Dans son premier film, À l’ouest de Pluton (2009), réalisé en tandem avec Myriam Verreault, Henry Bernardet offrait un portrait juste et profondément touchant des rêves, blessures, hantises et élans de l’adolescence à travers le quotidien de 10 jeunes d’une polyvalente d’une banlieue de Québec.
Quinze ans plus tard, le cinéaste récidive avec Les rayons gamma, une fresque riche et complexe dépeignant la réalité d’adolescents du quartier Saint-Michel, à Montréal, soupesant, par son approche documentaire héritée du cinéma direct, le courage, la solidarité et les embûches qui parsèment la quête identitaire de ceux qui sont, malgré eux, parachutés entre deux cultures — et qui doivent apprendre, encore davantage que la majorité, à exister à l’extérieur du regard des autres.
On y fait la rencontre d’Abdel, un ado solitaire qui reçoit la visite de son cousin extraverti, Omar, venu du Maroc pour les vacances. Entre fêtes et attractions touristiques, Abdel deviendra vite épuisé, tant par l’énergie que par le monologue intempestif d’Omar, au point de le larguer dans une station de métro. Puis, il y a Fatima, une caissière de supermarché dont la relation avec la meilleure amie est menacée par de mauvaises fréquentations. Enfin, il y a Toussaint, un jeune introverti et passionné de pêche. Lorsqu’il trouve sur la berge une bouteille échouée contenant un numéro de téléphone, il entreprend une conversation avec une femme qui bouleversera sa vision du monde et des autres.
À travers les aléas du quotidien, les discussions autour d’un pique-nique, les soirées au parc et les blagues ironiques, on entend des réflexions sur les obstacles qui se dressent sur le parcours de ces jeunes. Le film aborde donc des questions d’immigration, de racisme systémique, de violences ordinaires, de précarité économique et d’isolement, sans jamais tomber dans la caricature et le pathos. Simplement en allant à la rencontre des principaux intéressés, en les montrant dans leur élément et dans leur réalité.
Le scénario, élégant et sobre, ne cherche ni à dramatiser ni à enjoliver, ce qui ne l’empêche pas d’être empreint d’une touche de poésie et d’une beauté naïve, à l’image de ses sujets. Cette quête de vérité, qui a le mérite de faire tomber bien des barrières et des préjugés, n’aurait pas été possible sans la franchise et la spontanéité des jeunes comédiens amateurs, qui se sont approprié les répliques et qui ont superposé leur vécu à celui de leur personnage.
Les rayons gamma se veut aussi un hommage à Montréal, la ville, celle qu’on parcourt souvent sans la voir, dans toute sa splendeur et sa décrépitude, sa vivacité et son côté kitsch, comme un rappel que de se glisser dans les chaussures des autres est également un moyen de regarder le monde à travers leurs yeux, et de le redécouvrir autrement. Un film apaisant, qui donne envie de connaître la suite.