Le point sur la liberté d’expression et les discours haineux

Depuis l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre dernier, les discours et les actes antisémites ou islamophobes se sont multipliés rapidement dans l’espace public. Ce conflit suscite des polarisations et des radicalisations qui ont pour effet de porter atteinte à la liberté de débattre librement et en toute sécurité, notamment sur les campus universitaires. Leurs effets atteignent autant les membres des groupes ciblés par les conflits que toute la société.

Le 8 novembre, une bagarre entre manifestants des deux camps dégénère à l’Université Concordia. Entre le 7 et le 9 novembre, une synagogue est vandalisée et deux écoles de confession juive sont visées par des coups de feu. Une de ces écoles a de nouveau été la cible de coups de feu dans la nuit du 11 au 12 novembre. Le 9 novembre, le recteur et des professeurs de l’UQAM sont accusés d’être « sionistes » dans des tracts racistes et menaçants. Le même jour, une enquête policière s’ouvre pour déterminer si l’Imam Charkaoui a incité publiquement à la haine dans un discours antisioniste prononcé lors d’une manifestation récente.

Il a été maintes fois souligné que l’on peut critiquer et condamner à la fois les interventions du Hamas et du gouvernement israélien, sans cibler ou accuser les populations civiles juives ou palestiniennes, qui subissent des décisions auxquelles elles ne souscrivent pas forcément. Or, plusieurs font des amalgames entre juifs et sionistes d’un côté, musulmans, Arabes, Palestiniens et Hamas de l’autre.

Construire une population en ennemie, l’essentialiser et la diaboliser pour renverser ou justifier un pouvoir, c’est le propre du racisme, qui, dans ses formes les plus extrêmes, mène à la guerre, à la déshumanisation de l’autre, à son extermination et au génocide. Différents « paliers » du racisme ont été franchis, non seulement à Gaza, mais aussi dans les discours et les gestes haineux, antisémites ou islamophobes, commis au Québec et au Canada dans les derniers jours.

Si la liberté d’expression se rapporte au droit de manifester et d’exprimer des idées et des opinions, cette liberté a des limites, balisées par le droit et les principes démocratiques. Tous les citoyens et toutes les citoyennes doivent disposer de cette liberté dans le respect des lois, des droits d’autrui et de l’ordre public.

Au Canada, la liberté d’expression est protégée par les chartes des droits, mais pas lorsque le caractère violent du propos est reconnu, lorsque la garantie d’égalité est violée ou menacée et lorsque les effets sur l’ordre public sont réels et sont préjudiciables pour un groupe identifiable. Les articles 318 et 319 (1) et (2) du Code criminel considèrent trois infractions comme étant criminelles : encourager publiquement un génocide, inciter publiquement à la haine et fomenter volontairement la haine envers un « groupe identifiable » c’est-à-dire qui se différencie (art. 318 (4)), « par la couleur, la race, la religion, l’origine nationale ou ethnique, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité ou l’expression de genre ou la déficience mentale ou physique ».

L’intention du locuteur est obligatoire en droit criminel, qui ne condamne que ceux qui appréhendent réellement les risques que comportent leurs propos ou qui veulent réellement provoquer la haine ou constatent que tel sera l’effet « certain ou quasi certain » de leurs paroles.

Dans la jurisprudence en droit de la personne, l’interdiction de l’expression haineuse se justifie moins sur l’intention d’inciter à la haine ou à la discrimination que sur l’effet du préjudice entraîné par la haine sur un groupe identifiable. L’arrêt Whatcott stipule que les tribunaux « doivent axer l’analyse sur les effets des propos en cause, à savoir s’ils sont susceptibles d’exposer la personne ou le groupe ciblé à la haine d’autres personnes […] compte tenu des objectifs législatifs visant à réduire ou à éliminer la discrimination ». Dans un contexte de guerre et de fortes polarisations sociales, la fragilité sociale d’un groupe ciblé ou « identifiable » peut être un facteur contextuel laissant appréhender un effet préjudiciable.

Si les guerres transforment l’autre en ennemi, l’espace démocratique repose sur le droit, le dialogue et la négociation avec des adversaires. La liberté d’expression comme valeur démocratique dépend de la capacité donnée à tous et à toutes de participer aux délibérations publiques sans violence, sans diabolisation, dénigrement ou intimidation. Ce n’est pas en reproduisant les logiques du racisme que l’on combat le racisme et que l’on défend la démocratie, la liberté d’expression et la paix.

À voir en vidéo

You May Also Like

More From Author

Unl Fre How Tik It Fir Sta How Unl Tik Upd Fre Fre Nba Soc Gem It Imm Bre Get Imv 8Ba Unl Got How Sta How How Get Min Fre Get How Get How Mon It Nba How Coi Dom Fet Eff The 8 B Unl 202 Rec 2K2 Fre It Gol Fre 10 Get Dis Nba Sta How Get It How Jac Nba Get Web Fre Fre Unl It 300 Get Ele It Fre Are How Wha It Get Is Dow Fre Eff It Dis Get Tak Liv Mon Bes Unl Dow Fre Use How Exp Pdf Top Liv Unl Fre 11 Fre How Mas How It Dis How Dom Imv How Unl Mas Sta 202 Dre Get Ach The New Roy How Fre Unl New Unl Dre (Wo It Gta How Unl The Get How Cp Zer Xbo Wan Dls How Sec Enh Get Mas Imv Web How Dls How How Onl How Get How