Le titre «mix», une hérésie linguistique?

Depuis le 30 août dernier, une lettre produite par une école primaire du Québec suscite la controverse. La direction y explique qu’une personne non binaire qui enseignera dans l’établissement demande d’être appelée Mix Martine, plutôt que Monsieur ou Madame Martine.

Après que les médias sociaux se sont enflammés, le ministre de l’Éducation a demandé que l’on réfléchisse collectivement sur la question : comment les élèves devraient-ils s’adresser à des adultes non binaires en contexte scolaire ? Sans prétendre offrir une réponse définitive, qu’on me permette de proposer quelques faits et opinions, à titre de linguiste qui a étudié le lexique queer.

Signalons d’abord que le nom commun « mix » n’est pas tout à fait inédit. Vraisemblablement emprunté à l’anglais américain, cet emploi est attesté en français du Québec depuis une dizaine d’années. Il a été relevé à Montréal dès 2013.

De manière plus marginale, on retrouve aussi l’équivalent « muniel », attesté à Sherbrooke depuis 2016 comme équivalent neutre de « madame » et « monsieur ». Ce nom est issu d’une variante du déterminant « mon, ma », auquel a été greffé le pronom « iel ». Moins implanté dans l’usage, « muniel » comporte l’avantage, selon ses promoteurs, d’éviter l’introduction d’un énième anglicisme dans la langue de Miron. De plus, ce néologisme permet d’éviter les tristes quolibets que suscite parfois la forme « mix » (qui évoquerait, dit-on, l’idée de « mélange confus »).

L’existence des mots « mix » et « muniel » relève d’un simple constat, qui ne saurait être assimilé à une position idéologique. Devrait-on pour autant reconnaître ces néologismes comme des emplois socialement valides ? Pour répondre à cette question, l’angle sociolinguistique est éclairant : il porte à se demander ce que l’accueil ou le rejet social d’un mot identitaire peut symboliser pour une personne intimement concernée, et à se demander ce que la réaction privilégiée dit sur la communauté linguistique qui se prononce.

À titre personnel, j’estime que si les valeurs d’accueil, d’inclusion et de diversité sont bel et bien au coeur de l’identité québécoise, cela devrait se refléter dans nos réponses collectives et organisationnelles envers quelques néologismes certes inhabituels au premier abord. Cultiver une ouverture plus décontractée envers la variation linguistique nous aiderait à pacifier bien des débats du genre, en plus de favoriser la vitalité de notre langue.

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