Les écoles du Québec sont mal équipées pour faire face aux cas d’inconduites sexuelles. De la formation des intervenants à la circulation de l’information entre les différents employeurs, plusieurs processus en place sont déficients, conclut un rapport diffusé vendredi par le ministre de l’Éducation.
Bernard Drainville a partagé les résultats du « Rapport d’enquête de portée générale sur la gestion administrative des inconduites sexuelles et des comportements inadéquats », que les équipes de son ministère lui ont remis en juillet.
Ce rapport conclut la démarche d’enquête que l’élu avait lancée en mars à la suite de la médiatisation de cas d’inconduites sexuelles dans les écoles.
L’enquête a été confiée à la Direction générale des affaires internes du ministère de l’Éducation. Celle-ci a évalué 26 situations problématiques dans le réseau de l’éducation, avant de se concentrer sur 18 d’entre elles (voir encadré).
Des situations évaluées partout au Québec
S’en remettre à Google
Le rapport remis au ministre Drainville souligne à gros traits les lacunes entourant les processus d’embauche des enseignants.
Ainsi, les centres de services scolaires (CSS) reçoivent bien peu d’informations sur les candidats qu’ils recrutent au sein d’autres CSS. « La réception d’allégations, les faits reprochés, les informations relatives au traitement des plaintes et les conclusions d’enquêtes internes ne sont généralement pas partagés avec les nouveaux employeurs », note le rapport.
« À plusieurs reprises, les interlocuteurs ont mentionné être liés par la confidentialité et ne pas pouvoir partager ces éléments par crainte de poursuite en diffamation ou de grief syndical », est-il écrit. De fait, un employé peut quitter un emploi « avant la fin d’une enquête interne, l’imposition d’une sanction ou d’une mesure disciplinaire », puis se trouver un nouveau poste dans le réseau « sans avoir à subir les conséquences des allégations portées à l’attention de son ancien employeur ».
En outre, la vérification des antécédents judiciaires ne se fait qu’à l’embauche d’un employé, et ce, depuis 2008 et pour les employés embauchés après cette année-là seulement. Depuis octobre 2022, le CSS des Mille-Îles a trouvé une solution pour pallier cette lacune : il entre, dans Google ou dans un site Web d’information juridique, le nom de l’employé qu’il souhaite recruter.
Des sanctions qui disparaissent
Sauf que les sanctions imposées à un enseignant ne sont pas toujours faciles à trouver. Les processus disciplinaires varient d’un CSS à l’autre, et selon les corps d’emploi.
« La norme est qu’une troisième suspension est suivie d’un congédiement », est-il écrit dans le rapport. Sauf que « pour que la gradation des sanctions s’applique, les fautes doivent toutes être de même nature », y ajoute-t-on.
De plus, la caducité des sanctions « mine » le système de gradation des sanctions. « Les conventions collectives prévoient des périodes de validité des sanctions entre trois mois et deux ans », note le rapport. Encore : « lorsque la sanction n’est plus valide, elle est retirée du dossier de l’employé et elle ne peut plus influencer les décisions subséquentes, même en cas de récidive ».
Autrement dit, « le processus de gradation doit être repris depuis le début, comme s’il n’y avait jamais eu de sanction », déplore-t-on.
Les auteurs du rapport soulignent également que les mesures disciplinaires « sont systématiquement contestées par les différents syndicats sans égard à leur bienfondé ».
Une seule évaluation
En mai, Le Devoir a exposé les lacunes du manque de transmission d’informations entre les CSS. Un enseignant, dénoncé à plusieurs reprises à la direction de l’école Louise-Trichet, dans l’est de Montréal, a ainsi démissionné en pleine enquête à son sujet. Il a ensuite été rapidement engagé par deux autres CSS en raison de la confidentialité des dossiers disciplinaires.
Le cas de cet enseignant est abordé dans le rapport. « […] les témoignages rapportent que ses comportements problématiques étaient fréquents et auraient probablement pu être abordés dans le cadre d’un processus d’évaluation », est-il écrit dans le document.
Il y est noté qu’à la suite de l’obtention de la permanence « aucune autre évaluation [des compétences professionnelles et relationnelles] ne semble prévue de manière systématique » dans les écoles. Pourtant, « instaurer des évaluations après l’obtention de la permanence serait une bonne pratique de gestion pour déceler des problèmes et réagir en amont », relève le rapport.
Au Collège Saint-Charles Garnier, un établissement privé de Québec, « une évaluation annuelle aurait permis de déceler des comportements problématiques d’un enseignant », y illustre-t-on.
L’enquête du ministère de l’Éducation a eu lieu du 21 mars au 31 juillet 2023. Les enquêteurs ont effectué 25 rencontres préparatoires avec des dénonciateurs ou témoins et mené près de 80 entrevues. Leur travail s’est concentré sur les processus de traitement des plaintes, la gestion administrative des comportements problématiques et les processus d’embauche des centres de services scolaires concernés par les allégations d’inconduites sexuelles.
Plus de détails suivront.