Leurs chansons dénoncent depuis des années la dégradation du monde à travers les crises du climat et de la biodiversité, mais Les Cowboys Fringants n’ont pas fait que déplorer le déclin de la vie sur Terre. Ils ont surtout, depuis le début de leur carrière, choisi de poser des gestes concrets en faveur de la protection de l’environnement qui sont aujourd’hui salués et cités en exemple.
« La vision environnementale des Cowboys Fringants et de Karl Tremblay a toujours été ancrée dans l’action, mais aussi dans leurs chansons », résume Anthony Côté-Leduc, d’Équiterre.
« Ils ont réussi à faire trois choses : développer un discours politique et environnemental, le communiquer efficacement et, finalement, parvenir à toucher les gens avec ce discours. Ils ont toujours su transmettre des messages puissants et radicaux tout en faisant l’unanimité populaire, en parlant au monde avec la tête et le coeur. C’est un tour de force », ajoute-t-il, en citant à titre d’exemples les pièces La cave, L’Amérique pleure, 8 secondes ou encore Plus rien.
« Mais moi je n’ai vu qu’une planète désolante / paysages lunaires et chaleur suffocante / et tous mes amis mourir par la soif ou la faim / comme tombent les mouches, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien », chantait d’ailleurs Karl Tremblay dans Plus rien, une pièce qui entremêle crise climatique et crise de la biodiversité tout en critiquant la fuite en avant qu’est la croissance infinie au nom de l’enrichissement d’une minorité.
« Ils ont toujours été connectés avec le réel, jamais complaisants, et ils n’ont jamais pris de détours pour raconter le Québec moderne », souligne Anthony Côté-Leduc. Le groupe a d’ailleurs pris position dans certains dossiers controversés, en s’opposant par exemple au mégaprojet d’exportation de gaz naturel GNL Québec.
Leur musique et leur engagement ont aussi contribué à l’éveil de la conscience environnementale, souligne la directrice générale de Nature Québec, Alice-Anne Simard. « Karl et Les Cowboys Fringants ont réellement contribué à sensibiliser les Québécois, et particulièrement notre génération, aux causes environnementales. On pense aux enjeux des forêts et du climat, avec des chansons comme Le gars d’la compagnie et Plus rien. En fait, plusieurs personnes qui s’impliquent aujourd’hui chez Nature Québec le font probablement en partie grâce aux Cowboys. »
« Les messages magnifiquement chantés par Karl orientés vers la protection de notre Terre, de ses ressources et des êtres qui y vivent ont certainement contribué à me [mener] là où je suis aujourd’hui », ajoute Stéphanie Harnois, spécialiste aux communications et aux affaires publiques de la Fondation David Suzuki.
Professeure au Département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale de l’Université du Québec à Montréal, Corinne Gendron ne s’étonne pas de cette influence du groupe. « La chanson permet d’ouvrir les yeux des citoyens et elle est un outil important de sensibilisation qui est très différent des voix naturelles, par exemple les médias. Comme on se retrouve dans le registre de l’émotion, on peut toucher des gens qui ne seraient pas touchés autrement. »
« Le fait d’aimer de la musique peut nous amener à écouter davantage les paroles et à prendre conscience de choses qui ne faisaient pas partie de nos connaissances ou de notre environnement », ajoute-t-elle.
Gestes concrets
Au-delà de leur oeuvre musicale, Les Cowboys Fringants ont multiplié les gestes concrets pour l’environnement afin de passer de la parole aux actes. « La musique, ça nous donne une belle portée. Les gens peuvent être touchés. Mais s’il n’y avait pas de portée, s’il y avait juste des paroles, on trouverait que ce n’est pas assez concret », soulignait justement la violoniste du groupe, Marie-Annick Lépine, en entrevue au Devoir en 2015.
Ils ont donc mis sur pied, en 2006, une fondation dont les fonds sont utilisés uniquement pour des initiatives visant la sensibilisation et la protection de l’environnement. Ils ont également financé des plantations d’arbres, notamment pour compenser les émissions de gaz à effet de serre de leurs tournées, en plus d’inviter d’autres artistes à agir pour le climat en contribuant à la plantation d’arbres au Québec.
Les Cowboys Fringants ont également réussi, avec l’aide de leur public, à amasser les fonds nécessaires pour « adopter » un béluga du Saint-Laurent, une initiative du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins qui finance la recherche sur cette espèce en voie de disparition. Le béluga en question a été baptisé « Hector », rappelle le président et directeur scientifique du Groupe, Robert Michaud, en saluant l’engagement du groupe à l’égard de la protection du Saint-Laurent.
Anthony Côté-Leduc souhaiterait maintenant que cette voie tracée par Les Cowboys Fringants se propage plus largement. « Si on s’inspirait davantage de leurs idéaux et qu’on était plus cohérents sur le plan politique, on pourrait bâtir un futur plus près de ce qu’on souhaite collectivement, autant qu’on aime collectivement leurs chansons. »