Le projet d’usine de fabrication et de recyclage de batteries pour véhicules électriques de BASF à Bécancour, prévu pour 2025, prend l’eau. Le groupe chimique allemand cherche désormais dans toute l’Amérique du Nord pour trouver « le meilleur endroit » où lancer son projet.
« Je dirais que je suis beaucoup moins optimiste aujourd’hui. Beaucoup, beaucoup moins optimiste que je l’étais lors de l’annonce [en mars 2022] », a affirmé au Devoir le député caquiste de Nicolet-Bécancour, Donald Martel.
BASF a réservé un terrain d’un million et demi de mètres carrés dans le parc industriel de Bécancour pour son projet d’usine. « C’est pour ça que j’ai hâte qu’ils se décident : parce que c’est un terrain qui peut avoir de l’attrait pour d’autres, a fait valoir M. Martel en entrevue. Il y a des conditions gagnantes dans le parc industriel de Bécancour et ça suscite beaucoup d’intérêt de beaucoup d’entreprises », a-t-il ajouté.
Selon les informations que le député Martel a obtenues, BASF aurait échoué à trouver un partenaire automobile pour lancer son projet. L’entreprise allemande refuse de confirmer cette information. Dans une réponse succincte, la porte-parole, Marlena Mista a écrit au Devoir que « BASF continue d’évaluer quel serait le meilleur endroit en Amérique du Nord pour créer un pôle pour les matériaux actifs pour cathode et le recyclage de batteries ».
Mme Mista n’a pas non plus répondu à une question au sujet de la mise en service de l’usine, prévue en 2025. « BASF s’est engagée à soutenir les producteurs nord-américains dans leur transition vers la mobilité électrique et à accroître leur présence dans la production de matériaux pour les batteries », a-t-elle simplement écrit.
« Bien implantée » ?
Le projet de BASF à Bécancour devait mener à la production de 100 000 tonnes de matériaux de cathodes de batteries par an. Dans un communiqué publié en mai dernier, le gouvernement du Québec avait inscrit BASF dans sa liste des « entreprises déjà bien implantées » dans la « zone d’innovation de la Vallée de la transition énergétique », déployée entre Bécancour, Trois-Rivières et Shawinigan.
Cinq mois plus tard, après la publication d’un court texte de Radio-Canada faisant état des difficultés du projet, le ministre Fitzgibbon a déclaré à La Presse canadienne que le projet de BASF était « pour l’instant, sur la glace ». Il a ajouté ne pas être « tourmenté » par cette nouvelle. « Au chapitre des cathodes, je suis très satisfait de ce qu’on a », a-t-il déclaré. Après BASF, General Motors (GM) et Ford ont tous deux annoncé avoir formé des consortiums avec des fabricants coréens de batteries dans le but de lancer des usines de matériaux actifs de cathode.
À ce jour, « le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie et Investissement Québec [IQ] n’ont accordé aucune aide financière à cette entreprise », a confirmé lundi le ministère. En date de septembre, le gouvernement et IQ avaient financé 12 projets liés à la filière batterie, à la hauteur de 15,3 milliards de dollars. BASF n’en faisait pas partie.
Sollicitée pour cet article, la Société du parc industriel et portuaire de Bécancour (SPIBB) s’est dite incapable de commenter le projet en raison du contrat qui la lie à BASF. « Il n’appartient pas à la SPIPB de faire état de l’avancement des projets de ses locataires », a déclaré Carolyne Bouffard, adjointe aux services administratifs.
Un « partenaire clé » ?
Interrogé par Le Devoir, le cabinet du ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, a de son côté choisi d’évoquer un « investissement potentiel », encore au stade d’étude. Le géant allemand demeure en contact avec le gouvernement, a fait savoir le bureau de M. Champagne, qui dit « continue[r] à construire un écosystème solide pour les véhicules électriques avec de nombreux acteurs de l’industrie ». Le fédéral n’a pas du tout investi dans l’aventure avec BASF, a confirmé la directrice des communications du ministre, Laurie Bouchard.
La conclusion d’un accord entre la SPIBB et BASF a été annoncée en mars 2022. À l’époque, le ministre Champagne avait écrit sur le réseau social X que BASF devenait un « partenaire clé dans l’écosystème des batteries au Canada ».
.@BASF_Catalysts sera un partenaire clé dans l’écosystème des ???? au ???????? et alimenteront des VEs dans toute l’Amérique du Nord.
Avec leurs talents et compétences, les travailleurs ???????? seront des chefs de file pour notre transformation verte.
C’est un premier pas, bcp + à venir!
— François-Philippe Champagne (FPC) ???????? (@FP_Champagne) March 4, 2022
Le ministre Pierre Fitzgibbon s’était aussi félicité de cet « ambitieux projet qui va marquer l’économie du Québec pour les prochaines décennies ».
Filière batterie ????
Avec l’arrivée d’un joueur comme @BASF_Catalysts, c’est un nouveau chapitre vers une filière qui va transformer éventuellement nos minéraux jusqu’à la batterie. C’est un ambitieux projet qui va marquer l’économie du Québec pour les prochaines décennies. https://t.co/QwgYave8nm
— Pierre Fitzgibbon (@MinFitzgibbon) March 4, 2022
En entrevue au Journal de Montréal et au 98,5, l’élu avait parlé d’un projet « qui pourrait dépasser le milliard » de dollars. Au quotidien, M. Fitzgibbon avait dit que Québec avait l’intention de mettre de l’argent dans le projet, sans préciser de montant. À l’époque, le gouvernement avait notamment avancé 38 millions au parc industriel et portuaire de Bécancour afin qu’il prépare le terrain pour le développement de la filière batterie.
Avec Marco Bélair-Cirino