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Tout indique que le gouvernement Trudeau n’empêchera pas Northvolt de détruire l’habitat d’espèces en péril pour construire sa méga-usine, et ce, même si ces espèces sont protégées par une loi fédérale. La raison : il s’agit d’un terrain privé.
Le site, actuellement en friche et comportant des milieux humides, sert aussi d’habitat à plusieurs espèces vulnérables ou menacées. En tout, 13 espèces inscrites sur la liste fédérale des espèces en péril — et donc protégées par la Loi sur les espèces en péril (LEP) — y ont été recensées.
C’est le cas notamment de la tortue-molle à épines et de la petite chauve-souris brune, deux espèces « en voie de disparition », soit le statut le plus critique de la législation. Or, la présence de ces espèces sur le site, et donc d’habitats propices à contribuer à leur survie, ne suffit pas pour obliger le gouvernement à les protéger.
En vertu de la LEP, il est « interdit » de tuer ou de capturer un individu d’une espèce classée comme étant « menacée » ou en voie de disparition. Il est aussi interdit de lui « nuire » ou de « détruire la résidence », par exemple le nid. Mais ces interdictions s’appliquent automatiquement uniquement « sur les terres fédérales », précise Environnement et Changement climatique Canada (ECCC) dans une réponse écrite aux questions du Devoir.
Le directeur général de la Société pour la nature et les parcs, Alain Branchaud, confirme la situation qui prévaut sur les terres privées. « Dans l’état actuel des choses, il n’y a pas d’interdiction explicite de détruire leur habitat qui est en vigueur », souligne-t-il. Le biologiste ajoute que dans le cas du gouvernement du Québec, le règlement qui permet de protéger leurs habitats, soit le Règlement sur les habitats fauniques, « ne s’applique même pas sur les terres privées ».
L’entreprise Northvolt dit avoir fait un « inventaire complet » des espèces menacées qui se trouvent sur le site de sa future usine. Mais elle a refusé de transmettre au Devoir les rapports qui auraient été rédigés. L’entreprise dit aussi qu’elle « travaille » déjà avec Québec « afin de relocaliser, ou recréer et aménager des aires protégées afin d’assurer la viabilité de ces espèces ». Il est cependant « trop tôt pour partager les détails de cette démarche ».
Nidification
Le site de la future usine est également utilisé ou fréquenté par au moins 142 espèces d’oiseaux. De ce nombre, au moins six sont considérées comme étant menacées, en vertu de la LEP. Certaines nichent ou nicheraient sur le site, qui comporte certaines des dernières zones boisées de la région.
Dans ce contexte, les promoteurs du projet industriel devront respecter les dispositions de la LEP, mais aussi de la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs. Cette dernière interdit formellement « de nuire aux oiseaux migrateurs et de déranger ou de détruire leurs nids ou leurs oeufs, et ce, partout au Canada ».
Cela signifie que les travaux de coupes d’arbres et de préparation du site en vue de la construction de l’usine ne doivent pas aller à l’encontre de ces dispositions. Toutefois, « un promoteur peut tout raser sans être ennuyé lorsque la nidification est terminée », précise Alain Branchaud. L’habitat qui était jusqu’ici utilisé par ces espèces d’oiseaux pourra donc être détruit, mais une fois que les oisillons auront quitté le nid, ou alors avant que la nidification débute au printemps.
Rejets d’eaux usées
Par ailleurs, ECCC et Pêches et Océans Canada confirment, dans des réponses écrites à nos questions, que Northvolt pourra rejeter dans la rivière Richelieu des eaux utilisées dans le cadre des procédés industriels de l’usine de composantes de batteries.
L’entreprise « n’a pas à obtenir d’autorisations » en vertu des dispositions « relatives à la prévention de la pollution » de la Loi sur les pêches, mais elle doit respecter des dispositions de cette législation. Il est ainsi interdit de « rejeter une substance nocive » dans des eaux où vivent des poissons, comme la rivière Richelieu.
Quel sera le volume d’eau utilisé par Northvolt ? Avec quels contaminants cette eau pourrait-elle être en contact ? « Il est pour l’instant, et à ce stade-ci du projet, impossible de fournir ces données précises. Northvolt s’est déjà engagée à respecter les réglementations environnementales en vigueur », répond l’entreprise, par courriel. « Moins de 10 % de l’eau utilisée le sera dans le procédé de fabrication. Cette eau sera traitée sur place et majoritairement réutilisée en circuit fermé », explique par ailleurs la multinationale.
Cet enjeu de la gestion des eaux de l’usine, qui sera construite en amont de prises d’eau potable, aurait été traité dans le cadre d’une étude d’impact du projet. Mais pour le moment, tout indique que le projet échappera à la procédure d’évaluation prévue au Québec pour les gros projets industriels et qui comprendrait la réalisation d’une étude des impacts environnementaux.