Les trois universités anglophones du Québec affirment avoir fait un « pas majeur » lundi en direction du premier ministre du Québec, François Legault, en proposant de franciser leurs étudiants provenant de l’extérieur de la province, si le gouvernement ne double pas leurs frais de scolarité.
Elles espèrent maintenant obtenir une réponse d’ici la fin de la semaine de la part de M. Legault et de sa ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry.
Les deux élus ont rencontré pendant une heure lundi matin les recteurs des trois universités anglophones de la province, soit McGill, Concordia et Bishop’s, pour entendre leurs appréhensions et leur proposition conjointe en lien avec l’intention du gouvernement de faire passer en 2024 de 8992 à environ 17 000 dollars les droits de scolarité plancher des étudiants canadiens ne résidant pas au Québec. Les étudiants internationaux devront pour leur part débourser 20 000 dollars pour étudier au Québec.
« Le nouveau modèle tarifaire fait en sorte que les universités du Québec, sans égard à la langue dans laquelle elles mènent leurs activités, ne seront plus compétitives avec les universités du reste du Canada », appréhendent les recteurs, dans une longue proposition écrite soumise au gouvernement Legault. « Pour l’Université Bishop’s, il en va de sa survie », ajoute la lettre, qui précise que les universités Concordia et McGill entrevoient pour leur part des pertes combinées à plus de 100 millions de dollars par an, « selon des scénarios prudents ».
« Si on perd les Canadiens hors Québec, non seulement d’un point de vue financier, c’est une catastrophe pour nous, mais aussi au niveau de l’identité, on efface l’université qu’on est depuis 180 années », appréhende le principal et vice-chancelier de l’Université Bishop’s, à Sherbrooke, Sébastien Lebel-Grenier, en entrevue au Devoir. « C’est existentiel pour nous », poursuit le recteur, qui s’attend à perdre 90 % de ses étudiants provenant d’ailleurs au Canada si les droits de scolarité sont majorés comme prévu l’an prochain.
Franciser les étudiants
Selon le gouvernement Legault, ces changements aux droits de scolarité dans le réseau universitaire, annoncés le 13 octobre, sont essentiels pour assurer la protection de la langue française au Québec, en particulier à Montréal. Or, les recteurs des trois universitaires anglophones de la province se sont donné comme objectif lundi qu’au moins 40 % des personnes étudiantes non francophones inscrites dans les programmes de premier cycle de leurs établissements atteignent un niveau de français 6 de l’échelle québécoise en amont de l’obtention de leur diplôme.
Pour ce faire, ils proposent notamment d’augmenter d’ici trois ans le nombre de cours obligatoires de français langue seconde offerts dans leurs établissements, de proposer plus de débouchés pour des stages immersifs en français ainsi que des « activités de promotion de la culture québécoise » et des bourses aux étudiants atteignant un certain niveau de français. Le tout à condition que Québec accepte de reculer sur les changements prévus aux frais de scolarité dans le réseau universitaire anglophone.
« Je sais qu’il y a des gens qui pensent que les universités anglophones sont des vecteurs d’anglicisation au Québec et à Montréal. À mon avis, je pense que c’est une lecture un peu dépassée par les faits », lance en entrevue au Devoir lundi le président de l’Université Concordia, Graham Carr, qui affirme « qu’au moins les trois quarts » des étudiants de son établissement « sont bilingues ». M. Carr estime ainsi que les universités anglophones doivent « faire partie de la solution » à la protection du français au Québec.
« On se voit comme des alliés du gouvernement », renchérit le principal et vice-chancelier de l’Université Bishop’s, à Sherbrooke, Sébastien Lebel-Grenier, selon qui le réseau universitaire anglophone « peut aider le gouvernement à atteindre ses objectifs d’un point de vue linguistique ». Le recteur se montre d’ailleurs « optimiste » quant à la possibilité que la rencontre de lundi mène à des avancées concrètes dans ce dossier dans les prochains jours. Selon lui, « c’est vraiment un pas majeur » que les recteurs ont accompli lundi en rencontrant le premier ministre François Legault.
« Ce que le premier ministre nous a dit, c’est qu’il nous reviendrait très rapidement […] Nous, on s’attend à ce qu’il y ait un retour cette semaine sur la proposition qu’on a faite », affirme par ailleurs M. Lebel-Grenier.
Joint par Le Devoir, le cabinet de la ministre Pascale Déry s’est réjoui de la « volonté » des recteurs de « franciser davantage les étudiants anglophones », voyant là « un pas dans la bonne direction ». « Maintenant, on reste fermes sur nos principes : ce n’est pas aux contribuables québécois de financer la formation de milliers d’étudiants canadiens hors Québec », ajoute le cabinet, qui promet de « poursuivre » ses discussions avec les universités anglophones.