festivals internationaux, comme le Paléo Festival Nyon en Suisse. Son fondateur et président, Daniel Rossellat, les a invités à plus d’une reprise. En 2019, ils ont offert leur prestation devant 40 000 festivaliers.
« On a une affection particulière pour les Cowboys », a-t-il confié au téléphone depuis l’Europe : ils partagent les valeurs du festival, montrant un grand respect pour leur public et un « engagement sociétal pour la communauté, pour l’avenir ».
« Il n’y a pas beaucoup de groupes qui ont un succès pareil en France », a-t-il souligné, en observateur de la scène musicale européenne.
Selon lui, l’un des ingrédients du succès du groupe est leur « générosité non feinte » sur scène : cela touchait les gens et créait une connivence. Chaque année, il est demandé aux 5500 bénévoles du festival quel a été leur concert préféré, dit-il, et Les Cowboys Fringants ont remporté la première position.
L’énergie du quatuor sur scène est notée dans la presse européenne. Encore l’an dernier, Le Parisien rapportait que les Cowboys avaient « électrisé » l’Accor Arena (ex-Paris-Bercy) devant 10 000 spectateurs « enthousiastes ».
« On a l’impression que les Cowboys parlent à chacune des personnes qui les écoutent. J’aime leur humour, leur énergie, et cette nostalgie tellement universelle : enfance envolée, amour déçu, la mort qui nous touche », a témoigné Sébastien Lehours, un Français de 42 ans qui vit à Angers.
Le « parler québécois » n’a jamais été une barrière, assure Nicolas Majcher. « Pour la plupart, on a découvert la langue qui est une sorte de “vrai français” pour nous. Des mots qu’on peut penser désuets, mais qui résonnaient à merveille dans nos oreilles. On a même redécouvert grâce aux Cowboys Fringants des mots qui sont propres à notre culture. »
Pour la plupart, on a découvert la langue qui est une sorte de “vrai français” pour nous. Des mots qu’on peut penser désuets, mais qui résonnaient à merveille dans nos oreilles.
Chanter en français, « pour nous, en Suisse romande — à côté d’une majorité germanophone — c’est quelque chose d’important » , note M. Rossellat.
Xavier Lizin, un Belge de Liège, a eu le coup de foudre en 2003 en écoutant Toune d’automne.
« Écouter les Cowboys m’a ouvert à d’autres artistes québécois, comme les Colocs, Les Trois Accords, Fred Pellerin ou Pierre Lapointe, pour ne citer qu’eux. Mais, pour moi, ce qui différencie les Cowboys des autres, c’est leur côté “raconteurs de nos vies”. Quel que soit notre état d’esprit à un moment X, on trouve une de leurs chansons qui y correspond. »
En France, le groupe a « une vraie communauté de fans qui les suit partout et leur fait salle comble […] tant l’énergie, la sincérité du groupe est forte et n’a pas d’équivalent ici », a confié Nicolas Majcher.
Sur le groupe Facebook Les Cousins Fringants, des admirateurs français exprimaient leur choc devant la nouvelle du décès de Karl Tremblay. « J’ai le coeur en miettes », fait savoir Sébastien Leroy, journaliste en France à La Voix du Nord.
Des membres de ce groupe exprimaient le besoin de se retrouver le soir même, « pour se sentir moins seuls avec cette tristesse », écrit Julie Feist. À Lyon, certains proposaient jeudi de se rendre au restaurant et bar à jeux Tire-toi une bûche. Au Quebecium bistro bar à Paris, les convives prenaient un verre jeudi soir en regardant des concerts passés et promettaient déjà de se rassembler à nouveau vendredi.