Le défi de la paix

Le moment choisi par le Hamas pour libérer la barbarie sur Israël ne manque pas de symbolique. Le 7 octobre, des milliers de missiles ont obscurci le ciel du pays. Par air, terre et mer, des combattants palestiniens ont pris d’assaut les villes avoisinantes de la bande de Gaza. Les Israéliens ont été tués à bout portant, kidnappés par centaines, telles une mère et ses deux fillettes de 3 ans et 5 ans, telle une survivante de l’Holocauste en fauteuil roulant. C’est un échec total de l’appareil de surveillance et de renseignement israélien.

À un jour près, c’était le 50e anniversaire de la guerre du Kippour, un moment charnière de l’histoire du conflit au Moyen-Orient, au cours duquel Israël a repoussé les forces militaires des pays arabes qui en appelaient à son annihilation. Le Hamas, un groupe terroriste né en 1987, prêche encore et toujours dans le sens de l’extermination, tout comme l’Iran et le Hezbollah libanais, ses alliés objectifs. Le groupe islamiste règne d’une main de fer sur la bande de Gaza, un territoire de 360 km2 (l’équivalent de la Ville de Montréal), où s’entassent plus de deux millions de Palestiniens.

À Montréal et ailleurs dans le monde, les citoyens qui ont manifesté durant le week-end pour la Palestine libre devraient avoir honte. Ils ont salué un acte terroriste de la part d’un groupe dont la finalité est l’instauration d’une république islamique en lieu et place de l’État démocratique d’Israël. C’est le détournement le plus pervers et le plus violent que l’on puisse faire de la solution à deux États sur laquelle étaient basés les accords d’Oslo, en 1993. Aussi improbable soit-elle devant la montée inexorable de l’extrémisme dans les deux camps, la solution à deux États reste encore la meilleure garantie de paix au Moyen-Orient.

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À partir de 2007, Israël a voulu contenir le Hamas en imposant un blocus sévère, avec l’appui de l’Égypte, pour empêcher son approvisionnement en armes et limiter les attentats-suicides en sol israélien. En privant les Gazaouis de commodités de base et de perspectives, Israël a donné de l’oxygène au Hamas. Les provocations des colons juifs, qui s’incrustent effrontément dans les territoires palestiniens, de même que la radicalisation du gouvernement de coalition du premier ministre israélien, Benjamin Nétanyahou, qui a fait son lit avec des partis orthodoxes d’extrême droite, achèvent ce sinistre portrait.

Ce gouvernement outrancier, rejeté par des millions d’Israéliens en raison des menaces qu’il fait peser sur la primauté du droit et des institutions démocratiques, est à risque de rallier la population de Gaza derrière le Hamas en bombardant la région sans discernement.

Nous en sommes là, trois jours après la pire attaque en sol israélien depuis un demi-siècle. La bande de Gaza subit les bombardements aériens et un siège complet empêchant la livraison d’eau, de nourriture, d’électricité et de carburant. Le conflit a fait plus de 800 morts et 2400 blessés parmi les Israéliens, et 560 morts et 2900 blessés du côté palestinien. Le Moyen-Orient sera de nouveau pris en otage par ses extrêmes.

Le premier ministre Nétanyahou a prononcé l’état de guerre, évoquant un conflit « long et difficile ». Il est déjà jugé sévèrement par le quotidien de gauche Ha’Aretz. En mettant sur pied « un gouvernement d’annexion et de dépossession », en nommant des suprémacistes d’extrême droite à des postes clés et en adoptant une politique étrangère qui nie l’existence et les droits des Palestiniens, il porte la responsabilité première de cette guerre, juge Ha’Aretz.

Les États-Unis en tête, les pays occidentaux ont exprimé leur soutien indéfectible à Israël et à son droit de défendre l’intégrité de son territoire contre les attaques terroristes. Cet appui légitime ne dispense pas l’État juif de mener une riposte mesurée, permettant de contenir le Hamas sans embraser la région. Un État démocratique ne peut répliquer à l’assassinat de civils, de femmes et d’enfants par la même méthode impitoyable sans y perdre sa crédibilité et fragiliser ses appuis internationaux.

Le Hamas a justifié son attaque sournoise par la détérioration de la cohabitation sur l’esplanade des Mosquées, à Jérusalem, le troisième lieu saint en importance pour les musulmans. Depuis peu, les autorités israéliennes permettent aux Juifs de prier aux abords de la mosquée Al-Aqsa, érigée sur les ruines du temple de Jérusalem. Le mont du Temple est le premier lieu saint du judaïsme.

L’enchevêtrement du symbolisme religieux dans un espace aussi restreint a toujours envenimé le conflit israélo-palestinien. Cette fois, il faut aussi considérer dans l’équation le rapprochement entre l’Arabie saoudite et Israël. Face à un ennemi commun, l’Iran, ils envisagent sérieusement la normalisation de leurs relations, dans la foulée des accords d’Abraham.

Ainsi, l’attaque du Hamas pourrait témoigner de sa perte d’influence parmi les pays arabes plutôt que de sa montée en puissance. Contenir l’abîme terroriste sans compromettre les perspectives de paix, tel est le défi du gouvernement Nétanyahou. C’est un défi qu’il ne pourra relever en restant prisonnier de son extrême droite.

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