Le devoir de rassembler de Bochra Manaï

Travailleuse de l’ombre aux qualités indéniables, Bochra Manaï a plus de mal avec la lumière. La commissaire à la lutte contre le racisme et les discriminations systémiques de la Ville de Montréal semble incapable de prendre la mesure de la trahison ressentie par la communauté juive devant l’expression publique de ses profondes sympathies propalestiniennes. Ce faisant, elle offre une interprétation tordue de son devoir de réserve.

Les faiseurs de paix sont taillés dans une étoffe rare. Ils doivent pouvoir gérer des relations conflictuelles et émotionnelles en mettant leur ego de côté. Qu’on les retrouve à l’occasion sur le terrain, antennes et coeur ouverts, comme ici, n’est pas étonnant, c’est même essentiel. 

Dans sa lettre à fleur de peau, Bochra Manaï se pose « comme citoyenne et comme humaine » qui ne croit qu’« en la paix et la justice ». Le « devoir d’humanité » dans lequel la commissaire se drape pour justifier ses prises de position récentes n’est pas incompatible avec la neutralité de son devoir de réserve. Il revêt même une certaine noblesse : là où la justice tranche dans le vif, les commissaires comme Mme Manaï s’activent à dresser des ponts et à tisser le tissu social sur le terrain.

Le hic, c’est que, de ce devoir d’humanité, Bochra Manaï a fait, par ses choix unilatéraux, un exercice de conviction intime. Alors que tout le monde la cherchait pour apaiser les esprits échauffés, la commissaire a pris fait et cause pour la communauté palestinienne sur les réseaux sociaux et dans les rues sans jamais piper mot sur la flambée d’antisémitisme à Montréal ni reconnaître publiquement la souffrance de la communauté juive. Elle a oublié sa mission de rassembler.

On n’attend pas d’une commissaire la même chose que d’une citoyenne. Ce poste, même s’il n’est pas public, vient avec un devoir de réserve bien balisé. C’est même lui qui, en partie, donne à Mme Manaï les coudées franches pour agir en profondeur. La paix se tricote et se maintient au prix d’un travail continu d’ouverture à l’autre. Tous les autres.

Transformé en élan unidimensionnel, son devoir d’humanité s’est effondré comme un château de cartes. On sait gré à Valérie Plante d’avoir renvoyé Mme Manaï à la rencontre de toutes les communautés touchées par le conflit, ce qu’elle s’est engagée à faire. C’est loin d’être gagné. Il y a bien plus qu’un « lien de confiance à renforcer » entre les Montréalais et leur commissaire, comme l’a indiqué la Ville dans un euphémisme.

Dans l’esprit de plusieurs Montréalais, la communauté juive en particulier, ce lien n’est pas qu’amoindri, il est brisé. La moindre des choses serait d’en prendre acte. En janvier 2021, Mme Manaï était entrée en poste dans la tourmente d’amalgames malheureux entre la loi 21 et le racisme des Québécois. Sans disqualifier Mme Manaï, son refus de s’amender ou de temporiser ses dires avait rehaussé son « défi d’un cran », écrivions-nous alors.

Il a fallu du temps pour que la confiance s’installe entre les Montréalais et leur commissaire. Ce nouvel épisode nous ramène à la case départ. Le lien de confiance sera dur à rapiécer. Ce n’est pas impossible.

Il faudra des trésors d’accueil, d’écoute et d’abnégation, trois qualités qui ont fait défaut à Mme Manaï dans ce dossier. La Ville devra suivre à la trace ses démarches afin de s’assurer qu’elle retrouve vite la légitimité et l’autorité morale nécessaires pour occuper sa fonction et rassembler les Montréalais. Faute de quoi, il faudra conclure que ce poste n’est peut-être plus taillé pour elle.

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