L’ex-juge Jacques Delisle subira un second procès pour meurtre

L’ex-juge Jacques Delisle n’en a pas encore fini avec la justice. La Cour d’appel vient de rendre un jugement par lequel elle ordonne qu’un second procès ait bel et bien lieu contre lui pour le meurtre de son épouse.

Cette saga judiciaire dure depuis plus de dix ans et a connu maints rebondissements.

En 2012, Jacques Delisle avait été déclaré coupable par un jury du meurtre au premier degré de Nicole Rainville, survenu en 2009. Il avait été condamné à la prison à vie.

L’ex-juge a tenté d’en appeler de ce verdict, en vain, jusqu’en Cour suprême.

Puis, l’homme de 88 ans avait déposé une ultime demande de révision auprès du ministre fédéral de la Justice en 2015 — une procédure rare, mais prévue au Code criminel. En 2021, celui qui occupait alors ce poste, David Lametti, avait ordonné un nouveau procès, car il était convaincu qu’une erreur judiciaire s’était vraisemblablement produite.

À peine ce second procès obtenu, Jacques Delisle a requis un arrêt des procédures intentées contre lui : de la preuve ayant été perdue dans l’intervalle, il a affirmé qu’il ne pouvait se défendre adéquatement et qu’un procès équitable serait impossible.

La « preuve perdue » consiste en des coupes et des prélèvements effectués sur le cerveau de la victime. Ces éléments étaient utiles pour déterminer la trajectoire de la balle qui a mis fin à la vie de Mme Rainville. Selon les experts, la balle aurait emprunté un chemin différent dans le cerveau et laissé des traces et des plaies distinctes selon qu’il s’agit d’un meurtre (la théorie de la Couronne) ou d’un suicide (la théorie de la défense).

Un juge de la Cour supérieure a donné raison à Jacques Delisle, qui affirmait que sa défense serait compromise, car il ne pourrait pas contredire le pathologiste ayant réalisé l’autopsie initiale : l’expert qu’il engagerait ne pourrait analyser les coupes de cerveau et former ses propres conclusions.

« La preuve est perdue à tout jamais », avait déploré le magistrat, rendant « impossible [la tenue d’]un nouveau procès juste et équitable ». Il avait donc mis fin aux procédures par un jugement rendu en 2022.

Mais la Couronne a refusé de baisser les bras et a porté cette décision en appel.

 

Appelée à évaluer toute l’affaire, la Cour d’appel a confirmé que la preuve désormais perdue était « pertinente et importante et que sa perte résulte d’une négligence de l’État », qui a omis de conserver les coupes et ne les a pas plus documentées ni photographiées. Elle est toutefois d’avis que ces coupes du cerveau ne sont « qu’un seul des éléments de l’histoire qui a mené à cette tragédie ».

L’accusé ne sera pas privé de présenter une preuve sur la trajectoire de la balle qui serait susceptible de soutenir la thèse du suicide et de jeter un doute raisonnable sur celle du meurtre, indique la Cour. Et elle insiste : personne n’a à démontrer « avec certitude » la trajectoire du projectile. Bref, le préjudice causé par l’État n’est « pas irrémédiable » et l’arrêt des procédures est radical. Une directive claire au jury à ce sujet pourra suffire, poursuit la Cour d’appel.

Elle annule ainsi l’arrêt des procédures et renvoie le dossier devant la Cour supérieure pour la suite du processus judiciaire et, éventuellement, un procès.

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