Le comité qui surveille l’UPAC recommande sa propre abolition

Dans son bilan quinquennal déposé mardi à l’Assemblée nationale, le Comité de surveillance des activités de l’Unité permanente anticorruption (UPAC) recommande… Sa propre abolition.

Dans un rapport daté du mois de juin, le président du Comité, Claude Corbo, conclut à la nécessité d’instaurer « un mécanisme de surveillance externe, indépendant et désintéressé, des trois corps de police nationaux » du Québec, à savoir l’UPAC, le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) et la Sûreté du Québec (SQ).

Faute d’un tel mécanisme, le Comité exige sa propre suppression. « Les trois corps de police nationaux bénéficieraient d’une forme de supervision civile indépendante. Et si ce n’est pas une solution qui apparaît appropriée aux responsables politiques, alors ça ne vaut plus la peine de surveiller un seul corps de police », a résumé M. Corbo en entrevue au Devoir.

Il a précisé qu’il ne présumait pas que la recommandation allait être rejetée par le gouvernement Legault. Le ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, « va se faire une tête », a déclaré M. Corbo.

De l’avis du comité qu’il a présidé, surveiller plus particulièrement l’UPAC revient à « stigmatiser » ce service policier. Le comité « ne peut accepter » que le Commissaire à la lutte à la corruption et l’UPAC « soient perçus comme souffrant de déficiences telles qu’ils requièrent un comité de surveillance alors que la SQ et le BEI seraient à ce point parfaits qu’ils n’ont pas besoin d’un mécanisme de surveillance civile indépendant », est-il écrit dans le rapport.

Le Comité de surveillance de l’UPAC recommande donc que l’Assemblée nationale légifère afin de constituer le « Comité de surveillance des corps policiers nationaux du Québec ». Celui-ci pourrait notamment « examiner l’administration des enquêtes effectuées par les corps de police nationaux » ou « les enjeux relatifs à la gestion du personnel ». Le comité serait composé de sept membres nommés par l’Assemblée nationale, avec des mandats de cinq et sept ans (respectivement pour les membres et pour le président) et renouvelables une seule fois.

« Moi, je peux attester qu’ayant été nommé par l’Assemblée nationale et n’ayant de comptes à rendre qu’à l’Assemblée nationale, et ayant chacun d’entre nous des mandats non renouvelables, ça nous procurait une forme de liberté, d’indépendance, d’autonomie, qui nous a permis de fouiller le plus profondément possible dans les affaires [de l’UPAC] », a déclaré M. Corbo.

Manque de surveillance

Le rapport qu’il a déposé à l’intention du ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, fait état de lacunes dans la surveillance des activités policières au Québec.

« Le BEI, il n’a pas d’autre [surveillance] que celle du ministre. La SQ, en principe c’est le ministre, mais dans le rapport, nous avons identifié des limites à la capacité d’un ministre de surveiller la SQ », a résumé M. Corbo. Parmi ces freins, le Comité nomme les « impératifs de nature politique » : « un ministre appartient à un gouvernement ; cela limite sa liberté de décision », est-il écrit.

Le rapport identifie aussi « les limites importantes » des mécanismes actuels de surveillances des corps policiers. Le Commissaire et le Comité de déontologie policière, comme le BEI, « traitent essentiellement et a posteriori de comportements individuels fautifs », sans nécessairement examiner les facteurs de prévention de tels comportements, y relève-t-on.

Le Comité de surveillance rappelle d’ailleurs que le comité consultatif sur la réalité policière a souligné que « de toutes les provinces canadiennes, c’est au Québec qu’on accorde le moins de place aux citoyens dans les structures de gouvernance policière ». De l’avis de ce même comité d’experts, « il ne fait aucun doute que le regard citoyen sur les activités policières doit être accru ».

Autre preuve de l’importance d’une surveillance externe : M. Corbo indique que 59 des 65 recommandations formulées par le Comité de surveillance des activités de l’UPAC ont été réalisées ou sont en voie de l’être. Son comité juge donc « légitime » de conclure que « l’existence d’un tel mécanisme de surveillance civile indépendante s’est révélée bénéfique autant pour l’institution ainsi surveillée et son corps de police que pour la société québécoise en général ».

À voir en vidéo

You May Also Like

More From Author