Le livre de Catherine Dorion éveille des dissensions chez Québec solidaire

Le livre de Catherine Dorion sur son passage-éclair en politique remue la controverse au sein de Québec solidaire (QS). Dans les hautes sphères du parti, on se contente de rappeler que « c’était connu qu’elle était malheureuse » avant de quitter.

Mme Dorion, ex-députée de Taschereau, a officiellement fait paraître le livre Les Têtes brûlées : carnets d’espoir punk, lundi. L’ouvrage de près de 400 pages recense plusieurs moments de sa carrière politique, durant laquelle elle aurait été visée par des « pressions émotives et [des] tractations de pouvoir » de la part des co-porte-parole de QS. Au premier chef, Gabriel Nadeau-Dubois.

Sur plusieurs pages, l’artiste devenue députée s’interroge sur les manières de faire de « GND » à la tête du parti. Elle raconte s’être fait reprocher à plusieurs reprises par l’exécutif du parti la place qu’elle prenait dans les médias. « Comme on dit au théâtre : j’upstage. Ça ne se fait pas », décrit-elle.

Ni M. Nadeau-Dubois ni la co-porte-parole sortante Manon Massé ne se sont rendus disponibles pour commenter le coup de gueule de leur ancienne collègue, lundi. Les quelques élus et ex-élus solidaires que Le Devoir a contactés, non plus. « On va attendre. Le livre vient à peine de sortir en librairie », a indiqué l’attachée de presse de QS Simone Lirette.

Employée de l’aile parlementaire depuis plusieurs années, Mme Lirette s’est tout de même permis un court commentaire. « C’était connu qu’elle était malheureuse avec les contraintes liées au travail de député, surtout à l’Assemblée nationale », a-t-elle écrit. « On respecte qu’elle ait préféré quitter et on la remercie d’avoir amené sa couleur et sa passion pendant 4 ans. »

« Grande tristesse »

L’employé solidaire Louis-Philippe Boulianne s’est montré beaucoup moins tendre, dimanche soir, à l’égard de celle qui l’avait embauché en 2018. Dans un texte-fleuve publié sur les réseaux sociaux, celui qui travaille aujourd’hui à l’aile parlementaire du parti reproche à l’ex-élue d’avoir fait mal au mouvement solidaire.

« J’ai eu l’opportunité de lire le livre de Catherine Dorion. Je ressors de cette lecture avec une grande tristesse », souligne-t-il.

Sur plusieurs paragraphes, M. Boulianne critique les « élans artistiques » dont Mme Dorion a fait preuve au cours des quatre années de son mandat. « Catherine était par exemple résolument décidée à participer à un projet de vidéo dont le scénario consistait à la voir détruire un mannequin représentant Justin Trudeau à coups de pelle. Gabriel et Manon avaient […] dû intervenir pour la convaincre » d’abandonner l’idée, raconte-t-il.

M. Boulianne affirme sortir de sa lecture avec une déception « amère » envers l’ex-députée. « Après 5 ans, je suis enfin prêt à le dire : Catherine n’a pas tiré notre mouvement vers le haut. Au contraire, elle s’est appuyée sur les épaules de notre parti pour se hisser elle-même plus haut », affirme-t-il.

La directrice des communications de Québec solidaire, Stéphanie Guévremont, assure que le texte de M. Boulianne est une initiative purement personnelle. Interrogée sur les écrits de son ancien employé, Mme Dorion a rétorqué que plusieurs des propos rapportés sont « inexacts ou erronés ».

La publication de M. Boulianne a eu l’effet d’un petit tremblement de terre au sein de la base militante du parti. Dans les commentaires, l’ex-conseiller en communications de l’aile parlementaire de QS Marc-Olivier Gingras affirme partager « beaucoup de [ses] impressions et déceptions ». « Dommage pour la gauche, dommage pour QS, et ultimement, dommage pour le Québec, tout ceci », écrit-il.

Une autre ancienne employée de Mme Dorion, Catherine Desjardins, remet plutôt en doute les affirmations que véhicule M. Boulianne. « Il m’apparaît que tu regardes la situation à travers le prisme d’une personne qui travaille au parlement. C’est compréhensible, c’est ce que tu es, mais tu n’es pas sans savoir que la politique, ce n’est pas simplement ce qu’il se passe en haut de la côte », lance-t-elle.

Congrès dans deux semaines

 

En entrevue avec Le Devoir, lundi, la militante solidaire dans Taschereau Andrée-Anne Tremblay s’est dite déçue du traitement réservé aux propos de Mme Dorion dès la publication de son livre. « Je pense que Catherine nomme des choses qui sont présentes. Moi, je suis une fervente défenderesse de la vérité et je pense que son vécu est tout à fait valide », a-t-elle dit.

Mme Tremblay, qui détient toujours sa carte de membre dans la circonscription que représentait auparavant Catherine Dorion, invite ses homologues militants à ne pas s’entredéchirer. « C’est correct d’entendre les deux côtés. Je pense qu’il faut juste faire attention de ne pas commencer à tomber dans le blâme, puis à créer une séparation : les gens qui sont pro-Catherine et les gens qui sont pro-Gabriel », a-t-elle ajouté.

« Ce n’est pas ça. Tout le monde est pro-Québec solidaire. »

QS tiendra son prochain congrès des membres dans deux semaines, à Gatineau. La prochaine co-porte-parole femme du parti doit y être choisie. Gabriel Nadeau-Dubois, lui, est l’unique candidat de sa formation à titre de porte-parole homme.

Malgré sa députation record, QS n’amasse que 15 % des intentions de vote dans le dernier sondage Léger, soit deux points de pourcentage de moins qu’au dernier coup de sonde de la firme québécoise.

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