Inauguré le mois dernier, le Bureau du Québec à Tel-Aviv était dans les cartons depuis six ans, indiquent des documents obtenus par Le Devoir. Les tensions politiques qui bouleversent Israël n’ont pas pour autant découragé le gouvernement de François Legault d’aller de l’avant.
Selon des informations obtenues à l’aide de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, l’ouverture d’un bureau dans la métropole israélienne, un premier pour le Québec au Moyen-Orient, était « à l’étude depuis 2017 » au ministère des Relations internationales et de la Francophonie (MRIF). Son lancement a été officialisé au début du mois dernier par la ministre Martine Biron.
Dans un des documents qu’a pu consulter Le Devoir, la Direction Afrique et Moyen-Orient du MRIF s’explique sur le moment de l’inauguration en affirmant que « la mise en place du projet a été reportée à quelques reprises » et que « la situation sociopolitique en Israël peut toujours changer brusquement en raison des réalités propres à cette région ». Depuis cet été, en Israël, les contestations populaires se succèdent en réponse à l’adoption d’une réforme judiciaire controversée par le gouvernement de Benjamin Nétanyahou.
La note du MRIF, intitulée « Réponses suggérées sur la création du Bureau du Québec à Tel-Aviv », ne précise pas toutes les raisons de ce report ; une partie des explications est caviardée.
Des échanges de courriels au sein du MRIF remontant à 2022 — eux aussi obtenus par demande d’accès à l’information — permettent de comprendre que le Québec a d’abord dû s’entendre avec le gouvernement fédéral pour s’installer dans les locaux de l’ambassade du Canada à Tel-Aviv. Si bien que la date de l’annonce officielle n’a été fixée qu’à la fin du mois de juillet de cette année.
Conflit israélo-palestinien
Malgré l’ouverture de ce bureau, Québec maintient sa position de neutralité dans le conflit israélo-palestinien. « Le gouvernement du Québec reste fidèle à sa position d’équilibre à l’égard du conflit […]. Il prône la place primordiale de la négociation et de l’accompagnement de la communauté internationale pour aboutir à un règlement durable du conflit, dans le respect du droit international », peut-on lire dans un des documents obtenus par Le Devoir.
Ouvrir un bureau du Québec en Israël, alors qu’il est dirigé par une coalition d’extrême droite contestée par la population est immoral.
Au début du mois dernier, la députée et candidate au poste de co-porte-parole de Québec solidaire Ruba Ghazal avait vertement critiqué la décision d’inaugurer le Bureau du Québec à Tel-Aviv, la deuxième ville en importance en Israël.
« Ouvrir un bureau du Québec en Israël, alors qu’il est dirigé par une coalition d’extrême droite contestée par la population est immoral. Et pas un mot de [Martine Biron] sur les Palestiniens. Je suis choquée ! Ce n’est pas digne du Québec », avait écrit l’élue d’origine palestinienne sur le réseau social X (anciennement Twitter).
Ouvrir un bureau du Québec en Israël, alors qu’il est dirigé par une coalition d’extrême droite contestée par la population est immoral. Et pas un mot de @M_Biron sur les Palestiniens. Je suis choquée ! Ce n’est pas digne du Québec. #polqc https://t.co/yElE0Ogi23
— Ruba Ghazal (@RubaGhazalQS) August 4, 2023
Le MRIF assure que le représentant du Québec à Tel-Aviv sera « aussi appelé à développer des collaborations avec des institutions palestiniennes ». L’ouverture d’un nouveau bureau au Moyen-Orient, « l’une des rares régions stratégiques où [le Québec n’a] pas de représentation », aura des avantages sur les plans économique, scientifique, universitaire et culturel, se justifie-t-il. Et Israël est le 3e partenaire commercial du Québec dans le secteur.
« Israël est un centre de recherche et développement pour de nombreuses multinationales, ce qui pourrait représenter pour le Québec [une occasion] de s’insérer dans la chaîne de valeur mondiale dans le secteur des technologies de l’information et des sciences de la vie », écrit-on.
La contestation populaire qui a suivi la réforme Nétanyahou cet été ne fait pas broncher le MRIF. « Malgré un contexte politique et sécuritaire fluctuant, Israël demeure la démocratie la plus forte dans la région. Son système politique parlementaire ainsi que sa société civile sont solides », peut-on lire dans les notes obtenues par Le Devoir.
La présence d’un bureau en Israël porte à 35 le nombre de représentations du Québec à l’étranger.