Les juges en chef du Québec appellent à l’aide pour contrer l’exode du personnel

Les postes vacants de juges et le manque « criant » d’employés-clé, comme des greffiers, pour faire fonctionner les palais de justice fragilisent tout le système et causent des délais insoutenables pour les citoyens, ont lancé en coeur des juges en chef du Québec.

« La société paie un très fort prix », a soutenu la juge en chef de la Cour supérieure, Marie-Anne Paquette.

Lors de leur rendez-vous annuel pour la rentrée judiciaire, tous les juges en chef de la province se trouvaient dans une même salle au palais de justice de Montréal — un rare événement — et ont profité de leur tribune pour exprimer leurs réflexions, mais aussi leurs vives inquiétudes.

À la fois la juge en chef Paquette et la juge en chef de la Cour d’appel, Manon Savard, ont soulevé la question de la pénurie de personnel en premier dans leurs allocutions.

« La rareté de main-d’oeuvre qui s’impose désormais avec une acuité et une urgence inattendue fragilise les tribunaux et mine la confiance du public », a insisté Mme Savard.

La juge en chef a parlé de « difficultés sinon d’incapacité » à recruter du personnel. Selon elle, il est « incontournable » de leur offrir des « conditions salariales améliorées et concurrentielles ».

La juge en chef Savard a mentionné des « dossiers dont le traitement s’étire en longueur jusqu’à des délais qui dépassent parfois l’entendement ». Certains citoyens renoncent parfois même à faire valoir leurs droits et à obtenir justice, a-t-elle déploré.

Une autre cause de ces délais et de procès reportés dans le temps est le nombre de postes de juges vacants, a signalé la juge en chef Paquette.

 

Il y en a six à la Cour supérieure : selon elle, cela signifie, à tous les mois, 65-70 jours de procès en moins. L’attente pour une date de procès au civil peut atteindre 24 mois, a-t-elle signalé.

Le gouvernement fédéral (qui nomme les juges de la Cour supérieure) est bien au courant de cette réalité, a-t-elle ajouté : « ils sont les seuls à détenir la solution ».

En matière criminelle, la Cour supérieure a réussi à respecter le délai de 30 mois pour la tenue d’un procès — la période maximale pour la durée des procédures, décrété par l’arrêt Jordan de la Cour suprême. Si cette période est dépassée, un accusé peut demander l’arrêt des procédures criminelles, même dans des causes de meurtre.

Sauf que « notre capacité n’est pas indéfiniment élastique, a averti la juge en chef Paquette. À toujours vouloir faire plus avec moins, on finira par arriver au point où malgré tous les efforts et toutes les contorsions employées, la Cour supérieure ne pourra plus écarter la possibilité d’arrêts de procédures en 2023 et 2024. »

Le ministre québécois de la Justice, Simon Jolin-Barrette, n’était pas présent à Montréal pour la rentrée judiciaire, mais avait enregistré une vidéo pour l’occasion. Il a fait état des mesures mises en place par son gouvernement pour améliorer l’efficacité du système judiciaire, mais s’est dit conscient des défis encore présents.

Il juge ainsi « très inquiétante » la situation des délais pour les causes criminelles, mais a noté l’embauche de 2400 employés — dont 1700 dans les palais de justice — au cours de la dernière année. Quant au personnel manquant, il a dit savoir qu’il est impossible de parler de rétention des greffiers sans aborder la question de leurs salaires.

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