Les immigrants temporaires, «prochaine bataille» des Métallos

Le plus important syndicat du secteur privé au Québec défendra les droits des travailleurs temporaires, foi de son porte-parole national. Entrevue.

« On a dormi au gaz pendant plusieurs années », reconnaît Dominic Lemieux, en entrevue avec Le Devoir, quelques heures avant le début de l’Assemblée annuelle des 60 000 syndiqués Métallos. « Ça fait quelques années qu’on voit l’arrivée des travailleurs étrangers temporaires dans nos milieux de travail, mais qu’on s’y attarde, c’est la première fois. »

Une tournée des chapitres locaux au printemps a ouvert les yeux de l’état-major syndical, raconte-t-il. Des cas de « kidnapping », de « non-sens » et d’intimidation, il en a entendu de toutes sortes. « On a même vu des contremaîtres qui passent devant ces travailleurs-là et qui étendaient leurs bras de chaque côté en mimant un avion. Ils faisaient vraiment l’avion en regardant les travailleurs étrangers et en disant que si ça ne fait pas, on va vous mettre un timbre dans le front et on va vous retourner dans votre pays… C’est vraiment de la précarité à la pire essence ! »

Pourtant, cette masse ouvrière est devenue récemment incontournable dans les industries québécoises. Il y avait près de 90 000 travailleurs temporaires au Québec en 2022 répartis parmi des milliers d’employeurs différents.

Mais, comment diable mobiliser ces travailleurs assis sur le premier des sièges éjectables, eux qui ne parlent souvent que peu français, qui dépendent de leur employeur pour leur permis de séjour et à qui proviennent de cultures syndicales différentes ? « C’est à nous de leur démontrer qu’ils ont la protection du syndicat », répond le porte-parole. « […] Ce sont des humains comme les autres membres Métallos. C’est à nous de les informer [de leurs droits], de les mobiliser. »

Mais encore ? Qui osera se plaindre d’un employeur responsable de son immigration ?

Dominic Lemieux cite en exemple le droit québécois de refus de travail dangereux. « On a le droit de dire : “Moi, je refuse de travailler, je juge ça dangereux.” Eux, [les travailleurs temporaires], ils vont peut-être moins par là, mais on peut négocier des clauses de convention collective qui disent par exemple qu’un représentant de la prévention, lui, pourrait faire un droit de refus au nom d’un travailleur étranger temporaire. Ça enlèverait tout le fardeau à ce travailleur-là de dénoncer la situation. Il y a plein de moments où on peut être imaginatif. C’est à nous d’aller vers eux. »

En français, pour rester

Le sort de ces renforts se joue aussi par une résidence permanente. « Un moment donné, il faut les rendre permanents. Il faut les rendre citoyens canadiens », martèle à quelques reprises Dominic Lemieux.

Mais d’abord, il faudra leur apprendre le français. Ils ne sont que 2,6 % à avoir suivi des cours de francisation dans les dernières années, selon les chiffres du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration. « Qu’ils le fassent sur les heures de travail, durant leur quart de travail, ça, c’est une de nos revendications vraiment importantes », précise le porte-parole.

« On a besoin des travailleurs étrangers temporaires dans nos milieux de travail. Mais, il faut enlever cette précarité-là. Il faut enlever cette épée-là qu’ils ont au-dessus de la tête », lance-t-il. « Il faut prendre le taureau par les cornes. C’est la prochaine bataille du syndicat des Métallos. »

Comme premier pas, pour la première fois en 59 assemblées, le syndicat offrira une traduction en espagnol pour ses délégués originaires d’Amérique latine.

Ce reportage bénéficie du soutien de l’Initiative de journalisme local, financée par le gouvernement du Canada.

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