Le tramway de Québec affronte toujours un vent de face auprès de la population de la capitale. Un sondage présenté vendredi par la Ville indique que 60 % des gens s’opposent au plus important chantier de l’histoire de Québec, principalement dans les arrondissements périphériques où le tramway ne circulera pas.
Parmi les 1005 répondants sondés par Léger, 44 % affirment avoir une très mauvaise opinion du tramway. C’est davantage que l’ensemble des opinions favorables, qui s’élève à 40 %. Il s’agit d’une diminution de 2 points de pourcentage par rapport à l’appui exprimé lors d’un précédent coup de sonde commandé par la Ville en octobre 2022.
« C’est un projet qui souffre de plusieurs aléas de l’actualité, a indiqué le maire Bruno Marchand. Élections, paquet d’événements, contexte inflationniste… Évidemment que ça influence l’opinion des gens. »
Léger a sondé la population entre le 29 septembre et le 10 octobre. Au cours de cette période, la CAQ a subi une cuisante défaite dans Jean-Talon, ressuscitée le troisième lien et promis une vaste consultation, encore nébuleuse, sur la « mobilité dans la grande région de Québec » .
Depuis, l’appui du gouvernement envers le tramway semble timide, au moment où les plus importantes soumissions du projet doivent atterrir au bureau de projet le 2 novembre. Vendredi, le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a ainsi résumé la position du caucus caquiste.
« Je vais être un peu plate, mais la réponse que nous donnons, a indiqué le ministre responsable de Chaudière-Appalaches, c’est qu’on attend les chiffres de la Ville de Québec. »
La désaffection des banlieues
Dans les arrondissements où serpenterait le parcours, une très courte majorité de répondants appuie le projet. À peine 51 % des gens dans la Cité-Limoilou disent avoir une opinion favorable envers le tramway, une proportion qui grimpe à 55 % dans Sainte-Foy-Sillery-Cap-Rouge, où se trouve, notamment, la population étudiante de l’Université Laval.
Le désamour envers le tramway persiste en périphérie du centre-ville. À Beauport, à peine 31 % des gens en ont une bonne opinion. Dans la Haute-Saint-Charles et l’arrondissement Les Rivières, l’appui s’avère famélique : à peine 29 % de soutien dans les deux cas.
« C’est normal que dans des quartiers où le tramway ne passe pas, ça ne soit pas le projet qu’on veuille favoriser parce qu’on n’y voit pas les avantages pour soi, a souligné le maire. Ce que je vous dis, c’est qu’ils n’ont pas tort : à leur place, je pourrais penser pareil. À nous de travailler pour présenter une vision globale de solution de mobilité pour tous. »
Devant un premier dépassement de coût qui avait fait grimper la facture du tramway de 3,3 milliards à 3,9 milliards de dollars, le gouvernement avait pris sous son aile la desserte des banlieues. La CAQ promettait, dans cette vision énoncée au printemps 2021, d’investir plus de 840 millions de dollars pour construire 100 km de voies réservées entre le centre-ville et les périphéries.
Cette promesse, depuis, a largement sombré dans l’oubli. Aucun chantier n’a poussé pour concrétiser le Réseau express de la Capitale, qui devait inclure le tunnel entre Québec et Lévis, le tramway et cette desserte des banlieues. Le seul élément du tableau qui prend forme, présentement, est l’élargissement de deux boulevards centraux à Lévis.
« Nous avons tous une part de responsabilité, a affirmé le maire Marchand lorsqu’interrogé par un journaliste de Radio-Canada à ce sujet. Je prends la mienne, je pense qu’ils prennent la leur. »
L’élu de Québec continue toutefois de croire à la réalisation de cette promesse. « Je sens cette volonté du gouvernement, a-t-il indiqué, de desservir l’ensemble du territoire de la ville. »
Pour la mobilité, mais contre le tramway
Le sondage réalisé par Léger comporte, aux yeux de la Ville, un paradoxe.
Au moment où une majorité de la population dit s’opposer au tramway, plus de trois citoyens sur quatre estiment que la capitale doit se développer selon des principes de développement durable et de réduction des gaz à effet de serre.
Dans une proportion de 63 %, les répondants se disent favorables à une densification accrue autour du transport en commun ; 64 % d’entre eux croient que leur ville devrait développer la mobilité active et collective et 67 % de la population sondée croit que les projets de mobilité devraient servir de locomotive dans le développement économique de la capitale.
Le sondage Léger, représentatif de la démographie des arrondissements, comporte une marge d’erreur de plus ou moins 3 %, 19 fois sur 20. Parmi les répondants, 55 % se disent travailleurs, 31 % retraités et 8 % étudiants. Plus de 80 % d’entre eux possèdent au moins une voiture.