L’équipe gagnante du concours visant le monument sur l’Afghanistan dénonce la «tricherie» d’Ottawa

L’équipe gagnante du concours de design visant la création d’un monument commémoratif de la mission du Canada en Afghanistan, qui a vu un autre projet être substitué au sien au terme d’une consultation populaire contestée, s’est présentée mardi à la Chambre des communes pour demander au gouvernement Trudeau de revenir sur sa décision.

Autrement, elle dit craindre que la gestion de ce dossier par Ottawa ne crée un « précédent dangereux ».

L’équipe qui lie l’artiste québécois Luca Fortin, la firme d’architectes montréalaise Daoust Lestage Lizotte Stecker et la juriste Louise Arbour avait remporté un concours de design lancé en 2019 pour la réalisation d’un monument en hommage aux quelque 40 000 militaires canadiens qui ont combattu en Afghanistan entre 2001 et 2014.

Or, le ministère des Anciens Combattants du Canada a préféré remettre ce contrat de trois millions de dollars en juin dernier à l’équipe liant l’artiste Adrian Stimson et le MBTW Group, une firme de Toronto, au terme d’une consultation en ligne dont la validité a notamment été contestée par le sondeur Jean-Marc Léger. Le gouvernement fédéral a alors fait fi des conclusions prises initialement par un jury dans ce dossier.

C’est pourquoi Renée Daoust, l’associée fondatrice de la firme Daoust Lestage, s’est présentée mardi en fin d’après-midi devant le Comité permanent des anciens combattants de la Chambre des communes, composé d’élus fédéraux, pour dénoncer « des processus antidémocratiques et injustes » qui viennent entacher, selon elle, la mémoire des militaires canadiens qui se sont battus pendant des années en Afghanistan. « Le gouvernement associe tous ces acteurs qui se sont mobilisés pour aller défendre et implanter la démocratie en Afghanistan à la pire démarche antidémocratique des concours au Canada », a-t-elle lancé.

Cette dernière a d’ailleurs raconté s’être sentie « lésée et trahie » le 19 juin, lorsqu’Ottawa a dévoilé que le projet de son équipe avait remporté le concours de design, mais serait tout de même écarté. « Pour nous, c’est une injustice totale. On est très préoccupés par la volonté du gouvernement fédéral de discréditer un processus démocratique », a poursuivi Mme Daoust, qui a accusé Ottawa de « tricherie » dans ce dossier. « C’est vraiment désolant. »

« Ingérence politique » ?

En réaction à cette controverse, le Regroupement des artistes en arts visuels a lancé le 6 septembre une pétition en ligne, qui a récolté depuis plus de 1750 signatures, dans laquelle il demande au ministère du Patrimoine de réviser sa décision en respectant les critères définis par le concours de design.

Une demande qu’a réitérée mardi l’équipe à l’origine du projet initialement sélectionné par un jury pour voir le jour en face du Musée canadien de la guerre, non loin de la colline du Parlement.

« Le gouvernement devrait faire amende honorable, respecter ses propres règles du jeu et faire prévaloir le processus démocratique fondamental à l’histoire des concours au Canada », a ainsi fait valoir Renée Daoust, selon qui la manière dont Ottawa a géré ce dossier, en attribuant plus de poids à un sondage en ligne qu’à la décision d’un jury, « crée un dangereux précédent en matière de développement de l’art public et de l’architecture au Canada et de gestion de l’architecture au Canada ».

Ledit sondage devait « accompagner la décision du jury », et non « l’invalider », a poursuivi l’artiste Luca Fortin, dont les propos ont été appuyés ensuite par ceux de l’avocat spécialisé en droit d’auteur François Le Moine, qui a pris part à cette audience. « Le gouvernement, en vertu des règles de ce concours, n’avait tout simplement pas la discrétion d’octroyer ce contrat à une équipe qui n’avait pas été sélectionnée. C’est un jury qui a un pouvoir décisionnel, pas un ministre », a affirmé l’avocat.

Ces propos ont amené le député bloquiste Luc Desilets à dénoncer l’« ingérence politique » du gouvernement Trudeau dans ce dossier, qui risque, selon lui, de nuire à la réputation du Canada à l’international.

Le député a d’ailleurs fait adopter mardi soir une motion devant ce comité dans laquelle il demande à Ottawa de rendre accessible une série de documents concernant le processus de sélection de l’équipe qui aura le mandat de réaliser le monument. Le document demande aussi que le Comité permanent des anciens combattants invite à témoigner sur ce dossier celui qui a été ministre des Anciens Combattants de 2019 à juillet 2023, Lawrence MacAulay (maintenant ministre de l’Agriculture), de même que Pablo Rodriguez, qui a été ministre du Patrimoine canadien jusqu’en juillet dernier, avant d’hériter des Transports.

La motion a reçu l’appui des députés conservateurs membres de ce comité et du député néodémocrate Alexandre Boulerice ; les élus libéraux présents ont voté contre.

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