L’autorisation du projet Northvolt était-elle «déraisonnable»?

Le Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE) estime que la décision du gouvernement Legault d’autoriser la destruction de milieux humides et l’abattage d’arbres sur le site de Northvolt était « déraisonnable », alors que les avocats qui représentent Québec et l’entreprise suédoise ont fait front commun mercredi pour affirmer que celle-ci a été prise « dans l’intérêt public ».

« On attaque une décision qui bénéficie d’une présomption de validité », a fait valoir mercredi Me Stéphanie Garon, qui représentait le bureau du Procureur général du Québec lors de l’audience portant sur la demande d’injonction temporaire présentée par le CQDE pour faire stopper les travaux sur le site de la future usine.

Dans le cadre d’une présentation de près de deux heures, Me Garon a répété à quelques reprises que le juge David R. Collier, de la Cour supérieure, devait considérer que la décision d’autoriser Northvolt à raser des milieux naturels a été prise « dans l’intérêt public » par le gouvernement Legault. « La décision n’était pas déraisonnable », a-t-elle soutenu, en ajoutant que selon le gouvernement, le projet Northvolt représente un « intérêt économique important pour le Québec en entier ». 

Me Nathalie-Anne Béliveau, du cabinet Fasken Martineau, qui représente Northvolt, a abondé dans le même sens. Cette usine de composants de batteries de voitures, qui sera construite sur un site abritant une riche biodiversité, des espèces menacées et des dizaines de milieux humides, est un projet « à vocation environnementale », a-t-elle fait valoir. « Ma cliente s’inscrit dans l’intérêt public. »

Me Garon a par ailleurs affirmé que l’autorisation octroyée ne constitue pas un « chèque en blanc » à l’entreprise financée et soutenue par le gouvernement caquiste. Elle a notamment rappelé que Northvolt a dû verser une compensation financière de 4,75 millions de dollars pour avoir le droit de détruire 130 000 m2 de milieux humides, mais aussi que l’entreprise devra présenter un plan de compensation pour la perte de milieux naturels. Northvolt a trois ans pour proposer un site ailleurs au Québec au ministère et pour obtenir son approbation.

Elle a répété à plusieurs reprises que les avis fauniques rédigés avant d’autoriser le projet démontrent une « analyse rigoureuse » de la part du gouvernement. Le Devoir a demandé copie de ces avis au ministère de l’Environnement du Québec mercredi. Le ministère a refusé de nous les transmettre, en nous invitant à faire une demande en vertu de la Loi d’accès à l’information. Un tel processus peut prendre plusieurs semaines.

Les données officielles font état de la présence de 21 espèces menacées ou vulnérables, mais aussi de 142 espèces d’oiseaux. La destruction de l’habitat de nidification des oiseaux migrateurs doit être complétée d’ici le 15 avril en vertu de la réglementation fédérale.

« Déraisonnable »

L’avocate Jessica Leblanc, qui représentait le CQDE, a pour sa part fait valoir que la décision du gouvernement est « déraisonnable », et que « la destruction des milieux humides est une question sérieuse » au regard des engagements en matière de protection de la biodiversité. 

Elle a notamment soutenu que le gouvernement n’avait pas en main toutes les informations nécessaires afin de prendre la décision d’autoriser Northvolt à aller de l’avant. Aucune étude d’impact n’a été réalisée. Me Leblanc a aussi rappelé que l’entreprise aura trois ans pour soumettre un plan de compensation des milieux naturels, alors que ceux-ci seront détruits dans les prochaines semaines.

Dans sa demande d’injonction provisoire, le CQDE insiste sur le fait que le gouvernement Legault a refusé l’an dernier la réalisation d’un projet immobilier sur le même site. Les experts du ministère de l’Environnement du Québec avaient alors justifié leur décision en insistant sur la richesse de la biodiversité du terrain, le caractère essentiel des milieux naturels pour la région et l’« impressionnante diversité » de la faune sur le site.

Dans sa décision de refus, datée de mars 2023, le gouvernement indiquait du même souffle que la diversité d’étangs et de marais « fournit une variété d’habitats pour les espèces vivantes, ce qui permet le maintien de la biodiversité dans un contexte où les milieux naturels sont rares et où les pratiques agricoles et le développement urbain homogénéisent le paysage ».

Le CQDE déplore ainsi « qu’il semble y avoir deux poids, deux mesures ». Selon Marc Bishai, avocat au CQDE, l’analyse qui a mené au refus du projet résidentiel l’an dernier est toujours valable cette année. L’organisme était représenté par deux avocats, face aux six avocats représentant Northvolt, le gouvernement du Québec et la Ville de Saint-Basile-le-Grand. Le juge pourrait rendre sa décision jeudi.

Dès l’annonce du projet d’usine, en septembre 2023, le gouvernement Legault a rejeté l’idée de soumettre Northvolt à la procédure d’évaluation environnementale régulièrement utilisée pour les projets industriels de grande ampleur au Québec. Il faut dire que le gouvernement a modifié l’an dernier la réglementation qui aurait soumis automatiquement le projet à cette procédure. Les changements sont entrés en vigueur le 20 juillet 2023 ; le projet a été annoncé le 28 septembre.

Action en justice de Kahnawake contre Québec et Ottawa

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