Le rectorat a-t-il pris toutes les mesures nécessaires pour mettre fin au harcèlement scolaire qui a conduit au suicide de Nicolas à Poissy ? Le ministre de l’Education nationale a promis d’étudier la situation et de tirer des conclusions, “y compris des sanctions” en conséquence.
Un courrier “honteux” et des manquements qui appellent à des sanctions ? Le ministre de l’Education nationale, Gabriel Attal, a promis de faire la lumière sur la situation qui a conduit au suicide de Nicolas, le lycéen qui s’est donné la mort à Poissy le 5 septembre 2023, au lendemain de la rentrée. Les enquêtes judiciaire et administrative en cours ont déjà prouvé que l’adolescent de 15 ans était victime d’harcèlement scolaire et que les violences verbales et physiques qu’il subissait avaient été remontées à la direction du lycée professionnel de Poissy dans lequel l’adolescent étudiait.
Alors l’établissement scolaire et le rectorat en ont-ils fait assez pour protéger Nicolas du harcèlement scolaire ? Les parents du lycéen assurent que non. “Il est incompréhensible que vous puissiez laisser un adolescent subir une telle violence verbale et psychologique dans votre établissement sans réagir d’une quelque manière”, dénonçaient-ils dans une lettre adressée à la direction du lycée Adrienne-Bolland de Poissy et rendue publique par BFMTV. Ils prévenaient encore qu’ils considèreraient le lycée “comme responsable si une catastrophe devait arriver à [leur] fils”. Des accusations dont s’est défendue l’équipe pédagogique.
Une “phase de résolution” et un “harcèlement supposé”
Accusé de ne pas répondre au harcèlement scolaire qui visait Nicolas, l’établissement scolaire a répondu aux parents du lycéen dans un courrier envoyé fin avril indiquant qu'”aucun fait de classe significatif en lien avec Nicolas, n’a été remonté par l’équipe pédagogique depuis le 10 mars” et que le corps enseignant pouvait de fait “considérer que la situation était en phase de résolution”. Cette situation expliquait, selon la direction, la non mise en place des mesures annoncées lors de précédents rendez-vous avec les parents de Nicolas.
Mais le rectorat de Versailles est allé plus loin en menaçant les parents du lycéen de “dénonciations calomnieuses” sur un “harcèlement supposé”. Un courrier “honteux” qui montre la grande “défaillance sur le type de réponse adressée à des parents”, a jugé la Première ministre, Elisabeth Borne.
Une responsabilité du lycée dans le suicide de Nicolas ?
Les enquêtes en cours sur le suicide de Nicolas doivent déterminer si le harcèlement scolaire est le seul facteur qui a poussé le lycéen a se donner la mort et, en conséquence, identifier les responsables. Les élèves harceleurs encourraient alors une peine de 10 ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende, sanction prévu par l’article 222-33-2-3 du Code pénal lorsque le harcèlement a conduit la victime à se suicider.
Mais se pose la question de la responsabilité de l’établissement scolaire, voire du rectorat, qui a reconnu ne pas avoir pris des mesures pour mettre fin au harcèlement. Lequel n’était plus caractérisé selon la direction. Cette absence de réponse peut-être comprise comme un “comportement imprudent ou négligent” et donc un manquement à l’obligation de sécurité que doit l’établissement scolaire à l’égard de ses élèves. Les établissements scolaires sont notamment tenus par le Code de l’éducation à respecter l’article L. 111-6 qui dispose qu'”aucun élève ou étudiant ne doit subir de faits de harcèlement résultant de propos ou comportements, commis au sein de l’établissement d’enseignement ou en marge de la vie scolaire ou universitaire”.
Les enseignants qui auraient assisté au harcèlement de Nicolas sans intervenir comme la direction de l’établissement qui n’aurait pas pris les mesures nécessaires, ou encore le rectorat qui aurait minimisé les faits de harcèlement pourraient donc être en partie responsables selon l’article 121-3 du Code pénal : “Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.”
Des sanctions possibles ?
Si la responsabilité pénale de l’établissement scolaire dans lequel Nicolas était inscrit semble pouvoir être engagée, quelles sanctions seraient appliquées ? L’article 223-7 du Code pénal dispose que “quiconque s’abstient volontairement de prendre ou de provoquer les mesures permettant, sans risque pour lui ou pour les tiers, de combattre un sinistre de nature à créer un danger pour la sécurité des personnes est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende”. Si l’établissement a volontairement renoncé à mettre en place les mesures anti harcèlement, comme indiqué dans le courrier du proviseur du lycée, cet article pourrait être invoqué.
Par ailleurs, le ministre de l’Education nationale qui a promis de tirer la situation au clair a également annoncé le 16 septembre tirer “toutes les conclusions, y compris en matière de sanctions” d’ici à “15 jours”. L’échéance est donc fixé au 1er octobre 2023.