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Droit à la réparation, mesure anticitron contre les « véhicules gravement défectueux », garantie de bon fonctionnement, la loi contre l’obsolescence programmée présentée le 1er juin dernier par le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, est remplie de promesses.
L’accueil réservé à ce projet de loi très attendu fut d’ailleurs chaleureux. Ajoutez-y l’annonce selon laquelle le gouvernement veut imposer un chargeur universel pour les appareils électroniques, et les consommateurs se sentaient déjà gagnants.
Voilà qu’après avoir salué l’intention du gouvernement, plusieurs groupes vont en disséquer le diable dans les détails mardi et mercredi, alors que le projet de loi 29 est soumis à des consultations à l’Assemblée nationale.
Chez Équiterre, l’analyste en réduction à la source Amélie Côté a dressé la liste de ses constats en 53 pages avec ses collègues et une vingtaine d’organismes pour les appuyer. Elle conclut notamment que le gouvernement se prive d’une bonne idée en ayant omis de créer un indice de durabilité.
C’est le genre de chose qui vient avant — bien avant — que le consommateur soit aux prises avec un sèche-linge qui ne sèche plus après 24 mois et demi ou une thermopompe qui le lâche en pleine canicule. « On parle beaucoup d’obsolescence, mais ce n’est pas ça qui aura le plus grand impact. Ce qui est le plus important est ce qui favorise les biens qui durent et qui se réparent facilement », explique ainsi Mme Côté.
Un tel indice avait pourtant tout pour être invité à la table des grands dans ce projet de loi : il avait même déjà été convié dans les discussions dans des versions précédentes de cette loi, proposées par des députés de l’opposition en 2019 et en février 2023.
Une « cote de durabilité » serait indiquée sur une étiquette apposée sur chaque appareil domestique offert en vente ou en location.
Établie par le Bureau de normalisation du Québec (BNQ), cette cote pourrait indiquer une durée moyenne de fonctionnement, comme Équiterre continue de le recommander au gouvernement.
Une expérience déjà en cours
Toute une montagne à gravir ? « On ne partirait pas de zéro, puisqu’un indice serait déjà en place en France. C’est l’avantage de faire des réformes qui sont déjà en place ailleurs et d’apprendre ce qui a bien été ou moins bien été », affirme Amélie Côté.
Le gouvernement français a en effet d’abord mis en place depuis janvier 2021 un indice de réparabilité de 1 à 10 qui intègre de multiples critères : existence de documentation pour réparer un appareil, disponibilité et prix des pièces, possibilité de démonter le produit, complexité de la réparation, etc.
Dès 2024, cette cote doit évoluer vers l’indice de durabilité, qui est plus englobant, puisque la réparabilité en deviendra en fait l’un des critères. Il faudra en plus considérer la fiabilité de l’objet, par exemple sa résistance aux défaillances et à la dégradation, ou encore l’amélioration en continu par des logiciels pour les appareils concernés.
« Pour les consommateurs, c’est encore plus attrayant. On s’assure que l’objet va durer plus longtemps, il ne sera pas seulement réparable », constate l’experte d’Équiterre. Bien sûr, il est souhaitable qu’un objet puisse être réparé, « mais on souhaite avant tout qu’un objet durable brise moins », dit-elle. Qui ne partage pas son désir d’acheter des électroménagers qui durent toute une vie ?
Le projet de loi au Québec introduit bel et bien une « garantie de bon fonctionnement » qui permettrait au consommateur de faire réparer automatiquement et gratuitement un bien brisé au cours de la période visée. Mais le moment où finit cette garantie sera déterminé pour des catégories de biens, par exemple les congélateurs ou les tablettes électroniques, et non pas par marque ou modèle d’objet. Elle ne permettra donc pas de comparer deux biens identiques entre eux, note Mme Côté.
Même si la durabilité fait parfois grimper le prix, Amélie Côté croit qu’un indice aurait un effet d’incitation à la consommation plus durable. Une étude de la Commission européenne de 2018 a démontré qu’un citoyen était presque trois fois plus enclin à choisir un produit plus durable lorsque des informations en ce sens étaient fournies.
Les Québécois appuient aussi la création d’une telle étiquette : 72 % des répondants à un sondage de 2021 étaient d’accord pour qu’on mette en place un logo qui permettrait d’identifier les produits les plus durables ou réparables.