Michael Gambon, alias Dumbledore, n’est plus

Pour la vaste majorité du public, Michael Gambon, décédé le 28 septembre à 82 ans d’une pneumonie, restera à jamais le rusé, mais bienveillant Albus Dumbledore de la saga des Harry Potter. Pour maints cinéphiles, en revanche, l’estimé acteur demeurera plutôt associé à des chefs-d’oeuvre aussi variés que l’expérimental et baroque The Cook, the Thief, His Wife and Her Lover (Le cuisinier, le voleur, sa femme et son amant), de Peter Greenaway, ou Gosford Park (Un week-end à Gosford Park), de Robert Altman.

Doté d’un timbre riche, inimitable, il fut la voix de l’oncle Pastuzo dans les deux Paddington, de Paul King, et celle de Franklin Bean dans Fantastic Mr. Fox (Fantastique maître renard), de Wes Anderson. Il fut souvent narrateur, notamment pour les frères Coen, dans Hail, Caesar ! (Ave, César !), et Xavier Dolan, dans The Death & Life of John F. Donovan (Ma vie avec John F. Donovan) — le cinéaste québécois arbore de longue date un tatouage à l’effigie de l’acteur en Dumbledore.

Ça restera un souvenir heureux, d’avoir fait partie aussi longtemps de quelque chose [Harry Potter] qui est aimé universellement

Autre caractéristique unique de Michael Gambon : ses doigts très longs et très fins, qu’il savait utiliser pour le meilleur effet. Au long d’une carrière de soixante ans, il remporta de nombreux prix Olivier et BAFTA.

Né en 1940 d’une mère couturière et d’un père ingénieur, il passa les six premières années de sa vie à Dublin, en Irlande. Afin de bénéficier du travail abondant lié à la reconstruction de Londres, la famille partit s’installer en Angleterre, en prenant soin de demander la citoyenneté britannique pour le petit Michael. Cela lui permit, des années plus tard, d’être désigné « sir » Michael Gambon par la reine Élisabeth II.

À 21 ans, ingénieur comme son père, il décida de tout plaquer afin de poursuivre sa passion pour le jeu. Sur la foi d’un C.V. inventé de toutes pièces, il fut admis au sein d’une troupe dublinoise. En 1963, impressionné par un monologue de Gambon tiré de Richard III, Laurence Olivier l’embaucha au Royal National Theatre de Londres, qu’il venait de fonder.

Sur les planches, l’acteur jouera successivement les rôles-titres dans Othello, Macbeth, Coriolan, Le roi Lear… Les années 1960 et 1970 le virent alterner théâtre et télévision (il y sera un excellent inspecteur Maigret, en 1992-1993).

Notoriété cinématographique

 

Après une succession de petits rôles au cinéma, il s’imposa en gangster nouveau riche, cruel et vulgaire dans The Cook, the Thief, His Wife and Her Lover, un succès mondial de répertoire en 1989. La vengeance que lui réserve Helen Mirren à la fin fit beaucoup jaser.

Gambon se mit alors à apparaître en soutien toujours mémorable dans diverses productions hollywoodiennes. On signalera par exemple, en 1996, le mal aimé Mary Reilly, de Stephen Frears, où Julia Roberts incarne la femme de chambre du docteur Jekyll, joué par John Malkovich. En une poignée de scènes, Gambon, en père de l’héroïne, compose un monstre plus terrifiant encore que Mister Hyde.

En 1999, on se souviendra de lui en gros bonnet de l’industrie du tabac dans The Insider (L’initié), de Michael Mann, ainsi qu’en propriétaire terrien décapité dans Sleepy Hollow (La légende de Sleepy Hollow), de Tim Burton.

En 2001, il fut le lord du manoir délicieusement imbuvable dans Gosford Park. L’année suivante, le décès soudain de Richard Harris obligea Warner Bros. à trouver un nouveau Dumbledore : le studio arrêta son choix sur Michael Gambon, à qui Alfonso Cuarón donna les coudées franches pour proposer une interprétation différente, à la fois plus joueuse et chaleureuse. La surprise initiale passée, il devint l’incarnation définitive du personnage.

Au Today Show, Michael Gambon confie en 2009, au sujet d’Harry Potter : « Ça restera un souvenir heureux, d’avoir fait partie aussi longtemps de quelque chose qui est aimé universellement. »

Impossible, ici, de ne pas songer aux ultimes paroles d’Albus Dumbledore à Harry Potter : « Ne plains pas les morts, Harry. Plains les vivants. Par-dessus tout, ceux qui vivent sans amour. »

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