La Vie pour de vrai, Les Vengeances de Maître Poutifard, L’Île rouge, Les Rascals, Marinette : retour sur 10 gros bides du cinéma français au box-office mi-2023.
Après une chaotique année 2022 pour les salles obscures hexagonales, le cinéma français va mieux. Certes, les raz-de-marée Avatar 2, Super Mario Bros., le Film, et le phénomène Barbenheimer n’y sont pas pour rien, mais fort est de constater que les entrées de cette première partie de 2023 concurrencent celles de l’avant pandémie de Covid-19 (10,1% de tickets vendus en plus en juillet 2023, qu’en 2017-2019, selon le CNC).
Néanmoins, comme chaque année, bon nombre de productions hexagonales se sont tout de même vautrées au box-office. Ecran Large vous propose un petit retour chiffré sur quelques-uns des pires bides francophones de cette première partie de l’année 2023. Quelques précisions avant de commencer : cette liste de films n’est pas exhaustive et un paquet de semi-échecs/presque catastrophes ont été mis de côté pour se concentrer sur les grosses évidences.
Notons, par exemple, le potentiel flop d’Astérix et Obélix : l’Empire du Milieu, ainsi que le vrai succès (ou bide caché ?) des Trois Mousquetaires : D’Artagnan, qui sont tous les deux des cas tellement à part (budgets ahurissants, ambitions internationales) qu’ils méritent d’être traités séparément. De plus, pour ce qui est des budgets de films plus anciens cités dans ce dossier, les chiffres n’ont pas été ajustés à l’inflation.
À la poubelle L’Empire du Milieu
1. Les Rascals
- Budget : 3,5 millions d’euros
- Box-office : 37 000 entrées
Quand l’union ne fait pas toujours la force
Premier long-métrage réalisé par Jimmy Laporal-Trésor, Les Rascals avait fait son petit bruit lors de sa projection dans la section Fenêtre sur le cinéma français du Festival du film américain de Deauville 2022. Hélas, lors de sa sortie nationale, l’engouement autour de l’œuvre s’est avéré beaucoup plus limité. Sorti le 11 janvier dernier, Les Rascals n’a attiré en salles qu’à peine plus de 37 000 spectateurs sur l’ensemble de son exploitation.
Un bien triste cumul qui équivaut à environ 128 000 euros de recettes, soit même pas 4% du budget de production du film. Avec un budget chiffré à plus de 3,5 millions d’euros (selon JP Box-office), le long-métrage mis en scène par Jimmy Laporal-Trésor est donc bel et bien un triste échec. L’une des raisons de cette déception ? Sa fragile distribution avec seulement 137 salles obscures mises à disposition en France la semaine de sa sortie.
Notre critique des Rascals
2. La Grande Magie
- Budget : 6,7 millions d’euros
- Box-office : 100 000 entrées
À la recherche des spectateurs
Six ans après sa dernière réalisation, Noémie Lvovsky est revenue derrière la caméra en 2023 avec La Grande Magie. Comédie dramatique d’époque avec un casting de qualité (Denis Podalydès, Sergi López, Judith Chemla et François Morel), La Grande Magie n’a cependant pas réussi à convaincre au box-office avec à peine plus de 100 000 tickets de cinéma vendus sur l’ensemble de son exploitation.
Dans la carrière en dent de scie de Noémie Lvovsky, le box-office de La Grande Magie se situe donc plus du côté de La Vie ne me fait pas peur (108 000 entrées en 1999) et de Demain et tous les autres jours (36 000 entrées en 2017), que de Camille redouble (871 000 entrées en 2012) et Les Sentiments (1,2 million d’entrées en 2003). Notons que le septième long-métrage de la réalisatrice a coûté dans les 6,7 millions d’euros (selon scriptoclap), un chiffre dans la moyenne de ses budgets de production habituels.
La semaine de sa sortie, La Grande Magie a été diffusé sur 184 écrans de cinéma en France, soit presque le même nombre que Faut que ça danse ! en 2007 (186 salles, mais 293 000 entrées sur l’ensemble de son exploitation), mais moins que Camille redouble (350 en première semaine, 535 à son pic de diffusion) et que Les Sentiments (234 en première semaine, 308 à son pic d’exploitation).
3. En plein feu
- Budget : 5 millions d’euros
- Box-office : 32 000 entrées
Après 5ème Set, sorti en 2021, Quentin Reynaud retrouve Alex Lutz dans En plein feu, un thriller écologique où un père et son fils se retrouvent pris au piège dans un feu de forêt dans les Landes. Entre la copieuse utilisation d’effets spéciaux numériques, un tournage entre studio et décors naturels, et un duo de comédiens prestigieux (Alex Lutz et André Dussollier), on imagine assez facilement comment ce film franco-belge, entre autres produit par Studiocanal, a dû débourser dans les 5 millions d’euros de budget pour être réalisé (selon Afcinéma).
Hélas, cet investissement est loin d’avoir été rentabilisé par la sortie en salles du film puisqu’avec 199 copies diffusées en France dès sa première semaine d’exploitation, En plein feu n’a attiré que 32 000 spectateurs dans les salles obscures sur l’ensemble de son parcours. Le film réalisé par Quentin Reynaud a donc récolté dans les 115 000 euros de recettes. Un score encore plus décevant que 5ème Set, qui avait fait vendre 52 000 tickets de cinéma, avec un budget assez proche de 4,4 millions d’euros (selon Cine-directors).
Notons que cette année 2023 n’a pas été très tendre avec (le pourtant passionnant) Alex Lutz puisque l’acteur et cinéaste a également joué dans le petit bide La Guerre des Lulus (8,86 millions d’euros de budget, pour 365 000 entrées) et qu’il a réalisé le très beau Une nuit (2,7 millions de budget prévisionnel pour 115 000 entrées), timidement reçu au box-office.
4. Apaches
- Budget : entre 3,5 et 6 millions d’euros, selon les sources
- Box-office : 47 000 entrées
Amoureux de cinéma de genre et de cinéma français que nous sommes à Ecran Large, il n’y a rien qui nous rend plus tristes que l’échec d’un film comme Apaches, réalisé par Romain Quirot.
En effet, si dans la rédaction nous ne sommes pas fans de la dernière proposition du cinéaste derrière le pourtant joli Le Dernier Voyage, force est de constater que la proposition d’un film de gangsters français, d’époque, avec un joli casting (Alice Isaaz, Niels Schneider) et un budget relativement important (3,5 millions d’euros selon Scriptoclap et 6 millions selon Ecran Total) est assez rare et précieuse pour être soulignée.
Et pourtant, Apaches est un bide. Le film n’a accueilli que 47 000 spectateurs dans les salles obscures sur l’ensemble de son exploitation, ne récoltant même pas 200 000 euros de recettes en France. Avec 177 écrans de cinéma disponibles la semaine de sa sortie, le nouveau film réalisé par Romain Quirot n’a donc pas surpassé Le Dernier Voyage, qui avait attiré plus de 89 000 spectateurs.
Une déception d’autant plus forte qu’Apaches n’a pas l’excuse du Dernier Voyage d’être sorti en mai 2021, soit pile à la réouverture des salles de cinéma au lendemain de la pandémie de Covid-19, avec toutes les restrictions et frilosités que cela impliquait.
Notre critique d’Apaches
5. Bonne conduite
- Budget : 7,24 millions d’euros
- Box-office : 122 000 entrées
“Désolé Greg… c’est bien un flop.”
Un an seulement après le touchant et sensible Les Vedettes, Jonathan Barré, Grégoire Ludig et David Marsais sont revenus en 2023 avec Bonne conduite. Et malgré une Laure Calamy incandescente, de réjouissantes références, un sens du rythme implacable et une finesse d’écriture assez remarquable, Bonne conduite n’a pas attiré les spectateurs français dans les salles obscures.
Avec 7,24 millions d’euros de budget (selon Scriptoclap) et 244 écrans disponibles lors de son pic d’exploitation, le film réalisé par Jonathan Barré n’a cumulé qu’à peine plus de 122 000 entrées lors de sa sortie. Ainsi, Bonne conduite n’a amassé qu’environ 817 000 euros de recettes en hexagone, soit plus de 6 millions de moins que son budget de production.
Un score décevant, même comparé aux Vedettes, qui avait dépassé les 351 000 entrées avec un budget de 8,9 millions d’euros, ce qui n’était déjà pas bien glorieux. Ne comparons même pas Bonne conduite et La Folle histoire de Max et Léon, le premier long-métrage du Palmashow ayant dépassé les 1,2 million lors de sa sortie en 2016, et ce avec un budget de plus de 11,5 millions d’euros.
Notre critique de Bonne conduite
6. La Vie pour de vrai
- Budget : entre 23 et 32 millions d’euros (selon les sources)
- Box-office : 802 000 entrées
Rare photo de spectateurs en train de rire devant le film
Après un désastreux détour par Netflix avec 8 Rue de l’Humanité, Dany Boon était de retour sur les grands écrans avec La Vie pour de vrai. Budget de production entre 23 millions (selon Scriptoclap) et 32 millions d’euros (Taxshelter.be), distribution d’ampleur avec plus de 800 copies à son pic d’exploitation et habituelle équipe de choc (Kad Merad devant la caméra, Pathé à la distribution) : le nouveau film réalisé par Dany Boon était calibré pour être un giga succès.
Pourtant, La Vie pour de vrai est tout simplement le premier flop du cinéaste. Malgré ses 802 000 entrées sur l’ensemble de son parcours et ses plus de 5,6 millions d’euros de recettes en France, le huitième long-métrage réalisé par Dany Boon est tout simplement un énorme bide au box-office France aux vues de son budget gargantuesque. La preuve en est, La Vie pour de vrai est le pire score en France pour le cinéaste, derrière même RAID Dingue (4,5 millions d’entrées) et La Maison du bonheur (1,1 million d’entrées), son premier long-métrage.
Si le roi du box-office français (rappelons-le : 20,4 millions d’entrées pour Bienvenue chez les Ch’tis et 8,1 millions pour Rien à déclarer) a donc essuyé son premier gros flop en tant que réalisateur, rappelons que le bonhomme a déjà survécu à quelques méchants bides en tant qu’acteur. Citons notamment Le Lion (14 millions de budget, 457 000 entrées) en 2020 et Le Dindon (12,8 millions de budget, 241 000 entrées) en 2019. Ne craignez donc rien, Dany Boon reviendra (youhou).
Notre critique de La Vie pour de vrai
7. Hawaii
- Budget : 7,89 millions d’euros
- Box-office : 113 000 entrées
Trop de gens talentueux dans le même film
Toujours au rayon de la comédie française, le nouveau film réalisé par Mélissa Drigeard, Hawaii, est sorti en mai dernier dans nos salles de cinéma hexagonales et a été un sacré flop. Avec presque 8 millions d’euros de budget (selon Scriptoclap), le nouveau film de la réalisatrice de Jamais le premier soir et de Tout nous sourit n’a attiré qu’à peine plus de 113 000 spectateurs sur l’ensemble de son exploitation, récoltant ainsi autour de 790 000 euros de recettes.
Les chiffres de Hawaii se rapprochent donc de ceux du précédent film mis en scène par Mélissa Drigeard, Tout nous sourit (budget inconnu, mais 149 000 entrées), mais restent bien loin de ceux de son premier long-métrage, Jamais le premier soir (6,5 millions de budget pour 804 000 entrées). Notons que Hawaii a pourtant bénéficié d’une distribution salles plutôt correcte à hauteur de 470 copies à son pic d’exploitation, soit plus que les 303 cinémas de Jamais le premier soir et les 310 écrans de Tout nous sourit.
Dommage, tant le ton mélancolique du film, son dispositif original et son casting très diversifié (Bérénice Bejo, Élodie Bouchez, Pierre Deladonchamps, Manu Payet, Eye Haidara, Nicolas Duvauchelle, William Lebghil et Emilie Caen) font de Hawaii une proposition relativement singulière dans le paysage cinématographique français contemporain.
8. L’Île rouge
- Budget : 7,2 millions d’euros
- Box-office : 150 000 entrées
Après la reconnaissance de la critique (Grand prix au Festival de Cannes, 6 César dont celui du Meilleur Film) et du public (5,3 millions de budget pour 855 000 entrées) de 120 battements par minute, Robin Campillo est revenu en 2023 avec son magnifique L’Île rouge. Budget plus ambitieux (7,2 millions d’euros, selon Playtime) et sujet assez singulier dans le cinéma français contemporain pour être souligné, L’Île rouge a tout de ces projets francophones rares et précieux qu’il faut soutenir.
Hélas, le film a été un méchant échec puisqu’il a tout juste attiré 150 000 spectateurs dans les salles obscures et qu’il n’a même pas récolté 1 million d’euros de recettes en France. Des chiffres qui sont bien loin de ceux de 120 battements par minute, dont la sortie au cinéma en 2017 avait sans doute bénéficié de son admirable réception cannoise.
Notons que L’Île rouge n’a été distribué que sur 195 écrans lors de son démarrage, avant d’atteindre les 395 copies dans toute la France à son pic d’exploitation. À titre de comparaison, 120 battements par minute est sorti dans 283 salles la semaine de sa sortie avant d’atteindre les 520 copies en cinquième semaine, tout en conservant une fréquentation stable (pas plus de 35% de pertes avant sa sixième semaine d’exploitation).
Notre critique de L’Île rouge
9. Marinette
- Budget : 5,5 millions d’euros
- Box-office : 54 000 entrées
Après un passage par la série (H24, Flippé, Disparu à jamais), l’actrice Garance Marillier est revenue sur grand écran en 2023 avec Marinette, un biopic sur la fameuse footballeuse française Marinette Pichon. Un projet de film historique au budget de tout de même 5,5 millions d’euros (selon JP Box-office), qui n’a malheureusement pas trouvé son public puisque Marinette n’a attiré que 54 000 spectateurs en salles au fil de son exploitation.
Un score pas vraiment convaincant qui a fait grimper les recettes du film à 308 000 euros, soit à peine plus de 5,6% du budget de production du film. Le biopic réalisé par Virginie Verrier a bénéficié d’un parc de salles à hauteur de 183 écrans la semaine de sa sortie, gonflé à 333 copies la semaine suivante. À noter que le premier long-métrage de la cinéaste, À deux heures de Paris, avait bénéficié d’une micro sortie dans les salles obscures en 2018, n’attirant que quelques centaines de spectateurs.
10. Les Vengeances de Maître Poutifard
- Budget (prévisionnel) : 15,6 millions d’euros
- Box-office : 515 000 entrées
La Vengeance du cinéma français
Une dernière grosse comédie française pour conclure et pas des moindres : Les Vengeances de Maître Poutifard. Réalisé par Pierre-François Martin-Laval (Les Profs 1 et 2), avec Christian Clavier, Isabelle Nanty et un budget prévisionnel de plus de 15,5 millions d’euros (selon Siritz), Les Vengeances de Maître Poutifard était calibré pour être un succès du niveau des Profs 1 (11,8 millions d’euros de budget pour 3,9 millions d’entrées) et des Profs 2 (16,9 millions de budget pour 3,4 millions d’entrées).
Hélas (ou non), avec seulement 515 000 entrées sur l’ensemble de son exploitation, les chiffres du nouveau Pierre-François Martin-Laval sont finalement plus faibles que ceux de l’échec Gaston Lagaffe (18,7 millions de budget pour 536 000 entrées). Les Vengeances de Maître Poutifard cumule donc autour des 3,7 millions d’euros de recettes, soit un score bien en dessous des attentes d’un film de cette ampleur.
Le septième long-métrage réalisé par Pierre-François Martin-Laval signe donc un score tout juste meilleur que celui d’Essaye-moi (3,7 millions de budget pour 505 000 entrées), le tout premier film du cinéaste. À noter que Maître Poutifard a démarré son exploitation sur 477 écrans la semaine de sa sortie, avant de grimper jusqu’à 626 copies au pic de sa diffusion.
À titre de comparaison, le premier Les Profs avait débuté sa distribution dans 529 salles obscures en France et était monté à 633 cinémas, tandis que Les Profs 2 était passé de 795 copies en première semaine à 798 dès sa deuxième.
Bonus : Le Cas Miraculous
- Budget : 80 millions d’euros
- Box-office : 1,6 million entrées
Impossible de lister les plus gros flops de cette première partie de 2023 sans parler du cas particulier de Miraculous : le Film. En effet, si le long-métrage réalisé par Jeremy Zag a attiré plus de 1,6 million de spectateurs en France sur l’ensemble de son exploitation, devenant le quatrième plus beau score pour un film français sorti en 2023, son budget monumental de 80 millions d’euros (oui oui) vient nuancer son potentiel succès.
Et pour cause, le deuxième long-métrage français le plus cher de l’histoire du cinéma (derrière Valerian et la Cité des mille planètes et ses presque 200 millions d’euros de budget) n’a récolté en Hexagone “que” 11,6 millions d’euros de recettes. Analysé exclusivement par le prisme du box-office français, Miraculous : le Film serait donc une catastrophe. Mais pour un blockbuster de cette ampleur, les facteurs sont évidemment plus nombreux.
Opération réussie ou désastre financier ?
En Allemagne, par exemple, le film réalisé par Jeremy Zag a attiré 1,1 million de spectateurs dans les salles obscures. En Russie, c’est presque 2,5 millions de tickets que Miraculous : le Film a vendu. Le blockbuster franco-français a récolté dans le monde plus de 31 millions d’euros de recettes. On est toujours loin des 80 millions de budget, certes, mais c’est sans compter le futur parcours du film en vidéo, entre rachats télé, VOD et SVoD.
Par ailleurs, le 28 juillet dernier, les aventures de Ladybug et Chat Noir ont débarqué sur Netflix aux États-Unis pour une somme qui n’a sans doute pas été dérisoire. Difficile de véritablement estimer si Miraculous : le Film est un échec ou non, surtout vu tout le merchandising et les produits dérivés que ce genre d’énormes productions font vendre, réduisant le box-office français du film à une (petite ?) étape de son parcours économique.