Malgré six mois qui s’annoncent difficiles pour l’économie québécoise, le ministre des Finances, Eric Girard, croit que les chèques et les baisses d’impôts des deux dernières années seront suffisants pour permettre à la population de passer à travers cette période.
M. Girard, qui a présenté mardi une mise à jour économique incluant des investissements de 4,3 milliards, notamment pour l’aide au logement, a insisté sur la marge de manoeuvre financière déjà mise à la disposition de la population.
« La situation est extrêmement difficile pour les Québécois, a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse. Les actions du gouvernement protègent le pouvoir d’achat des Québécois. »
La situation est extrêmement difficile pour les Québécois. Les actions du gouvernement protègent le pouvoir d’achat des Québécois.
Pour la première fois depuis près de deux ans, M. Girard s’est présenté mardi à un rendez-vous budgétaire sans offrir de « chèque » contre l’inflation, comme ce fut le cas en mars et en novembre 2022, ou de baisse d’impôts, comme dans le budget de mars dernier.
Le ministre a d’ailleurs rappelé que les contribuables n’avaient pas encore empoché la totalité de la réduction d’impôts annoncée en mars 2023 puisque les prélèvements à la source n’ont été modifiés qu’en juillet dernier. Après avoir fait leur déclaration de revenus pour l’année en cours, ils toucheront la moitié de cette baisse, qui leur sera distribuée par Revenu Québec en 2024.
« Sur le rapport d’impôt 2023, vous aurez le bénéfice de la baisse d’impôts pour les six premiers mois », a-t-il dit.
Le ministre a également insisté sur l’indexation, plus élevée que l’inflation, des mesures fiscales, de 5,08 %, dont profiteront les particuliers grâce au réajustement automatique des déductions, des crédits, des prestations et des aides diverses.
« Il n’y a pas lieu de chèques présentement », a-t-il dit, répétant ainsi ce qu’il avait affirmé l’été dernier à deux reprises.
En septembre, le premier ministre François Legault avait pour sa part laissé la porte entrouverte à la possibilité de répéter l’envoi de chèques si le besoin se fait sentir.
La semaine dernière, il a attribué le recul de son gouvernement dans les sondages à une mauvaise humeur de l’électorat due à la situation économique difficile, une opinion que M. Girard partage.
« Les conditions sont difficiles pour les citoyens, et en général, dans le monde, ça rend les gouvernements impopulaires », a-t-il dit mardi.
Les conditions sont difficiles pour les citoyens, et en général, dans le monde, ça rend les gouvernements impopulaires.
Six mois « très difficiles »
Ces perspectives ne devraient pas s’améliorer au cours des prochains mois, selon le ministre, qui a revu à la baisse sa prévision de croissance économique pour le Québec en 2024.
Les économistes du ministère des Finances estiment maintenant que le produit intérieur brut (PIB) augmentera de 0,7 % l’an prochain, et non de 1,4 % comme prévu dans le budget déposé en mars.
« Les six prochains mois seront très difficiles », a affirmé M. Girard.
Le ralentissement de l’économie se fait sentir, même si le ministre ne s’attend pas à ce que le Québec soit en récession. La croissance économique est dans un état de « stagnation », autour de 0 %, estime-t-il.
« Nous sommes au coeur du ralentissement », a dit M. Girard.
Le cadre financier présenté mardi a nécessité certains réajustements depuis le dernier budget. Le gouvernement a revu à la hausse le déficit de l’exercice 2022-2023, terminé en mars dernier. Une somme de 1,1 milliard a été ajoutée au manque à gagner de 5 milliards qui était anticipé. Une diminution des revenus de l’impôt des particuliers et des transferts fédéraux compte pour 805 millions dans cet imprévu, qui fait augmenter le ratio dette/PIB.
Pour l’année 2023-2024, le gouvernement a également dû puiser dans ses provisions afin de combler un autre imprévu de 1,1 milliard, causé par une baisse de ses revenus fiscaux et une hausse de ses coûts de financement.
« On a un ralentissement économique, une modération. On utilise cette provision pour faire face à ce ralentissement », a expliqué le ministre, qui maintient toutefois le retour à l’équilibre budgétaire prévu en 2027-2028.
Toujours au chapitre des réajustements, le gouvernement a haussé ses prévisions d’inflation pour cette année. Elles sont passées à 4,6 % dans les documents présentés mardi, contre 3,5 % dans le budget de mars dernier. Pour l’an prochain, le ministère des Finances prévoit actuellement un taux d’inflation de 2,7 %, comparativement à 2,2 % il y a sept mois.
Même si le ministre a admis que « normalement, un budget amène un accroissement des dépenses », il a semblé fermer la porte à une bonification de l’offre de 14,8 % sur cinq ans faite aux employés du secteur public, qui négocient actuellement le renouvellement de leurs conventions collectives.
« Toute dépense supplémentaire va nécessiter des emprunts », a-t-il dit.
Logement, climat et entreprises
Des investissements de 4,3 milliards annoncés mardi, le gouvernement prévoit consacrer une bonne partie, soit 2,2 milliards, à des problèmes pour lesquels les municipalités réclamaient son intervention financière.
Au cours des cinq prochaines années, donc d’ici 2027-2028, le gouvernement québécois veut dépenser 1,8 milliard pour construire 8000 logements sociaux et abordables et aider les ménages à plus faible revenu à se loger. De ce nombre, 500 appartements seront destinés aux personnes itinérantes.
Le gouvernement s’attaque plus largement aux problèmes de l’itinérance, qui a augmenté de 44 % en cinq ans au Québec, et de l’aide alimentaire, auxquels 145 millions supplémentaires seront consacrés.
Les budgets d’aide d’urgence, d’appui aux services adaptés culturellement aux Autochtones et de réinsertion seront bonifiés de 124 millions au cours des cinq prochaines années.
Alors que les banques alimentaires sont plus sollicitées que jamais, la mise à jour d’Eric Girard prévoit l’injection de 21 millions de dollars supplémentaires dès cette année.
Aux municipalités qui réclament plus de financement pour l’adaptation aux changements climatiques, le gouvernement offre une bonification de 292 millions sur cinq ans, une somme qui doit également servir à réduire les risques liés aux feux de forêt.
Après les incendies de l’été dernier survenus dans le nord du Québec, la mise à jour prévoit 404 millions pour soutenir les communautés et le secteur forestier.
Les sommes annoncées mardi par M. Girard comprennent l’aide de 265 millions de dollars offerte par la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, pour éponger les déficits des réseaux de transport collectif et un montant de 329 millions destiné à la formation de la main-d’oeuvre, notamment dans le secteur de la construction. Enfin, un total de 995 millions sur cinq ans servira à stimuler l’investissement privé grâce à la bonification d’un crédit d’impôt pour les entreprises.