Étienne Beaulieu a toujours eu un faible pour l’essai. Au point de lui consacrer un ouvrage entier qu’il a nommé L’âme littéraire, en 2014. Aujourd’hui directeur général et artistique des Correspondances d’Eastman, il a placé l’essai littéraire au centre de la programmation de 2023.
Et il propose d’y entendre une brochette d’essayistes, dont plusieurs femmes, dans un secteur qui, encore il n’y a pas si longtemps, était surtout peuplé de plumes masculines.
« Depuis toujours, c’était pas mal, jusqu’à maintenant, des mâles blancs de plus de 50 ans, pour prendre la fameuse définition, qui étaient les représentants du genre », reconnaît Étienne Beaulieu. C’est d’ailleurs à Montaigne que l’on doit la création du genre de l’essai, relève-t-il.
Mais les temps changent, et les signatures aussi. « Il s’est produit une espèce de séisme, depuis sept ou huit ans, dans le monde de l’essai littéraire québécois. Les femmes se sont emparées de l’essai et c’est majeur », dit-il, relevant la possibilité que des femmes se sentent désormais à l’étroit dans l’autofiction, un genre auquel elles se sont beaucoup consacrées au cours des dernières décennies.
Revenant à Montaigne, Étienne Beaulieu s’applique à discerner l’essai littéraire de l’étude ou de l’analyse, ou encore du pamphlet. « Montaigne disait “je ne forme pas l’homme, je le récite”. Cela veut dire : je n’ai personne à endoctriner. Je fais juste décrire, donner le paysage. » Ici, l’essai est méditation, argumentation intérieure ou rumination.
Étienne Beaulieu aime aussi donner à l’essai littéraire la définition qu’en offre Jean-Marc Paquette : « Un auteur d’essai littéraire, c’est quelqu’un qui s’annonce au “je”, qui parle de questions culturelles, et qui le fait dans un langage simple et accessible, sans notes de bas de page. »
Dans son carnet de trouvailles, pour l’édition 2023 des Correspondances, il cite donc par exemple Frédérique Bernier, qui a livré Hantises, publié en 2020, Marie-Hélène Voyer et son fulgurant L’habitude des ruines sur notre rapport au patrimoine, Véronique Grenier, qui a signé en 2022 À boutte. Une exploration de nos fatigues ordinaires, et Dominique Fortier, Prix Renaudot de l’essai 2020 pour Les villes de papier. Mais on y rencontrera aussi Yvon Rivard, écrivain phare du genre, qui y sera en grande entrevue avec Jean-Philippe Pleau, sur le thème Penser au coeur de l’instant.
Lettres et spectacles
Des spectacles autour du genre y seront aussi présentés. C’est le cas, de Baldwin, Styron et moi, inspiré de l’essai du même nom de Melikah Abdelmoumen, qui reprendra l’affiche au théâtre de la Marjolaine.
Robert Lalonde y présentera La nuit est ma femme, un spectacle à partir d’extraits de Kerouac, où il sera accompagné de Tomás Jensen et de Kareya.
Et Thomas Hellman interprétera Mythomane, son propre spectacle, inspiré d’un croisement entre la mythologie grecque et le conte québécois, et de musique folk américaine.
Le tout sera évidemment entrecoupé de multiples présentations, entrevues et ateliers, pour tous les âges. Le poète et essayiste Gérald Gaudet, président de l’Académie des lettres du Québec, y mènera également plusieurs entretiens.
Cette année, les Correspondances ont aussi tourné plusieurs courts métrages mettant en scène des auteurs de l’Estrie : Hélène Dorion, Louis Hamelin, Nelly Arcan et Étienne Beaulieu.
En entrevue, Étienne Beaulieu insiste aussi sur le fait que les Correspondances ont des partenariats avec plusieurs organismes cette année. La revue Lettres québécoises y lancera notamment la première édition du Prix de l’essai québécois, pour lequel sont en lice Véronique Dassas, pour Chroniques d’un temps fou, Pierre Lefebvre, pour Le virus et la proie, et Mathieu Belisle, pour Ce qui meurt en nous.
Robert Lalonde et France Capistran y lanceront pour leur part Arts-Culture Massawipi, un nouvel organisme qui fait la promotion de la culture locale dans la région.