L’État québécois n’a pas de pouvoir sur les terres de Rabaska, selon le ministre André Lamontagne

Le gouvernement a pieds et poings liés dans le dossier des terres de Rabaska situées à Lévis, selon le ministre de l’Agriculture, André Lamontagne. Plusieurs craignent que ce territoire, arraché au giron agricole par décret en 2007, au profit d’un port méthanier mort au feuilleton, attise aujourd’hui la convoitise d’une usine de gaz naturel liquéfié (GNL) qui a récemment fait de l’oeil à Lévis.

Le Devoir confirmait, lundi, que le lobbyiste Richard Milot, un ancien candidat caquiste qui a connu quelques démêlés judiciaires en lien avec la loi électorale, avait rencontré l’administration municipale pour promouvoir l’implantation un projet d’usine de gaz naturel liquéfié.

Plusieurs, à Lévis, s’inquiètent que la compagnie à numéros qui emploie Richard Milot souhaite s’établir sur une partie des 272 hectares qui composent les terres de Rabaska. Ces dernières, situées à l’extrémité est de Lévis, étaient autrefois promises à un port méthanier qui n’a jamais vu le jour. Malgré l’abandon du projet portuaire en octobre 2013, les terres n’ont jamais regagné leur zonage agricole, au grand dam de l’Union des producteurs agricoles (UPA) et de groupes citoyens.

Lundi soir, l’enjeu a rebondi au conseil municipal de Lévis lorsqu’une citoyenne, Valérie Cayouette-Guilloteau, a demandé, au nom du Collectif Sauvetage du patrimoine agricole à Lévis et Beaumont, si la Ville tirait un trait définitif sur une éventuelle usine de GNL sur son territoire. « Vous comprendrez, a lancé la Lévisienne, qu’on est largement inquiet de revivre Rabaska. »

« C’est à l’état très embryonnaire, cette affaire-là, a répondu le maire par intérim, Michel Patry. À la Ville de Lévis, il n’y a absolument rien là-dessus. »

Mardi, une pétition revendiquant 1500 signatures arrivait à échéance, demandant à l’Assemblée nationale de rendre les terres détenues par Rabaska, dont la superficie couvre 400 terrains de football, au monde agricole.

Plus facile à dire qu’à faire, selon le ministre de l’Agriculture, André Lamontagne. « Le dossier Rabaska, c’est un dossier très, très, très compliqué », a-t-il soutenu en marge d’une annonce à Pintendre, mardi matin. Les terres appartiennent au privé et si le décret adopté en 2007 prévoyait leur exclusion du zonage agricole, a expliqué le ministre, il n’a jamais envisagé leur retour.

Le ministre se félicite d’avoir modifié la loi, en 2021, pour donner à l’État la capacité d’agir en pareille situation. « Ce ne sont pas des pouvoirs rétroactifs où je peux aller poser [des actions] sur des contrats qui ont été passés il y a des années. Ce qui est important, a-t-il pris soin d’ajouter, c’est qu’à partir de maintenant, ce qui s’est passé dans ce dossier-là ne pourrait plus se passer en vertu des pouvoirs qu’on a aujourd’hui. »

L’urgence d’agir

Pour l’agriculteur Jean Gosselin, cofondateur de la ferme des Ruisseaux, à Pintendre, et intéressé à la saga Rabaska depuis ses tout débuts en raison du gazoduc qui devait traverser son terrain, il y a urgence d’agir : non seulement le Port de Québec reluque les terres de Rabaska, mais la Ville de Lévis a aussi annoncé son intention, le printemps dernier, de rapatrier la moitié des terres avec l’objectif affiché d’y développer une zone industrielle.

« Ces terres-là ont été exclues par un décret d’urgence en 2007, rappelle l’agriculteur. Nous étions pour manquer de gaz, il fallait aller vite : c’est le principe du décret d’aller rapidement, ça n’a pas été débattu à l’Assemblée nationale ni nulle part [à l’époque]. De la même façon aujourd’hui, il y a urgence, par décret, d’inclure les terres de Rabaska en zone agricole. »

Le statu quo, selon lui, laisse ces terres à la merci du premier développeur. Il doute aussi que le gouvernement soit aussi menotté qu’il le prétend dans ce dossier. « Si l’État québécois n’a aucun contrôle sur le territoire québécois, qui en a ? À l’époque de Jean Garon, il y a un grand patron, René Lévesque, qui a pris la décision de se donner une loi sur la protection du territoire agricole. M. Lamontagne aussi a un grand patron, puis il est interpellé. »

Le ministre de l’Environnement, Benoît Charette, accompagnait son collègue, mardi matin, pour mousser l’électrification du monde agricole initiée par son gouvernement. Il a rappelé que toute usine de gaz naturel liquéfié qui veut s’enraciner au Québec, à Lévis ou ailleurs, devrait d’abord se conformer à la réglementation en vigueur avant de recevoir l’aval de l’État.

« La dernière expérience qu’on a en tête au Québec, c’est le projet de gaz naturel liquéfié qui était en développement au Saguenay-Lac-Saint, a indiqué le ministre Charette. C’est un projet qui ne s’est pas qualifié, donc c’est un projet qui n’a pas reçu les approbations environnementales nécessaires et c’est un projet qui a tout simplement été abandonné par les promoteurs. »

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