Le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, ne s’attend plus à voir le géant chimique BASF s’installer à Bécancour. Il espère même que l’entreprise allemande renonce à son projet dans la filière batterie québécoise.
« J’espère qu’ils ne viendront pas, parce qu’on n’a plus de place. On a 15 milliards d’investissement », a-t-il lancé mardi.
Le ministre a ensuite sommé le géant chimique de clarifier ses intentions. « Qu’ils se prononcent, qu’ils disent oui ou non », a-t-il demandé. Il réagissait à un texte du Devoir qui faisait état de la baisse d’intérêt de BASF pour le parc industriel de Bécancour. L’entreprise devait y ouvrir en 2025 une usine de fabrication et de recyclage de batteries pour véhicules électriques.
« Je pense qu’ils vont dire non parce que de toute évidence, les cathodes, il faut faire attention de ne pas en avoir partout. Donc je pense qu’ils ont compris que probablement, ils n’avaient pas de clients », a poursuivi le ministre. Il a par le fait même confirmé les informations voulant que BASF ait échoué à trouver un partenaire du milieu automobile pour faire décoller son projet.
Après l’annonce du projet de BASF à Bécancour, les constructeurs automobiles General Motors (GM) et Ford ont tout deux indiqué avoir formé des consortiums avec des fabricants de matériaux actifs de cathode (GM avec Posco Future M. ; Ford avec EcoProBM et le cellulier SK On). « Il faut comprendre : EcoPro, Ford font les cathodes pour leur propre approvisionnement. Donc BASF, s’ils voulaient vendre à GM ou à Ford, eh bien, il n’y a plus de clients », a illustré le ministre.
« C’est normal ce qui se passe », a poursuivi M. Fitzgibbon. « Ce qu’on a vu, c’est que la chaîne de la chaîne de la batterie s’intègre complètement. »
« On va faire autre chose »
L’installation de BASF à Bécancour avait été présentée en mars 2022 comme un « projet ambitieux » pour le Québec par le ministre Fitzgibbon. Le ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, avait de son côté qualifié BASF de « partenaire clé dans l’écosystème des batteries au Canada ».
Filière batterie ????
Avec l’arrivée d’un joueur comme @BASF_Catalysts, c’est un nouveau chapitre vers une filière qui va transformer éventuellement nos minéraux jusqu’à la batterie. C’est un ambitieux projet qui va marquer l’économie du Québec pour les prochaines décennies. https://t.co/QwgYave8nm
— Pierre Fitzgibbon (@MinFitzgibbon) March 4, 2022
Encore en mai, le gouvernement du Québec avait inscrit BASF dans sa liste des « entreprises déjà bien implantées » dans la « zone d’innovation de la Vallée de la transition énergétique », déployée entre Bécancour, Trois-Rivières et Shawinigan. Quelques mois plus tard, le ministre assure pouvoir se passer de BASF.
« Bécancour, c’est le plus grand succès de l’histoire du Québec. Le monde qui me dit qu’on n’a pas BASF : ce n’est pas grave. On n’a jamais vu de projet comme ça au Québec. Jamais », a insisté M. Fitzgibbon. Si l’entreprise allemande tourne le dos au Québec, « on va faire autre chose », a-t-il assuré. Le terrain réservé pour BASF à Bécancour (pour une période de temps qui n’a pas été confirmée publiquement) est convoité par d’autres, a laissé entendre le ministre.
« Moi, j’ai d’autres projets plus pertinents », a-t-il dit. « [Pour] les cathodes, je pense qu’on est correct. Mais dans la chaîne de la batterie, il y a plusieurs composantes : sulfate, nickel, cobalt. On a toutes sortes d’autres produits, des séparateurs. Il y a peut-être autre chose qui va complémenter », a ajouté l’élu. Le projet qui pourra se suppléer à celui de BASF n’en sera donc pas un de fabrication de matériaux actifs de cathode, ni de recyclage, mais bien un projet destiné à autre chose « relié aux batteries ».