Le gouvernement Nétanyahou devra-t-il enrôler les juifs ultraorthodoxes dans l’armée d’Israël?

Le gouvernement israélien est engagé jeudi dans une course contre la montre pour trouver un compromis et répondre à la Cour suprême sur la conscription des ultraorthodoxes, un dossier épineux pour la coalition du premier ministre Benjamin Nétanyahou.

La Cour suprême, saisie de plusieurs appels exigeant une conscription immédiate des ultraorthodoxes, afin de respecter les lois sur l’égalité entre les citoyens, avait donné jusqu’à mercredi au gouvernement pour formuler une proposition détaillée de projet de loi.

En Israël, le service militaire est obligatoire, mais les juifs ultraorthodoxes (« haredim » en hébreu) peuvent échapper à la conscription s’ils consacrent leur temps à étudier les textes sacrés du judaïsme, une exemption instaurée à la création de l’État d’Israël en 1948 et qui n’a jamais été changée depuis.

Compte tenu de la sensibilité de cette question qui a rouvert une fracture profonde dans le pays, la coalition gouvernementale dirigée par M. Nétanyahou n’est pas parvenue à un accord en raison de l’opposition des partis ultraorthodoxes qui ne veulent pas entendre parler de conscription.

La demande du gouvernement de bénéficier de quelques heures supplémentaires, jusqu’à 12 h GMT jeudi, pour remettre sa réponse à la Cour suprême, semble indiquer que les différentes parties cherchent à trouver un compromis.

La procureure générale Gali Baharav-Miara, dont le rôle est de conseiller le gouvernement sur les questions juridiques et de le représenter devant les juridictions judiciaires, a jeté un pavé dans la mare mercredi soir en annonçant que le gouvernement aurait l’obligation de procéder à la conscription des ultraorthodoxes à partir du 1er avril en raison d’un vide juridique.

Au moment où Israël est en guerre contre le mouvement islamiste palestinien Hamas à Gaza depuis bientôt six mois, cette exemption est de plus en plus critiquée au sein de la société, dont une partie estime que les juifs ultraorthodoxes devraient comme les autres apporter leur contribution à la sécurité du pays et faire leur service militaire.

La coalition gouvernementale de M. Nétanyahou repose largement sur l’alliance avec les deux grands partis ultraorthodoxes, Shass et Judaïsme unifié de la Torah, farouchement opposés à la conscription des haredim. Leur défection ferait tomber la coalition.

Défi d’un ministre

En mai 2023, le gouvernement a voté pour les écoles talmudiques (yeshivot) un budget sans précédent de près d’un milliard d’euros (1,47 milliard de dollars canadiens).

Ces derniers avaient soutenu le projet controversé de réforme judiciaire de Benjamin Nétanyahou en échange de son soutien à un projet de loi qui devait être discuté au Parlement avant la guerre sur la poursuite du report de la conscription pour les ultraorthodoxes.

Mais fin février, le ministre de la Défense, Yoav Gallant, avait défié son premier ministre en annonçant une réforme du service militaire visant à inclure les haredim, et exigé que l’ensemble du gouvernement la soutienne.

Le service militaire (32 mois pour les hommes et deux ans pour les femmes) est obligatoire pour les jeunes israéliens mais la quasi-totalité des ultraorthodoxes y échappe, grâce à un accord offrant aux jeunes hommes étudiant à plein temps dans des écoles talmudiques de reporter chaque année leur service militaire. Les jeunes femmes religieuses en sont elles automatiquement exemptées.

Depuis l’invalidation par la Cour suprême israélienne en 2012 de la loi Tal, permettant la tenue de cet accord, les exonérations se sont poursuivies, régies par des accords entre les gouvernements successifs et les partis ultraorthodoxes.

Les ultraorthodoxes représentent environ 14 % de la population juive d’Israël, selon l’Institut israélien pour la démocratie (IDI), soit près de 1,3 million de personnes.

Environ 66 000 hommes ultraorthodoxes en âge de servir bénéficient de ce report, selon un chiffre de l’armée.

En 1948, ce report permettait à une élite de 400 jeunes de préserver le monde des études des textes sacrés en grande partie décimé pendant la Shoah.

La plupart des haredim réclament le maintien de cette exemption pour tous les étudiants, jugeant l’armée incompatible avec leurs valeurs.

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